Unité nationale : piège !

L’enlèvement des deux journalistes français en Irak aura bien failli révéler une fois de plus l’ampleur du racisme latent des politiciens. On a ainsi pu entendre Kouchner proférer sur nos ondes un discours sur l’opposition de la civilisation, représenté par l’Occident évidemment, contre le monde barbare, entre le bien et le mal. En bref, un véritable discours sur le choc des civilisations et des cultures que G.W. Bush n’aurait pas désavoué !

Article paru dans l’Egalité n°109

L’intervention immédiate de toutes les organisations musulmanes pour la libération immédiate des journalistes, puis celle du « monde arabo-musulman » dans son ensemble, a rendu muet tout discours raciste. Leur intervention en défense de la République outragée aura aussi eu un autre « avantage » : personne ne s’est élevé contre l’application de cette loi d’exclusion des jeunes filles qui portent le voile (et des jeunes hommes qui portent le turban sikh). Cette affaire est arrivée bien à propos pour dédouaner les organisations musulmanes qui avaient d’ores et déjà pris la décision de laisser tomber les victimes de la loi (certainement trop heureux de pouvoir les récupérer dans les écoles coraniques – voire catholiques).

Entendons-nous bien, comme tout à chacun nous ne souhaitons pas la mort de ces deux journalistes, tout comme celle des « humanitaires » italiennes, mais une question se pose devant de tels évènements : pourquoi arrivent-ils ? Nous condamnons ces méthodes terroristes, car le terrorisme est un frein à la mobilisation des masses à travers le monde pour son émancipation (en l’occurrence, cet enlèvement aura mis un peu plus en difficulté les jeunes filles qui portent le voile en France). Mais nous estimons que les politiques impérialistes génératrices de guerre et de misère, et donc la marche même du capitalisme, sont la cause première de tels actes.

Et dans cette affaire, l’Etat français n’est pas blanc-bleu. Bien sûr, le gouvernement Chirac s’est opposé à l’intervention américaine. Mais il ne faut pas oublier la première guerre du Golfe à laquelle l’armée française a participé activement et les années d’embargo qui s’en suivirent, voté aussi par l’Etat français à l’ONU. Guerre et embargo qui firent des centaines de milliers de morts dans la population irakienne et qui détruisirent un des pays les plus industrialisés du Proche-Orient. Il n’est pas étonnant que ces conditions d’oppression soient un terreau pour le terrorisme. Face à un tel déséquilibre des forces, beaucoup, influencés par les religieux et non par des organisations ouvrières qui pourraient leur donner une perspective d’émancipation réelle, ne voient plus d’autres solutions, pour sortir de l’étau, que l’acte terroriste et le rapt.

Sur le plan intérieur, la République française offre-t-elle réellement une égalité pour tous, qu’on soit ouvrier ou patron, français ou d’origine immigré, qui vaille que l’on se batte tous unis pour elle ? A l’heure où les patrons délocalisent et licencient à tour de bras, baissent les salaires, attaquent nos conditions de travail et de vie, où les immigrés et les enfants d’immigrés sont de plus en plus exclus, « ghettoïsés » ou renvoyés dans leur pays, cette unité nationale est encore plus visiblement une immense supercherie. En définitive, en France comme partout ailleurs, le capitalisme n’offre à l’humanité que la misère et la guerre. Et ce n’est qu’en se battant pour une société débarrassée de l’exploitation capitaliste, contre la bourgeoisie partout où qu’elle soit, pour une véritable société socialiste, que nous verrons cesser les actes aussi désespérés qu’inutiles du terrorisme.

Par Yann Venier