Grande braderie à l’Education Nationale : Tout doit disparaître !

Car comment ne pas entendre le message des 50000 grévistes enseignants et non enseignants qui sont descendus dans la rue le 17 octobre pour réclamer l’arrêt immédiat des attaques portées une nouvelle fois contre le service public et national d’éducation ? Comment oser qualifier de préventive une réaction légitime face à la disparition bien réelle du statut de surveillant mise en place par ce gouvernement ? Cynisme ou comble de la démagogie ? Probablement les deux.

Article paru dans l’Egalité n°98

L’image est touchante : un ministre compréhensif et philosophe écouterait d’une oreille complaisante ses ouailles apeurées par le grand chantier des réformes !

Mais Ferry ne fait pas que prendre les profs pour des imbéciles, il reprend aussi le flambeau de ses prédécesseurs, dont il était le conseiller par ailleurs, et vient de lancer une attaque grave contre les statuts de tous les personnels de l’Education nationale. Une note ministérielle destinée aux recteurs et aux inspecteurs d’académie annonce la suppression de 5600 postes de surveillants et de 20000 emplois d’aide éducateurs. Le tout suivi d’un discours insultant et dévalorisant pour les milliers de surveillants accomplissant un travail essentiel dans les établissements.

Ce qui ennuie le ministère, c’est que ce sont des emplois plutôt bien rémunérés et gérés nationalement. L’intérêt est de les remplacer par des postes d’assistant d’éducation (toute ressemblance avec la terminologie précédente d’aide éducateur est, bien entendu, totalement le fruit du hasard), gérés par les régions, voire les établissements, et sous-payés sans aucun statut de fonctionnaire. C’est de nouveau l’intrusion de la précarité et du droit privé dans la Fonction publique. Au delà des économies budgétaires, le gouvernement fait un nouveau pas dans la casse des statuts et le désengagement financier de l’Etat. Nul doute que les prochains visés seront les profs eux-mêmes ; déjà sous Allègre on parlait de confier le recrutement des enseignants aux chefs d’établissement eux-mêmes.

Ces attaques ne sont pas nouvelles. Comme les autres services publics, l’Education nationale a vu se succéder les réformes développant la régionalisation et l’autonomie des établissements. Depuis les lois Faure et Monory dans les années 80 , tous les différents gouvernements n’ont eu de cesse de remettre en cause le caractère national de l’enseignement, tant dans les contenus que dans le financement et la gestion des personnels.

Aujourd’hui le maître mot du gouvernement est  » décentralisation « . Le but est de faire reposer encore plus le poids financier de l’enseignement sur les régions. Or les ressources des régions proviennent des entreprises locales. Nul doute que celles-ci échangeront leurs subsides contre une participation à l’élaboration des programmes d’enseignements. Ce que l’on constate depuis longtemps dans certaines universités (les Deug Michelin à Clermont-Ferrand ou Deug L’Oréal à Montpellier) sera la règle généralisée. Chaque école, chaque collège, chaque filière sera financé selon l’intérêt qu’y trouve le patronat local. Il y aura les filières rentables et financées et les autres deviendront de véritables filières poubelles. Il y aura des quartiers où les écoles seront de qualité et d’autres laissées à l’abandon. Nul doute que les établissements des quartiers dits sensibles ne feront pas partie à l’avenir de la première catégorie. La future Europe des régions sera l’Europe des inégalités : à région riche, école riche ; à région pauvre, école pauvre ; à quartier pauvre, école pauvre !

La mobilisation pour le maintien du statut des surveillants est donc loin d’être un avatar du corporatisme dont les médias et les politiques aiment tant affublés les enseignants ou tout fonctionnaire. Elle est au contraire l’expression d’une revendication fondamentale : la mise en place d’un réel service public d’enseignement national, de qualité et ouvert à tous.

Par Geneviève Favre