Construire les outils pour une vraie reprise de la riposte ouvrière

Les capitalistes sont bien décidés à faire aboutir en France les attaques prévues de longue date contre les conditions de vie et de travail des travailleurs et des jeunes pour maintenir et accroître leurs profits. Mais les travailleurs relèvent la tête. Ils ne sont plus dans le même contexte qu’il y a six ou sept ans, ils ne sont plus prêts à laisser passer les attaques car tous les aspects de leur vie sont touchés. Patronat et gouvernement se confrontent à une radicalisation grandissante qui cumule mobilisations dans la jeunesse et colère des travailleurs dans les secteurs privé et public. Il s’agit d’une situation politique assez inédite.

Article paru dans l’Egalité n°112

Le 5 février, puis le 10 mars 2005 sont la traduction de cette radicalisation. Les directions des syndicats ont dû y répondre sous la pression de secteurs attaqués qui voulaient cette journée de grève commune et sous la pression des lycéens qui occupaient les rues montrant que c’est le moment de combattre l’offensive gouvernementale et patronale. Les travailleurs veulent en découdre et riposter. Chaque revendication contre les plans de licenciements, contre les suppressions de poste dans le public ou la casse des services publics et du code du travail s’oppose de manière durable au gouvernement et au patronat. Elle s’attaque aux intérêts mêmes des capitalistes. Cette situation explosive impose la construction d’une riposte coordonnée des travailleurs et ouvre de manière plus cruciale la construction de l’alternative politique au gouvernement et au patronat. Comment les travailleurs peuvent-ils riposter, quelles sont les perspectives politiques à la reprise des luttes ?

Faire aboutir nos revendications dans la lutte

Face aux attaques, il faut d’abord retrouver confiance dans nos capacités et notre force. Une journée de grève commune à tous les travailleurs et aux jeunes permet de montrer notre force. Cette journée est le moyen de sentir le poids réel que les travailleurs et les jeunes unis ont dans la société. Sans nous rien ne marche plus : usines, transports, hôpitaux, écoles, …

Pour avoir la portée la plus efficace, cette grève se prépare avant le jour même sur chaque lieu de travail et à partir de revendications. Dans des assemblées générales, on peut discuter des revendications, des moyens de les faire avancer et aboutir. Plus on saura pourquoi il se mobilise, moins le patronat et le gouvernement pourront faire passer leurs attaques. Par ces discussions, en élaborant ensemble nos axes de lutte, on se donne les moyens de mieux se défendre, on s’organise et on prend conscience de notre force mais aussi de nos faiblesses sur un seul secteur. La nécessité d’échanger avec d’autres secteurs, d’autres lieux de travail devient nécessaire pour se coordonner et riposter ensemble.

Chaque travailleur déjà mobilisé aujourd’hui ou en lutte contre les licenciements ou la casse des services publics sait qu’il faudra s’unir dans la durée pour riposter. Il faudra poursuivre la riposte ensemble et ne pas se contenter attendre une prochaine date de grève. La question qui se pose aujourd’hui est de se donner les moyens de riposter nous-mêmes, dans chacun de nos secteurs et collectivement. Pour construire la mobilisation et la grève, il faut se donner des outils de discussion et de décision collectifs à tous les salariés. Dans les assemblées générales, il faut discuter des revendications communes des travailleurs et des suites à donner à cette journée. Le retrait de tous les plans de licenciements, le retrait des lois sur les 35h et la loi Fillon, l’arrêt des privatisations, l’arrêt des suppressions de postes imposent une lutte collective des travailleurs. Dans les assemblées générales, dans chaque comité de grève issu de ces assemblées, chaque travailleur syndiqué ou non syndiqué, inorganisé ou militant a sa place pour construire les bases d’une lutte d’ampleur.

Une journée de grève de tous les secteurs et après ?

La journée de grève commune de tous les secteurs est un point de départ pour coordonner la riposte contre le patronat et le gouvernement. Le gouvernement ne cédera pas en une journée même s’il est fragilisé. Cette journée de grève de tous les secteurs aura des retombées. En effet, en faisant grève tous ensemble, en réalisant que les revendications sont les mêmes, les travailleurs réalisent leur force. La question de poursuivre la grève pour faire céder le gouvernement et le patronat se pose alors.

Certains secteurs ne peuvent plus reculer, les attaques sont trop fortes, elles remettent en cause l’ensemble de leurs conditions de travail. Par la reconduite de la grève et l’appel aux autres secteurs, la journée commune peut prendre la forme d’un début de mouvement généralisé de grève, voire d’une grève générale. Le développement de plusieurs journées de grève générale ouvre alors rapidement des questions très politiques. Qui fait réellement fonctionner l’économie ? Nous constatons tous les jours que cette société fonctionne pour les capitalistes grâce à notre travail. Lors d’une grève générale, nous montrons qu’elle ne peut pas fonctionner sans nous. Nous esquissons la perspective de la faire fonctionner sans eux pour nous tous.

Une grève générale prolongée bloque l’économie des capitalistes, mais elle pose surtout la question de réorganiser la société pour pouvoir se déplacer, se nourrir, envoyer du courrier…Les travailleurs en grève doivent décider ensemble des priorités : que faire redémarrer, à quel rythme … D’une manière plus globale, le pouvoir officiel ne représente plus rien et ne sert plus à rien. Si le gouvernement cède, la question qui se pose alors est par quoi le remplacer ? Aujourd’hui quelle est l’alternative politique à Chirac, Raffarin et Fillon ? Comment est-il possible de faire une autre politique que celle au service des capitalistes ?

Dans la lutte, cette question trouve des réponses. L’expérience de la lutte commune, de la gestion collective de la grève amène les travailleurs et les jeunes à prendre les choses en mains, à commencer à gérer l’économie non plus pour les profits d’une poignée mais pour les besoins de tous.

Mais concrètement la question du changement de gouvernement c’est la question du système. Les travailleurs qui combattent aujourd’hui les attaques ont déjà compris que le système capitaliste ne répondra jamais aux besoins de la majorité de la population. Pour faire aboutir nos revendications durablement, la nécessité d’une alternative au système capitaliste émerge dans les luttes. Mais aujourd’hui, l’alternative au capitalisme est très faible et reste à construire à une échelle de masse : un parti militant explicitement pour une société socialiste, débarrassée de l’exploitation, de la recherche systématique du profit maximum sur le dos de tous et gérée démocratiquement par tous, pour tous.

Construire un parti de lutte des travailleurs

Pour construire cette alternative et réellement stopper l’offensive des capitalistes, il faut se battre dès à présent de manière organisée contre les attaques et pour reprendre l’offensive. Aujourd’hui, les outils de lutte manquent : les syndicats sont faibles et leurs directions ont accepté un grand nombre d’attaques sans réellement mobiliser depuis 2000 sur les licenciements en masse, les retraites, la sécu. Quand à l’ex-gauche plurielle, dans « l’opposition », elle parvient mal à dissimuler qu’elle est d’accord pour attaquer les travailleurs. Précédemment au gouvernement, elle avait déjà ouvert la voie aux mêmes attaques avec la privatisation de France Télécom, la réforme de la SNCF ou la réforme Allègre de l’éducation.

Il faut une réelle organisation des travailleurs, un nouveau parti des travailleurs combatif doit émerger. Et c’est en naissant des luttes qu’il sera le plus solide. Tous les travailleurs en lutte ont leur place dans ce parti aux côtés de militants organisés. Son programme devra être combatif, unifiant les luttes : pour le retrait de tous les plans de casse des services publics, contre tous les licenciements et les réformes anti-ouvrières, pour la renationalisation des entreprises privatisées…et proposant une alternative politique indépendante des partis qui ont servi et serviront les intérêts des capitalistes, un programme de lutte contre les attaques patronales et gouvernementales. et de construction du socialisme.

Par Leila Messaoudi