Depuis quelques années la part des missions intérim dans l’offre d’emploi n’a cessé de croître. Par ailleurs, la politique de l’emploi menée par les différents gouvernements n’a fait qu’accroître la part des contrats précaires grâce aux contrats aidés. Avec le contrat nouvelle embauche (CNE), le gouvernement Villepin-Sarkozy réalise en partie le rêve du MEDEF : la destruction du contrat à durée indéterminée (CDI) et du contrat à durée déterminée (CDD).
Article paru dans l’Egalité n°115
Le MEDEF le rêvait, De Villepin l’a fait
Jusqu’à maintenant, le patron qui voulait virer un employé devait justifier et motiver le licenciement et suivre une procédure. Evidemment le patronat a toujours réussi à détourner cela en inventant des fautes du salarié, par exemple. Le salarié avait des voies de recours, si minimes soient-elles, pour s’opposer à son licenciement. De plus, avec le CDD, l’employeur et le salarié avaient un terme fixe connu, que l’un et l’autre devaient respecter sauf dans le cas d’une faute de l’employé ou en cas de force majeure motivée. Au troisième CDD à la suite, sur le même poste, le contrat se transformait selon la loi, ipso facto, en CDI…
Tout cela disparaît avec le CNE, en effet, ce contrat prévoit que l’employeur pourra virer le salarié durant une période probatoire de 2 ans et à tout moment par une simple lettre recommandée sans qu’il y ait de recours possible pour ce dernier et sans que le licenciement ait besoin d’être motivé ou justifié. C’est un contrat d’extrême précarité, car le salarié ne saura jamais si le lendemain il a encore un boulot ou pas ! L’arbitraire le plus total va régner dans les entreprises, de moins de 20 salariés, et le salarié devra à tout moment montrer patte blanche s’il veut avoir encore une chance de conserver son emploi : pas de maladie, pas de fait de syndicalisme, pas d’opinion politique, pas de vie privée qui pourrait déplaire à l’employeur, pas de grossesse pour les femmes mais au contraire il devra ne pas compter ses heures et si possible augmenter la cadence !
Déjà le MEDEF et le FMI, voyant l’aubaine pour le patronat, appellent à l’extension du CNE à toutes les entreprises et à la refonte de tous les types des contrats dans ce dernier.
De fausses contreparties
De Villepin a insisté sur les contreparties qu’il octroyait pour les salariés : un préavis de 2 semaines à un mois selon l’ancienneté ? C’est déjà le cas sauf quand les conventions collectives prévoient un meilleur dispositif pour le salarié. Une indemnité de rupture de 8% du salaire brut exonéré d’impôt de cotisations patronales ? Les CDD prévoient une indemnité de précarité de 10% du salaire brut sans exonération. De meilleures indemnités chômage ? Il faudra avoir au moins travailler 6 mois à plein temps, comme c’est le cas aujourd’hui, pour ouvrir des droits ASSEDIC classiques. Ceux ayant travaillé moins de 4 mois ne toucheront rien et ceux ayant travaillé de 4 à 6 mois auront droit à l’aumône : 16,40 euros brut par jour pour une durée de 1 mois.
Les impératifs du patronat français
La classe ouvrière en France ayant mieux résisté durant les dernières décennies aux attaques du patronat et de leurs gouvernements, les capitalistes français sont obligés d’imposer rapidement des contre-réformes afin de rester concurrentiels et de maintenir leurs profits face aux capitalistes des autres pays dans une période de recul économique flirtant avec la récession généralisée.
Comme les capitalistes américains ou anglais, leur but est de précariser totalement l’emploi afin de leur offrir plus de souplesse dans la production industrielle ou de services : j’embauche quand j’ai besoin et je débauche sans autre forme de procès lorsque je n’ai plus besoin de mains d’œuvre. On se retrouve ainsi de plus en plus dans la situation du 19ème siècle avec, pourquoi pas, à terme, des embauches à la journée (ce qui existe plus ou moins déjà avec les chèques-emploi-service).
C’est aussi la casse des conventions collectives et du code du travail, qui permettaient aux travailleurs d’avoir des droits équivalents les uns les autres et de ne pas se retrouver seuls face à leur patron pour négocier leurs emplois, les conditions de travail et les salaires. C’est la fin de l’unité de la classe ouvrière et une plus grande difficulté pour les luttes collectives.
Les capitalistes en France, comme partout dans le monde, cherchent à faire porter le poids de la crise structurelle du capitalisme sur les épaules des travailleurs. Les acquis de la classe ouvrière se sont toujours fait par des luttes d’ampleurs. Si l’on veut résister à ces attaques nécessaires à la “survie” de la bourgeoisie française, il faudra nécessairement descendre massivement dans la rue avant qu’ils nous y jettent, pour imposer aux patrons nos revendications et construire le socialisme puisqu’ils ne peuvent pas offrir une vie décente à tous.
Par Yann Venier