La crise, c’est aux patrons de la payer

Difficile de faire la liste des plans dits « sociaux » et des licenciements qui les accompagnent depuis un an, cette page de journal n’y suffirait sûrement pas.

Article paru dans l’Egalité n°103

Citons quand même certains des plus importants, pour constater que tous les secteurs de l’économie sont touchés : Giat Industrie (armement) 3750 licenciements d’ici 2006, Air Lib 3500, Air Littoral 1000, Alstom 2184 d’ici 2005, Alcatel (télécoms) 1654, Schneider Electric 1000, Métaleurop 830, Matra Automobile 945, Altadis (tabac) 701 d’ici 2005, ST Micro Electronics 575, Giraud Logistique (tramports) 1184, Tati 1200, Doux (élevage et transformation de volailles) 1000, Comilog (Métallurgie) 350, Yoplait 315, Futura France (machines à coudre Singer) 700, Daum (verrerie) 300 … sans parler des affaires Flodor et Palace Parfums.

Depuis le début de l’année, c’est au moins 60 000 emplois qui ont été supprimés. A ces suppressions directes, s’ajoutent les pertes d’emplois indirectes qu’entraînent les fermetures de sites industriels. Et le secteur public n’est pas épargné avec 479 suppressions d’emplois à Tat Express, filiale colis de La Poste. La facture est salée, et c’est uniquement aux travailleurs que le patronat veut la faire payer.

Dans un contexte de stagnation économique, voire de stagnation à l’échelle internationale, les sites de production, en France comme ailleurs, sont touchés par le manque de débouchés, une surproduction chronique. Avec 25 000 dépôts de bilan au premier semestre 2003 (+ 8%), les faillites d’entreprises s’accélèrent. Officiellement, on s’approche des 10% de chômeurs, et on sait que c’est bien plus en réalité. Le patronat, contraint par la concurrence, voit ses profits diminuer, et veut les maintenir au plus haut niveau possible en exploitant davantage ses salariés : baisse des salaires, augmentation de la productivité et donc dégradation des conditions de travail, et licenciements massifs. C’est vrai même pour des entreprises qui font des bénéfices. Les patrons, sans vergogne, n’hésitent pas à demander à leurs salariés des « sacrifices » pour « sauver leur entreprise » ou « maintenir sa compétitivité », avec souvent la complicité des dirigeants syndicaux locaux, qui reprennent à leur compte ce genre de discours. En fait, ce sont leurs profits qu’ils veulent préserver. Au passage, pour les patrons, c’est tout autre chose, leurs  » indemnités de départ  » se comptent en millions d’euros (comme Messier, Desmarest ou Bilger, ex-patron d’Alstom qui a été contraint à les refuser).

L’usine appartient à ceux qui la font tourner

Mais les travailleurs doivent refuser catégoriquement ce genre de d’arguments. Ceux qui sont touchés par les licenciements, qui voient leur usine fermer, leurs machines pillées par les patrons comprennent que leurs intérêts sont opposés. Ils sentent aussi que les outils de production devraient leur appartenir, quand ils traitent leurs patrons de voleurs, comme à Flodor ou Palace Parfums. Et ils ont raison, les usines, les machines, les outils de production ne doivent pas servir à produire du profit pour quelques uns, à fabriquer des choses inutiles ou en quantité inadaptée. Seule la propriété collective des moyens de production, planifiée et contrôlée par les travailleurs, peut empêcher cette production anarchique.

Les supermenteurs au service des superlicencieurs

Chirac se dit « indigné », Raffarin « révolté », Mer « scandalisé » par le comportement des « patrons voyous ». Comment les prendre au sérieux, alors qu’en décembre dernier, les députés de leur majorité ont suspendu les dispositions de la loi dite de « modernisation sociale » qui gênaient le plus le patronat pour procéder à des licenciements massifs (droit d’opposition des syndicats aux plans sociaux, recours à un médiateur, droits de l’Inspection du Travail, obligation de négocier les 35h avant un plan social, d’informer les élus du personnel). Ça ne suffisait pas encore : le gouvernement a décidé en juillet l’abaissement des plafonds d’indemnisation des travailleurs licenciés.

En fait, les choses sont plus claires avec Fillon quand il dit « refuser de laisser croire que le gouvernement peut s’opposer aux restructurations ». Pas d’illusions non plus dans l’ex-gauche plurielle : le discours de Jospin lors des licenciements chez Michelin ressemblait étonnamment à celui de Fillon.

Après le vol des machines de l’usine Palace Parfums par son patron escroc, Fillon avait promis la plus extrême sévérité contre lui. Qu’en est-il quelques mois après ? Pour le patron, rien. Mais pour les salariés licenciés, c’est toujours le chômage pour la quasi totalité. Une étude du ministère de l’emploi (qui doit pourtant être indulgent pour le gouvernement) montre que moins d’un salarié sur deux inscrit dans une cellule de reclassement retrouve un emploi. Et ce sont les femmes qui sont les plus touchées : moins d’une sur quatre obtient ainsi un CDI.

Et le gouvernement n’a pas l’intention de laisser les travailleurs se défendre. C’est les CRS qu’il envoie pour expulser les salariés qui occupent leur usine pour sauver leur emploi et leur outil de travail.

Pourtant, c’est la seule solution. Les travailleurs ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour empêcher leur licenciement. C’est par leur opposition physique qu’ils peuvent empêcher le vol des machines. C’est par leur organisation collective, solidaire entre les différentes entreprises concernées, qu’ils peuvent mener la lutte. Ce n’est pas une loi qui empêchera les licenciements, ce sont les travailleurs eux-mêmes, organisés et conscients de leurs droits et de leur rôle dans la société.

Par Pascal Grimbert