A la suite du plan sur les retraites en mai 2003, c’est la branche maladie de la sécurité sociale qui va connaître sa (contre) réforme au printemps prochain. La méthode est la même : on laisse courir un déficit (11 milliards d’euros cette année), on présente des perspectives plus sombres encore, au moins 20 milliards d’euros de déficit l’an prochain… Ajoutez y des phrases chocs ( » le trou de la Sécu se creuse de 20 000 euros par minute » a dit le ministre des affaires sociales, F. Mattéi), et de soit-disant grands sentiments, (« Le gouvernement rejette avec force toute forme de privatisation de notre assurance-maladie ») et vous aurez tous les éléments du scénario gouvernemental.
Article paru dans l’Egalité n°106
Sans vouloir casser le suspense, le but de tout cela reste comme pour les retraites : faire payer la crise aux travailleurs et à leurs familles, rendre source de profit la santé, qui n’a pas à l’être, et intégrer au maximum les syndicats aux simulacres de négociations pour qu’ils puissent se justifier ensuite de ne pas organiser la lutte.
Pour reprendre les choses dans le bon ordre, la sécurité sociale n’est pas malade de trop de dépenses mais bien de l’insuffisance des recettes. Comme par hasard, ce dernier point est exclu des discussions proposées par le gouvernement. Si aujourd’hui il n’y avait pas ou presque pas de chômage, la sécurité sociale serait largement bénéficiaire, on pourrait augmenter les retraites et la couverture des dépenses de santé. Si tout simplement des entreprises n’étaient pas exonérées de cotisations patronales, c’est 19 milliards de plus qui rentreraient dans les caisses de la Sécu.
D’autre part, la majeure partie de l’assurance maladie sert à rembourser les soins ou médicaments : donc à subventionner les gros laboratoires industriels (Sanofi-synthélabo, Aventis) ou les cliniques privées, les médecins libéraux etc. Si tout ceci était un service public, les dépenses seraient largement diminuées puisqu’il n’y aurait plus de patrons et de grands actionnaires à engraisser. A titre d’exemple, Sanofi a fait des réserves de 51 milliards d’euros pour l’achat d’Aventis : presque 5 déficits annuels de l’assurance maladie…
Profits contre satisfaction des besoins
La sécurité sociale va dans le mur parce que patrons et gouvernement ne veulent pas d’un système qui ne rentre pas dans l’économie marchande, parce qu’ils ont besoin que les centaines de milliards d’euros du budget de la sécurité sociale soient injectés dans la Bourse.
Raffarin a déclaré qu' »il y a deux impasses qui privent la France d’une vision d’avenir. Il y avait l’impasse des retraites, nous l’avons levée. Il y a l’impasse de la santé et nous voulons la lever avec un esprit de justice ». Tous ceux qui vont travailler des années en plus, qui vont voir leur retraite baisser, tous ceux qui dans les métiers pénibles ne sont même pas surs de vivre assez pour en bénéficier apprécieront leur sens de la justice.
Le gouvernement sait où il veut aller et pour qui il gouverne : le Medef.
D’ailleurs celui ci a posé ses conditions : 10 à 15 milliards d’euros » d’économies » pour 2004, ainsi qu’une mise en concurrence des systèmes publics, mutualisés, et privés d’assurance maladie et une participation, » même faible « , des assurés sociaux sans compensation.
L’attitude de tous ceux qui prétendaient défendre les intérêts des travailleurs n’est guère différente. L’ex-gauche plurielle a préparé le terrain, en maintenant et élargissant des mesures comme la CSG, instaurée par le PS et qui repose à 88 % sur les salariés. D’après un sondage publié dans « l’Expansion », 74% des gens sont opposés au fait de payer plus pour la santé.
Organiser la lutte
C’est bien entre une protection sociale basée avant tout sur la satisfaction des besoins, et une protection sociale devenant un secteur marchand que se pose le combat. Nous ne sommes pas partenaire du patronat et du gouvernement mais bien adversaires. Dès lors, la position de la CFDT qui préconise une » cogestion » se place clairement sur le terrain patronal.
Quant à la CGT, lorsque Bernard Thibaut dit que le refus d’intégrer dans les discussions la question de l’hôpital et du financement du système de soin » constituent deux points importants de désaccords « , cela implique clairement le refus de préparer la bataille. Ce ne sont pas deux points de désaccords, ce sont deux logiques, deux camps qui s’affrontent.
D’ailleurs, il ajoute, « la Sécu, c’est d’abord et avant tout un produit des salariés, financée par une part du salaire socialisé par les cotisations sociales, mais qui restent du salaire différé appartenant aux salariés pour subvenir à leurs besoins de santé sur la base d’un système solidaire ». Le plus de syndicats de base possibles doivent prendre position pour que la CGT quitte les discussions !
L’enjeu est donc bien de refuser plus longtemps de voir nos acquis passer à la moulinette des profits, et de préparer les travailleurs à les défendre. La sécu doit couvrir intégralement tous les soins, l’intégralité de la santé, depuis la production de médicament jusqu’aux soins doit être publique, nationalisée sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs de ce secteur.
– Le 14 juillet sera la date butoir pour l’annonce de la réforme, ça laisse de nombreux mois préparer la mobilisation
– Défense de la Sécurité sociale
– Arrêt immédiat des négociations bidons
– Préparons la lutte en lien avec les autres questions (emploi, salaire, refus des privatisations).
Par Alexandre Rouillard