Guerre et capitalisme sont indissociables. L’histoire des guerres depuis plus d’un siècle est surtout celle du maintien et de l’extension de la domination des fractions les plus puissantes des classes dominantes. Que ce soit suite au colonialisme, contre les peuples qui secouent le joug de la domination de leur pays, lors des révolutions qui y sont liées, ou par l’affrontement entre pays d’une puissance équivalente, à chaque fois la guerre a été avant tout un des moyens d’accomplir une politique : pour la bourgeoisie celle du maintien de l’exploitation des salariés et des colonisés, pour les travailleurs et les peuples, celle devant conduire à leur libération et à leur émancipation.
Article paru dans l’Egalité n°96
Le phénomène des guerres de masse
Même si les pays impérialistes ont été épargnés sur leur sol par ce fléau depuis près de 60 ans, la guerre fait partie du quotidien de centaines de millions de personnes.
Le fait que les guerres aient pris une telle ampleur de destruction et de mort massive sous le capitalisme n’est pas dû au hasard. Le développement des forces productives, les possibilités de production massive d’armes, l’accélération des découvertes technologiques etc. ont transformé les guerres. Cela a rendu obligatoire l’implication des populations (avec le service militaire notamment) et le monopole de l’Etat sur les forces armées par la création des armées régulières. Le temps des mercenaires pendant les derniers siècles du féodalisme est bien loin. Si dans de nombreux conflits, limités dans le temps, les états peuvent se contenter de s’appuyer sur une armée professionnelle, le plus souvent, ils sont obligés de recourir à l’enrôlement de la population. Même les Etats Unis ont dû avoir recours au service militaire lors de leur guerre contre le VietNam.
Pourquoi donc toutes ces guerres ?
On parle aisément de guerre commerciale. Par là on entend une concurrence sans merci et sans répit pour conquérir des marchés, et augmenter les bénéfices. Les luttes entre pays pour étendre leur domination, ou la maintenir, sur d’autres régions du globe, donc d’autres marchés, sont incessantes. Dans le capitalisme, la conquête de nouveaux marchés est indispensable que ce soit pour trouver de nouvelles matières premières à un coût de production moindre, ou de nouveaux débouchés pour les produits.
Les marchés intérieurs des pays impérialistes sont inévitablement limités, et les matières premières de plus en plus coûteuses à extraire. Avec la période des empires coloniaux, les premiers pays capitalistes se sont accaparés les ¾ de la planète, et aujourd’hui, malgré la décolonisation, maintiennent sur eux une tutelle oppressive, s’appuyant sur des dictatures pour assurer ainsi qu’ils restent dans leur sphère d’influence.
C’est cette bataille incessante pour conquérir de nouveaux marchés, donc celui des autres pays, qui est la source des guerres, et qui fait que celles ci ne disparaîtront jamais sous le capitalisme. Et comme chaque paix issue d’une guerre se fera au détriment du pays vaincu, de nouvelles raisons de conflit naissent des « paix ».
C’est ainsi que les guerres mondiales ont opposé deux camps parmi les capitalistes : la première puissance industrielle (l’Allemagne) contre les premières puissances coloniales (Angleterre et France). Dans ces deux camps se sont alliés les principaux partenaires commerciaux de chaque pays. Lors de la deuxième guerre mondiale, d’autres éléments sont venus en plus : comme la volonté de la bourgeoisie allemande de détruire l’état ouvrier qu’était l’URSS, l’opposition entre les impérialismes japonais et américain pour le contrôle de l’extrême orient,… Le bilan de ces guerres est terrible :
La 1ère guerre mondiale a fait 8 500 000 morts, et certainement près de 10 000 000 de morts civils directement ou indirectement. Plus de 65 millions de soldats ont été impliqués.
La 2ème guerre mondiale a fait au moins 50 millions de victimes (civils et militaires) et a impliqué au moins 92 millions de combattants. Elle se termine de manière particulièrement horrible : les deux bombes atomiques lancées sur Hiroshima et Nagasaki ont directement visé des civils comme chantage pour finir la guerre.
Plus jamais de guerre mondiale ?
La guerre, c’est une façon de continuer une politique par d’autres moyens, et dans le cadre du capitalisme, elle intervient lorsque les moyens traditionnels ne suffisent plus. La concurrence que se livrent aujourd’hui les pays impérialistes se passe dans des grands organismes (ONU, OMC…) qui leur assurent en même temps la domination du monde. D’autre part, le mouvement ouvrier de chaque pays d’Europe ne laisserait pas faire une nouvelle guerre aujourd’hui. Il a fallu la défaite de la classe ouvrière allemande avec l’avènement des Nazis pour permettre une nouvelle guerre mondiale. De même qu’une crise économique avait créé les conditions d’une 2ème guerre mondiale pour s’accaparer les marchés, de telles conditions pourraient se reproduire.
Les grands trusts militaires poussent les états à toujours plus s’armer. Tant que durera ce système, tant qu’il y aura trusts et multinationales aux mains des capitalistes, le spectre de la guerre sera toujours là. Pour en finir avec la guerre, il faut en finir avec le capitalisme, et le remplacer par un système où l’exploitation sera supprimée, et l’économie organisée non pour le profit, mais pour la satisfaction des besoins. Pour cela les travailleurs devront prendre le contrôle des secteurs clefs de l’économie, et notamment confisquer toutes les industries de guerre en expropriant les actionnaires de ces industries.
La première guerre mondiale s’est arrêtée parce que la révolution russe avait triomphé et fait la paix, montrant la voie aux travailleurs du monde entier. Peu après, les révolutions grondaient en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, etc, obligeant les impérialistes à cesser cette boucherie.
Comparativement, les impérialistes n’ont pu finir la deuxième guerre mondiale qu’au prix de destructions massives, et de l’horreur d’Hiroshima et de Nagasaki. Et dans de nombreux endroits, Yougoslavie, régions de France, d’Italie etc, ce sont les travailleurs eux mêmes, armés et organisés qui mirent fin à la guerre. Mais le fait que les directions du mouvement ouvrier de l’époque (les staliniens et les réformistes) ont voulu maintenir l’Europe occidentale dans le cadre du capitalisme, malgré l’aspiration socialiste et révolutionnaire de la plupart des résistants, a empêché de transformer les « libérations » en révolutions, nous laissant, 60 ans après, dans un monde où une grande partie de l’humanité souffre encore des guerres.
Par Alexandre Rouillard