Portugal: les 50 ans de la révolution des œillets!

Il y a 50 ans, le régime fasciste mis en place par Salazar fut balayé en une journée au Portugal. Le matin du 25 avril 1974, quand la population entendit la chanson « Grandola Vila Morena », interdite à la radio, ce fut le signal de la fin de la dictature ! Le Mouvement des Forces Armées (MFA) investit Lisbonne et Porto et les sécurisa. Les principaux dirigeants furent arrêtés et Caetano, digne successeur de Salazar se planqua. Des dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes descendirent dans les rues afin de fêter la fin du régime, fraternisèrent avec les militaires qui s’étaient révoltés et portaient un œillet à leur fusil. Des milliers de jeunes défilèrent aux cris de « À bas le fascisme ! », tout cela dans un enthousiasme fou.

Les raisons de la chute du régime

Pays colonisateur en Angola, Guinée-Bissau, Mozambique, le gouvernement portugais y menait une guerre sanglante contre les mouvements de libération nationale, pour défendre ses intérêts. 40% du budget total de ce pays était utilisé pour cela, pays pourtant très pauvre. Par ailleurs, de nombreux officiers de rang, influencés par le marxisme, se sont radicalisés au vu de la répression sanguinaire infligée aux personnes qui luttaient pour leur liberté. Ce furent les premiers à se mobiliser le 25 avril. Les grèves se multipliaient, comme partout dans le monde : luttes étudiantes en 1968, les banques en 1971, grèves importantes qui touchaient les entreprises étrangères, les travailleurs des aéroports et même les ouvriers agricoles. La petite bourgeoisie, en particulier, les étudiants s’opposaient aussi au régime.

1974-1975 : une situation révolutionnaire

Après la démission de Caetano, Spinola, un général, assume le pouvoir de la Junta de Salvação Nacional. Ce gouvernement militaire « de salut public » détient les principaux pouvoirs et fait tout pour conserver une domination indirecte sur les colonies. Parmi le MFA, les plus à gauche souhaitent remettre le pouvoir au mouvement de libération nationale pour l’indépendance.
C’est dans la rue, les quartiers, les entreprises que les événements les plus intéressants se déroulent : directeurs et associés sont virés, remplacés par des comités de travailleurs élus ; grèves contre les bas salaires et pour l’amélioration des conditions de travail. Le camp de la réaction essaie de réagir. Deux coups d’état, le 28 septembre 1974 et le 11 mars 1975, tentent de redonner le pouvoir à Spinola, mais c’est un échec. Il s’enfuit, auprès de la dictature fasciste de l’Espagne franquiste. La base des MFA et des travailleurs l’ont stoppé. Les syndicats occupent les banques qui ont soutenu Spinola. Elles doivent être nationalisées. 50 % le seront en effet, car le processus révolutionnaire continue et des nationalisations ont lieu de certains secteurs : banques, transports, métallurgie, industrie minière et communications…

Le rôle du PS et du PC

Le PS et le PC s’affrontent de plus en plus et le MFA maintient une forme de double pouvoir. Le PS s’oppose aux initiatives populaires et les événements qui ne vont pas dans l’intérêt des travailleurs s’amoncellent. À l’été 1975, on est au bord de la guerre civile.
Le MFA veut l’alliance du peuple et de l’armée. Ainsi, quand des paysans occupent les vastes domaines du sud pour y créer des unités collectives de production et que des ouvriers investissent des usines, il les soutient et les protège. Le 8 juillet, les militaires de la fraction la plus radicale du MFA proclament la supériorité de la démocratie directe sur la démocratie électorale. C’en est trop pour le PS qui claque la porte du gouvernement. Ce qui permet aux conservateurs de s’agiter. En quelques semaines, une centaine de sièges du PC, de syndicats et d’autres partis de la gauche révolutionnaire sont attaqués, parfois à la bombe, par des groupes financés par le patronat local.

La révolution stoppée

Le 7 août, la fraction modérée du MFA affirme que « le socialisme ne pourrait être établi que par la voie d’une démocratie pluraliste », sous-entendue bourgeoise. Les radicaux quittent le gouvernement. Le message est reçu par le PC, qui cède et lâche son ami Premier ministre qui démissionne.
En septembre 75, un gouvernement dirigé par Pinheiro de Azevedo né autour du PS. Puis Mario Suarez (PS) revenu d’exil, futur président, donnera son programme pour un gouvernement provisoire : un front d’unité nationale, alliance de nombreuses formations. Tout ça sur le dos des travailleurs qui voient le processus révolutionnaire s’arrêter. En 1974, au Portugal, la révolution socialiste était pourtant possible ! Cette période révolutionnaire montre à quel point les travailleurs peuvent prendre en main la société et l’économie et combien il a manqué un parti révolutionnaire de masse pour pousser la lutte vers une véritable société socialiste.

Par dadou

Ce que défendait le Comité pour une Internationale Ouvrière (CWI/CIO) en 1974

Quelques jours après le 25 avril 74 et le début de la Révolution des Œillets, nos camarades ont fondé le CIO/CWI à Londres. Ils militaient depuis des années dans le Labour Party en Angleterre. C’était la tendance « Militant », avec ses tracts, son journal et son organisation. Ils voulaient gagner le maximum de militants et travailleurs au programme marxiste léniniste et trotskyste. En même temps, il n’était pas question de passer à côté des nombreuses mobilisations et/ou grèves qui se déroulaient partout dans le monde.


Ainsi, au Portugal, les camarades ont publié une brochure en portugais et l’ont diffusée dans les partis ouvriers, en particulier le Parti socialiste et les jeunes socialistes auprès de qui elle reçut un accueil enthousiaste. Le PCP organisait les travailleurs dans l’industrie et aurait dû montrer les limites des luttes qui ne remettent pas en cause le capitalisme.

Nos camarades avaient comme slogans par exemple : « Désarmez les officiers réactionnaires, armez les travailleurs », « Reliez les comités de travailleurs au niveau local, régional et national » ou encore « Pour un gouvernement des travailleurs ! ». Armés de tels mots d’ordre, un parti révolutionnaire aurait pu rapidement unir une grande masse des travailleurs et arriver au pouvoir. C’est cette direction révolutionnaire qui a manqué à la Révolution des Œillets.