Sarkozy, Villepin : quelle droite pour mener l’offensive capitaliste en France ?

Les premiers débats sur les élections présidentielles de 2007 et les candidats agitent la presse et la rentrée politique. Au delà de la mise en scène, il y a un vrai désaccord. Les capitalistes français divergent sur la ligne de conduite à adopter dans la période à venir en France. La question de fond des politiciens est de répondre aux attentes des capitalistes : comment être concurrentiel au niveau européen et mondial ? Pour cela, ils savent qu’il leur faut s’en prendre aux conditions de vie et de travail des travailleurs en continuant les réformes libérales.

Article paru dans l’Egalité n°115

La crise des classes dirigeantes

Les gouvernements européens se heurtent à une classe ouvrière de plus en plus exaspérée et à des politiciens discrédités. A travers l’ensemble des pays capitalistes avancés, les classes dirigeantes connaissent la même crise. C’est le résultat de plusieurs décennies d´attaques contre les jeunes et les travailleurs. Aujourd’hui la moitié de la population anglaise ne peut pas consulter un médecin avant une semaine !

La stratégie des classes dirigeantes est toujours dictée par une seule loi, celle de la déréglementation du travail et des conditions de vie des travailleurs dans le but de maintenir leur taux de profit. Cette loi du profit amène à prendre toujours plus aux travailleurs.

Le ras-le-bol grandit. Ceci a pour effet une remontée des luttes même isolée et le rejet des institutions capitalistes. Le vote majoritaire pour le Non en France et aux Pays Bas au printemps dernier l´a illustré, ainsi que l’organisation d´élections anticipées en Allemagne. Cette crise, très marquée, au sein de l’Union européenne amène les gouvernements à des oppositions grandissantes. Depuis le printemps dernier, les principaux gouvernements n´arrivent plus à se mettre d’accord. On a vu Tony Blair s’opposer à Chirac sur le budget de l’Union européenne, ou l’Allemagne et la France s’opposeraient sur la direction d’EADS.

La crise économique accentue ces oppositions entre capitalistes. La bataille entre les entreprises fait ainsi rage dans le monde des privatisations, des fusions, dans les secteurs rentables comme la téléphonie ou l’armement. La croissance européenne est quasi nulle et plombe l’activité économique. Ainsi les capitalistes se replient sur les valeurs les plus sûres, licencient et délocalisent. Chaque gouvernement se met à défendre les entreprises fleurons du pays dans des secteurs bien définis. Sarkozy annonçait ainsi que la France devait essayer de garder son influence dans cinq ou six secteurs-clé de l’économie mondiale. La crise économique limite donc fortement les marges de manœuvre des gouvernements au service des capitalistes.

Villepin ou Sarkozy ?

Villepin et Sarkozy à tour de rôle égrènent leur programme pour 2007. Les différences d’approche sont visibles et montrent les désaccords au sein des classes dirigeantes françaises sur la marche à suivre. Villepin s’inspire de Chirac et de son programme soi-disant social, sur le thème de la fracture sociale à combler, de la « croissance sociale ». Il met en avant l’idée que la République joue un rôle de régulateur des inégalités. Il cible en particulier les classes moyennes, qui voient leur pouvoir d’achat se réduire avec la hausse des prix de consommation courante. Il allie la nécessité des réformes libérales et dans le même temps une intervention de l’Etat pour soutenir la croissance et permettre aux patrons d´avoir, avec les classes moyennes, des consommateurs qui achètent.

Sarkozy, quant à lui, ministre et candidat, se pose comme le candidat purement libéral qui rejette le « saupoudrage social organisé depuis 20 ans » par les différents gouvernements français. Il présente ses mesures comme un programme de rupture avec les politiques précédentes. Il prône le mérite et la sélection, propose de limiter à 50% des revenus l’impôt, veut alléger l’impôt sur la fortune et supprimerait un fonctionnaire sur deux par non-remplacement des départs en retraite. Il affiche la couleur : les pauvres doivent être méritants, les riches doivent être soulagés des charges trop lourdes qui selon lui freinent la dynamique de croissance en France.

Mais en fait les différences sont minimes. Les actes parlent d’eux-mêmes, le gouvernement Villepin mène une série d’attaques concernant le contrôle des chômeurs, l’expulsion des mal logés, des immigrés, la privatisation des autoroutes, de Gaz de France… La stratégie est identique : s’en prendre aux travailleurs et aux jeunes pour permettre au patronat français de faire des profits et être concurrentiel. Cependant la tactique pour y parvenir est différente. Elle dépend du choix qui sera fait d´attaquer frontalement les travailleurs avec Sarkozy ou de manière plus masquée avec Villepin. L’approche de Villepin et Chirac a pour but d’essayer de sauvegarder la paix sociale en attirant des classes moyennes qui, dans la période de crise actuelle, s’appauvrissent. Il s’agit clairement d’empêcher un trop grand rapprochement de leurs intérêts avec ceux des travailleurs.

Les luttes des travailleurs : la question-clé

L’ensemble de ces éléments complique la tâche des gouvernements et du patronat. Objectivement, leur marge de manœuvre est étroite en raison des oppositions inter-capitalistes provoquées par la crise économique. Cependant, ils savent aussi que la crise touche en premier les travailleurs et les jeunes. Rien de pire pour eux que de voir les jeunes et les travailleurs ensemble dans la rue ! Ils contrôlent de moins en moins la capacité de riposte et d´organisation indépendante des travailleurs et des jeunes. C’est l’élément déterminant pour les mois qui viennent.

Les votes-sanctions contre les gouvernements en place, les résultats du référendum, les luttes de résistance de nombreux travailleurs contre les licenciements, la hausse des cadences et la baisse des salaires début 2005 ont montré ce ras-le-bol. Cumulés au discrédit des politiciens de droite comme de « gauche », mouillés dans les affaires de corruption, de plus en plus de travailleurs en Europe relèvent la tête et comprennent que seule la lutte peut changer cette situation.

Sarkozy et Villepin savent cela. Le discours « social » ne tient déjà plus pour une majorité des travailleurs et des jeunes. Il est assez clair que lorsque Sarkozy s’en prend aux immigrés, expulse, il annonce la couleur à tous ceux qui vont chercher à riposter aux attaques : s’il est président, il attaquera  tout mouvement social. Villepin sait aussi qu’il sera grillé pour 2007 si des luttes se développent trop fortement à l’automne.

Cependant, un mouvement de grève générale pour stopper les plans d’attaques ne suffira pas à en finir définitivement avec Chirac, Villepin, Sarkozy. L’enjeu pour les travailleurs est de faire déboucher un début d’alternative en s’organisant contre le système qui crée ces attaques et pas seulement contre Sarkozy ou Villepin.

C’est dès maintenant, dans les luttes à venir, dans les débats entre organisations, qu’il faut dessiner la perspective d’un outil pour se battre au quotidien : celle d’un parti combatif des travailleurs. Ce parti doit tourner le dos à ceux, de Strauss Kahn, Fabius ou Buffet qui acceptent de gérer le système capitaliste. Il nous faut un parti résolument anticapitaliste, qui se bat pour en finir avec cette société de misère et d’exploitation, pour une société socialiste où les travailleurs décident démocratiquement des priorités, en fonction des besoins de tous et non plus pour les profits d’une minorité.

Par Leila Messaoudi et Virginie Prégny