Les horribles attentats du 11 septembre et la terrible attaque sur l’Afghanistan qui s’en est suivie ont ouvert une période d’instabilité pour le monde. On a autant vu les USA chercher à renforcer leur position, par une politique de plus en plus unilatérale, que la tentative de réprimer plus fortement encore les mouvements qui contestent le capitalisme ou l’hégémonie des USA.
Article paru dans l’Egalité n°97
Aux Etats-Unis même, la criminalisation des mouvements contre la mondialisation capitaliste et restriction des libertés individuelles ont débuté dès après le 11 septembre. Une assimilation bien utile qui a notamment permis de réprimer le mouvement anti-mondialisation. La force des capitalistes, et particulièrement des capitalistes américains, c’est de savoir rebondir sur chaque événement sans aucun complexe puisque la seule motivation est « comment en tirer avantage ».
« Tout ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous » avait déclaré Georges W. Bush. Et pendant plusieurs mois, les agissements du FBI et des autres services gouvernementaux ont ainsi été couverts. Des centaines de prisonniers sont détenus sans avoir pu contester leur incarcération.
L’impact sur le mouvement anti-mondialisation a été double. C’est le test de « l’internationalisme » comme l’appelait Trotsky. Beaucoup de leaders du mouvement anti-mondialisation ont plié face à la propagande de l’administration Bush.
Ainsi les intellectuels type Noam Chomsky pourtant grand « penseur » du mouvement anti-mondialisation, a déversé des tonnes de propagande contre la guerre sur l’Afghanistan mais avec une argumentation uniquement basée sur les nécessaires opérations de police contre le terrorisme. La question de ce qui avait bien pu provoqué de telles attaques a été reléguée au second plan. Ces gens se retrouvent en fait dans le rôle de modérateur du mouvement, presque prêt à couvrir une opération de police et de justice « propre ». Comme si une telle justice pouvait existait sous le capitalisme.
Les USA ont suffisamment d’exemples historiques, à commencer par les nombreux abus durant les différentes guerres, et durant la guerre froide, pour que chacun dans les anti-capitalistes sachent que la classe dominante va au contraire abuser de ses prérogatives non pour faire la lumière et trouver les bons coupables, mais pour arriver aux coupables dont elle a besoin.
En même temps, la question « pourquoi sommes nous tant haïs ? » continue de faire son chemin. De plus en plus de gens, et pas seulement dans le mouvement anti-mondialisation, s’interrogent sur les aspects négatifs de la politique étrangère américaine. Les scandales financiers dans lesquels des gens comme Bush sont impliqués ont forcé l’administration a prendre des mesures comme l’arrestation sur leur lieu de travail de dirigeants de société impliquée dans des scandales de maquillage de compte et de corruption. 70 % des américains ne font plus confiance à la bourse et aux spéculateurs. Dans le même sondage on pouvait lire que plus de 50 % des américains pensent que les politiciens sont trop proches des milieux d’affaires.
Une certaine radicalisation, qui connaît des hauts et des bas, a continué et les manifestations anti-guerre et de solidarité avec les palestiniens ont grossi pour atteindre plus de 50 000 personnes à Washington en mai dernier.
Le Proche et le Moyen-Orient bientôt dans la tempête ?
L’Afghanistan a été écrasé. Les USA ont dépensé 20 milliards de dollars pour cette guerre (l’équivalent du budget de la défense allemand), et ont désormais fait autant de victimes civiles par leurs « bavures » et autres dommages collatéraux, que les attentats du World Trade Center. En quelques mois un changement complet des rapports de forces a restauré les vieux clans, et les organisations mafieuses. Les attentats contre le président Karzai, la disparition de centaines de prisonniers, certainement exécutés sommairement, sous les yeux des soldats américains, le maintien de 8 000 soldats US en Afghanistan sont autant de signe de l’instabilité et des tensions qui perdurent dans ce pays. Dans la plupart des villes les femmes n’ont absolument pas retirer leurs Tchadris, et la corruption règne partout.
Le grand « achèvement » du gouvernement Karzai, c’est le redémarrage à un niveau intense du trafic d’héroïne. L’Afghanistan représente 75 % de ce trafic aujourd’hui. Quant aux réseaux d’Al Qaïda ou des talibans, ils sont loin d’avoir disparus. Une bonne partie des talibans s’est reconvertie sans aucun problème dans un pays où le gouvernement s’affirme plus libéral puisque les pendaisons sont toujours publiques mais ne dure que 15 minutes au lieu de 4 jours sous les Talibans.
Le grand problème reste pour les USA que l’instabilité de l’Afghanistan les obligera à rester longtemps. 700 000 Afghans sont armés, et les armées privées, à la solde de chefs de clans, sont souvent mieux armées et plus nombreuses que les troupes gouvernementales.
De plus, l’opération sur l’Afghanistan a obligé à ce que l’alliance entre les USA et le dictateur pakistanais Musharraf devienne publique. Musharraf a lâché ses amis talibans et se retrouve contesté au plus haut point dans son pays. Il ne lui reste qu’à relancer le conflit avec l’Inde pour faire dans la surenchère nationaliste. Le gouvernement indien lui même très contesté a saisi la balle au bond, et on a frôlé le conflit nucléaire au printemps dernier. Musharraf est dans une faiblesse extrême : le vote en mars dernier qui devait le légitier président n’a recueilli que 6 % de participation, et encore tous les employés gouvernementaux étaient obligés de participer !
Les pays alliés traditionnels des USA comme l’Arabie Saoudite sont eux aussi en proie à une instabilité politique croissante. Il n’y a pas eu dans le monde arabe ou musulman de grande manifestation de soutien aux Talibans, mis à part quelques petits groupes intégristes. Par contre, le lien entre la corruption des régimes et leur collusion avec les USA nourrit une colère croissante. Turquie, Egypte, Arabie Saoudite etc. ont été obligées de se démarquer des USA en cas d’attaque sur l’Irak. Et aucun de ces pays n’est à l’abri de crise politique pouvant aller jusqu’au renversement de certains régimes.
Pour les USA, cela peut devenir insoluble. Le moindre mouvement, comme une attaque sur l’Irak, risque d’entraîner de vastes mouvements de contestation qui peuvent renverser les régimes en place et qui risquent d’être incontrôlables.
Tensions croissantes entre les USA et leurs alliés impérialistes
Les états alliés des USA, et notamment les européens ne regardent pas sans crainte la montée des volontés hégémoniques américaines. De nouvelles tensions pourraient surgir à mesure que les difficultés économiques s’accroissent. Déjà, de féroces batailles économiques ont lieu. Les USA ont augmenté leurs taxes sur l’importation d’acier, les européens ont décidés eux aussi de mettre à l’étude des mesures contre les USA.
Le pétrole devient un enjeu, et la répartition des zones économiques peut s’en trouver bouleversée.
L’Afrique, chasse gardée de la France et des européens, représente plus de 10 % de la production mondiale de pétrole. Le récent sommet de la terre à Johannesburg a en fait servi de prétexte à Collin Powell, secrétaire d’état aux affaires étrangère des USA, pour qu’il entame une tournée africaine en passant notamment par le Gabon, et l’Angola. Un récent rapport d’une commission de la chambre des représentants stipulait que l’importation du pétrole venant d’Afrique devrait passer de 15 % à 25 % dans la prochaine décennie. Or c’est notamment Total-Fina-Elf qui domine la production dans la région.
Des tensions entre impérialistes sont à prévoir même si des conflits armés sont loin d’être à l’ordre du jour. Mais la bataille menée par plusieurs états européens, avec la Russie et la Chine, pour forcer Bush à passer par l’ONU pour attaquer l’Irak montre les agacements et surtout la crainte de beaucoup d’état face à l’unilatéralisme des USA. Non que le souci de ces états soit d’ordre démocratique, il est bien plus dû à deux craintes. D’une part celle que la politique agressive des USA fournisse encore plus d’éléments d’instabilité de part le monde. D’autre part le fait que le fait que Bush essaie d’éviter d’impliquer l’ONU est avant tout un moyen pour que le « gâteau » de l’Irak (reconstruction et pétrole) soit partagé avec les autres pays.
La domination des USA peut elle être renversée ?
De ce monde instable peut renaître beaucoup d’espoir. Un empire à son apogée est aussi souvent proche de sa chute. Des millions de personnes ont relevé la tête aux USA comme ailleurs, dans les luttes, dans le mouvement antimondialisation.
Il apparaît de plus en plus clairement à tous que le capitalisme n’apporte que souffrance et guerre a la plus grande partie de la planète. Les luttes sont de plus en plus internationalisées, et les sujets (hégémonie américaine, environnement, licenciement…) sur lesquels se produisent des luttes touchent directement au fonctionnement du capitalisme.
Nous combattons le capitalisme, pas les « américains ». Derrière l’Amérique de Bush, il y a une Amérique qui lutte, celle des travailleurs, des jeunes, des chômeurs et des pauvres.
C’est par l’union, à travers le monde entier de tous ceux et toutes celles qui aspirent à un monde débarrassé de la misère, de l’exploitation et de la guerre, que nous pourrons renverser le capitalisme et ses serviteurs, Bu sh, Blair, Chirac…
Car renverser le capitalisme ne se fera pas dans un seul pays, ni avec des objectifs flous. Pour cela dans les prochains mouvements mettre en avant une perspective réellement internationaliste et socialiste sera indispensable.
Par Alexandre Rouillard