Les luttes s’étendent en Europe

L’Europe a connu de nombreuses luttes depuis le milieu des années 90 (licenciements, anti-mondialisation, anti-guerre…). L’année 2003 a, cependant, marqué une nouvelle étape dans le développement de ces luttes et de leur portée politique. De nombreuses grèves générales ont eu lieu contre les politiques libérales des capitalistes d’Europe.

Article paru dans l’Egalité n°103

En effet, la carte sociale et politique a changé. Face à la détermination de la bourgeoisie, celle de la classe ouvrière est remontée contre les attaques sociales mais aussi celle des populations contre la guerre. 30 millions de personnes se sont ainsi mobilisées dans le mouvement contre la guerre contre l’Irak le 15 février 2003.

Les grèves, cette année, ont eu un « caractère général ». Cela est nouveau : la question de la grève générale revient d’actualité y compris dans des pays pas habitués : 1 million de salariés en Autriche ont cessé le travail contre la réforme des retraites. En Suède, une grève des personnels communaux a eu lieu au niveau national. En Irlande, on assiste à une remontée du militantisme : lutte contre la casse des services publics et les privatisations, grève des pompiers dans le Nord soutenue par 70% de la population protestante et catholique en Angleterre. Après les années Thatcher, les luttes ouvrières reprennent, malgré des lois antisyndicales extrêmement répressives. Un vote majoritaire pour la grève est obligatoire dans l’entreprise avant toute action, sinon, la grève est illégale. Pourtant en juillet, pendant douze jours, à l’aéroport d’Heathrow à Londres, le personnel au sol de British Airways, s’est mis en grève, de façon « spontanée » pour protester contre un nouveau système de pointage électronique et un changement des conditions de travail. L’annualisation du temps de travail va autoriser la compagnie à renvoyer chez eux les employés pendant les heures creuses. Ils devront rendre ces heures ensuite ! Même si un accord est intervenu entre la compagnie et les syndicats – qui n’avaient pas appelé à la grève- la situation économique de British Airways est catastrophique. Assurément, les attaques vont se poursuivre contre les salariés, les grèves suivront.

Quelle portée politique à ces luttes ?

Le caractère général des luttes a pris une dimension plus profonde en France. Des millions de grévistes, pour certains en grève reconductible, sont descendus dans les rues pour défendre le service public d’éducation et lutter contre la réforme des retraites. Ce ne fut pas une grève générale, le secteur privé n’étant pas en grève avec le public. Mais au fur et à mesure que les semaines de grève avançaient, la question du prolongement politique de cette grève se précisait. Si Raffarin part, que mettre à la place ? Incapables d’affronter la situation, les directions syndicales n’ont donc pas voulu construire la grève générale et n’y ont pas appelé. Au-delà, la question de l’alternative politique a surgi ainsi que la nécessité d’un nouveau parti des travailleurs. L’auto-organisation de la grève, en assemblées générales et comités de grève dans certaines régions, a fait toucher du doigt les possibilités du mouvement. De toutes autres situations montrent aussi cette dimension politique. En Angleterre, écœurés de la politique antisociale de Blair et du New Labour, dans les syndicats, les salariés se reposent la question de créer un parti des travailleurs. En effet, ce sont les syndicats qui ont créé le Labour Party au 19ème siècle. Sous l’impulsion de campagnes de syndicalistes, certains syndicats, comme l’UNISON, syndicat des services publics, refusent désormais de financer le Labour, comme c’était la règle.

La récession économique touche l’Europe de plein fouet et va s’accentuer. La polarisation entre le patronat et les travailleurs se renforce. D’un côté, les patrons s’enrichissent à tout va. En Grande Bretagne, ils ont doublé leurs revenus. En même temps, les fermetures d’usine et les privatisations continuent. En Pologne, le taux de chômage est de 20 à 25%. Les  » agendas  » des gouvernements européens au service des patrons ne diffèrent pas beaucoup : attaques tous azimuts contre les retraites ou le système de santé et le démantèlement des services publics. En Angleterre 30 000 licenciements sont prévus dans la Poste, idem en France. Les plans sociaux et les licenciements tombent par milliers dans le privé.

Les travailleurs ont besoin de leur propre parti, mais la création d’un parti de la classe ouvrière unie dépend des pays et passe par diverses expériences, par différentes initiatives et étapes selon les pays. Ce qui est sûr, c’est que ces partis, sur un programme anticapitaliste, doivent s’irriguer dans les luttes, pouvoir intégrer les travailleurs au côté de courants du mouvement ouvrier.

Par Marie-José Douet