Le beurre ou les canons ?
L’impérialisme occidental et le bloc de l’Est stalinien ont consacré pendant des décennies de grosses sommes d’argent à la défense. Les années ’90 ont connu, avec la disparition de l’antagonisme est-ouest, une baisse des dépenses militaires. Avec ses crises insolubles et sans cesse récurrentes, le capitalisme n’a pas su éviter le chaos, les conflits ethniques et sociaux, la quête effrénée des richesses du sous-sol, des marchés et des sphères d’influenc,… Depuis 1998 les dépenses militaires au niveau mondial sont de nouveau à la hausse. En 2001 le monde a dépensé pour 839 milliards de dollars en engins de guerre et tout ce qui a trait à la défense (SIPRI Yearbook 2002).
Article paru dans l’Egalité n°96
Avec ce que les USA, la Russie, la France, le Japon et la Grande-Bretagne – les cinq plus gros marchands de canons – dépensent chaque année en matière de défense – plus de 400 milliards de dollars – on pourrait pourvoir le monde entier en enseignement, en soins de santé et en infrastructures sanitaires. On pourrait s’en servir pour combattre la pauvreté et la faim. Il n’en est pourtant pas question. Les puissances capitalistes en compétition doivent défendre leur prestige, leurs marchés et leur influence.
Les USA veulent d’ici 2007 relever leur budget de la défense à 451 milliards de dollars – le prix à payer pour la « guerre contre le terrorisme ». Une hausse de 58% par rapport à 2000. Pour y arriver, Bush va chercher l’argent là où il ne se trouve pas: dans les services sociaux. Ses copains dans l’industrie de l’armement, le vice-président Dick Cheney en tête, y échapperont sans aucun doute. Le reste du monde observe avec inquiétude les cow-boys capitalistes de la Maison Blanche
L’impérialisme US sur le sentier de la guerre
Les attentats du 11 septembre ont signifié pour le gouvernement américain une rupture avec le passé. C’était une situation inédite sur le plan de la sécurité, de la stratégie militaire et des conséquences politiques. Nombre d’Américains, aussi bien les leaders capitalistes que la population, s’imaginaient que leur pays était invulnérable en raison de sa situation géographique (enchâssé entre deux océans), de sa puissance économique et militaire et de l’absence de guerres sur son territoire tout au long du siècle passé.
Les attentats du 11 septembre ont mis un terme à cette illusion. Ils ont dévoilé la face cachée de l’ordre mondial capitaliste : une grande partie du monde, contrôlée par le FMI (Fonds monétaire international) et la Banque mondiale, végète dans la misère, la guerre et l’oppression.
Beaucoup de gens, surtout dans le « Tiers-Monde », voient les USA comme une superpuissance arrogante : terreur d’état contre les travailleurs et les jeunes en révolte au Chili en 1973 ou celle qu’exerce l’allié israélien contre les Palestiniens, soutien aux massacres commis par les contras au Nicaragua, au Congo du dictateur Mobutu,… Tout doit s’effacer devant les profits des grandes entreprises américaines.
Les attentats terroristes du 11 septembre ont rendu plus difficile le passage à l’action des travailleurs et des jeunes et ont donné carte blanche à la classe dominante pour contre-attaquer.
La « guerre contre le terrorisme » devait rétablir le prestige de l’administration Bush. Elle veut imposer la stabilité à l’aide d’une poigne de fer, mais elle n’a fait que rendre le monde plus instable.
Pour renverser les Talibans fondamentalistes en Afghanistan (que les USA avaient pourtant jadis soutenus pour contrer l’influence soviétique), les USA se sont assuré la collaboration du dictateur Musharraf au Pakistan. Cela a provoqué le mécontentement d’une grande partie de la population pakistanaise. Musharraf utilise aujourd’hui les tensions avec l’Inde pour regagner le soutien de la population. Les accrochages sanglants entre l’Inde et le Pakistan et la menace d’une guerre nucléaire en sont le revers de la médaille.
En Afghanistan même le Conseil tribal des anciens qui décide des « élections démocratiques » est peuplé de chefs de la guerre, la loi de la jungle règne en maître dès qu’on sort de Kaboul (les troupes de l’ONU ne veulent pas s’y risquer) et l’Occident n’est pas disposé à payer le prix d’une véritable reconstruction. Les forces d’Al-Qaeda et des Talibans se sont regroupées au Pakistan d’où elles peuvent continuer à harceler le nouveau régime en Afghanistan.
Au Proche-Orient le gouvernement israélien de Sharon s’est emparé de la « guerre contre le terrorisme » pour resserrer l’étau autour des Palestiniens. Les missions de médiation des Américains Zinni et Powell n’ont rien donné. L’armée israélienne emmure les territoires palestiniens et l’occupation risque de devenir permanente.
Au niveau international, la « guerre contre le terrorisme » a renforcé la présence militaire américaine en Colombie, aux Philippines, au Yémen, en Géorgie, en Indonésie… Le mot d’ordre « Qui n’est pas avec nous est contre nous » est en vigueur. Les services de sécurité aux USA ont reçu plus de latitude pour contrôler la population.
Bush comprend que sa popularité actuelle doit très peu à son élection douteuse, mais qu’elle est entièrement due aux attentats terroristes et à la guerre qu’il est maintenant en mesure de mener. En attirant sans cesse l’attention sur la menace terroriste, on détourne l’attention de la crise économique et des mesures d’austérité.
Les limites de la puissance américaine
Les USA sont la seule superpuissance qui subsiste. 36% des dépenses militaires mondiales leur sont dues. C’est plus que les 15 pays suivants pris ensemble ! L’Europe se trouve donc à la traîne sur le plan technologique, ce qui pourrait compromettre à l’avenir sa capacité de mener des opérations communes avec les USA. L’OTAN (l’alliance militaire entre les USA et l’Europe) a détecté 58 domaines où l’Europe accumule un retard technologique sur les USA.
Bush veut également utiliser le réarmement pour doper une économie défaillante. Cette impulsion est toutefois compromise par les coupes dans les budgets sociaux. Celles-ci risquent à terme de creuser un trou dans le budget fédéral.
En contradiction avec son prédécesseur Clinton, Bush compte moins sur la diplomatie pour défendre les intérêts du capitalisme américain. La devise de son administration est: « agir seul si possible, avec les autres s’il le faut ».
Bush a dénoncé les Accords de Kyoto à la demande de l’industrie américaine, a rejeté la Cour pénale internationale ; il veut en finir avec le moratoire sur les essais nucléaires (le Pentagone envisage la possibilité d’utiliser de nouveaux missiles nucléaires) alors que sa « guerre des étoiles » a eu pour effet de rendre caducs les accords de désarmement précédents…
En outre l’administration Bush n’a toujours pas renoncé à attaquer l’Irak. Il faudrait 200.000 soldats américains pour renverser Saddam Hussein. L’invasion a été provisoirement reportée en raison de la situation en Israël/Palestine.
Lorsque Bush engagera ses troupes pour de bon, il va se retrouver avec un nouveau Viêtnam sur les bras – le syndrome des sacs mortuaires – et il va déstabiliser toute la région encore davantage. La récente tentative de putsch au Vénézuela, qui avait l’aval de Bush, a été rapidement tenue en échec par un mouvement de masse. Cela démontre les limites des USA : ils ne peuvent contrôler tous les foyers allumés par le capitalisme.
« L’axe du Mal » de Bush – dirigé contre l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord – a été rejeté comme « simpliste », notamment par la France. Les stratèges de Bush envisagent en outre la possibilité de mener des « attaques préventives » contre les pays qui soutiennent le terrorisme ou qui détiendraient des armes de destruction massive. A les entendre, la vieille doctrine de la « dissuasion » serait désormais dépassée.
Cela débouche sur une logique dangereuse qui pousse les états les plus faibles à frapper les premiers avant que leur puissance militaire ne soit détruite par l’adversaire. Et a-t-on pensé aux conséquences si des substances chimiques ou nucléaires devaient être libérées dans l’atmosphère lors d’une telle attaque préventive ?
De même que Bush n’a aucun problème avec les « victimes économiques » de ce système, de même son administration n’en a aucun avec les victimes innocentes de l’impérialisme américain (plusieurs milliers en Afghanistan).
L’unilatéralisme de Bush sur les plans économique et militaire prend la forme du protectionnisme sur le plan économique pour défendre l’industrie américaine. Il suffit de penser aux récentes taxes douanières sur l’acier et aux réactions non moins protectionnistes du Japon et de l’Europe.
Plus la crise s’approfondira, plus les bourgeoisies nationales prendront leurs distances avec la mondialisation pour défendre leur marché national, y compris au sein de l’eurozone.
Les recettes de Bush ont manifestement tout pour faire déborder la marmite. Construisons dès maintenant un mouvement de jeunes et de travailleurs, tant au niveau international qu’aux USA mêmes, qui relègue cette clique dangereuse et corrompue dans les poubelles de l’histoire.
Par Peter Delsing du MAS/LSP*
*MAS/LSP : Le Mouvement pour une alternative Socialiste / Linkse socialistiche Partij est la section soeur de la Gauche Révolutionnaire en Belgique