Allemagne, Irlande du Sud… L’Europe en crise ?

Coup de barre à droite à la tête des différents pays européens, divergences en matière de politique internationale, ralentissement économique, l’Union Européenne est à un tournant de son histoire face aux enjeux économiques mondiaux. Entrer dans la mondialisation est sa priorité, mais pas celle des populations vivant en Europe. Les futures échéances en Europe démontrent les incertitudes des politiques face à cette crise économique mais aussi politique que connaît la région.

Article paru dans l’Egalité n°97

Pour concurrencer les Etats-Unis au niveau économique, l’Europe a déréglementé à tout va grâce à plusieurs années de « gouvernance socio-démocrate » en majorité. Mais aujourd’hui, la crise mondiale se transforme en crise institutionnelle c’est à dire politique. Au coeur de la bataille, on retrouve l’application les exigences du traité de Nice dictées par les 15 et le patronat européen et l’élargissement de l’Union.
Dès l’automne, l’Europe va devoir affronter deux échéances importantes : l’élection du chancelier en Allemagne le 22 septembre 2002 et en octobre, élection importante en raison du poids de l’Allemagne dans l’Union Européenne et le second référendum pour ratifier le traité de Nice en Irlande du Sud, rejeté une première fois par les Irlandais.

Un contexte défavorable pour les classes dirigeantes de chaque pays

Comme les élections françaises l’ont souligné puis celles aux Pays-Bas ensuite, partout les salariés, les chômeurs et les jeunes se désintéressent de la politique et parfois certains sont séduits par les discours réactionnaires expéditifs de partis populistes d’extrême-droite. Dans le même temps, ils cherchent aussi les moyens de se défendre à nouveau contre les effets des politiques libérales contre les conditions de travail et de vie. Des votes, parfois pour des structures ou partis d’extrême gauche ou radicaux traduisent cette volonté de trouver une alternative politique.

Un NON en Irlande du Sud : un coup de pied dans l’édifice !

En Irlande du Sud, après 10 années de croissance économique liée à l’entrée dans l’Union Européenne, les irlandais comprennent qu’ils n’auront jamais les fruits de cette croissance ! Les récentes élections au printemps 2002 ont montré à peu de choses près les mêmes phénomènes électoraux que dans les autres pays plus anciens au sein de l’Union Européenne. Pas de trêve sociale pour le patronat européen, les travailleurs et les jeunes relèvent la tête là-bas face aux prix exorbitants des logements, aux bas salaires. Le gouvernement de droite du Fianna Fail organise de manière très antidémocratique le revote du traité de Nice. Les prévisions sont très serrées. La victoire du Non en Irlande du Sud serait un premier coup de pied dans la fourmilière et un point d’appui pour non seulement dénoncer la politique antiouvrière de l’Union Européenne mais aussi construire les forces nouvelles nécessaires à la défense des salariés, des jeunes et des chômeurs.

Schroeder : Miraculé des eaux ?

Des inondations en Allemagne de l’Est qui sauve l’actuel chancelier socio-démocrate (SPD) de la débâcle électorale ? Peut-être pour un temps, mais c’est surtout le chômage qui n’a de cesse d’augmenter dans les länder de l’Est et qui se maintient dans le pays qui plombe la campagne. Depuis plusieurs mois, les salariés et les jeunes en Allemagne sont dégoûtés des politiciens, après les scandales financiers de Kohl, puis ceux du SPD, les gens rejettent les partis de pouvoir. Les salariés se sont mobilisés pour leurs salaires avec des grèves inégalées depuis longtemps en nombre de participants et une jeunesse qui se mobilise contre la hausse des frais d’inscription à l’Université qui s’opère dans plusieurs länder. Cette rentrée est loin d’être simple pour les deux candidats à la chancellerie. On y retrouve les enjeux européen, soutenir ou non l’offensive américaine en Irak, stopper le chômage. Tous deux surfent sur la vague sécuritaire « antiterroriste » à renfort de lois sur l’immigration et de loi répressives. Les sondages sont serrés et finalement concernent peu de gens. Les plus mobilisés choisiront un candidat « plus à gauche » comme ceux du PDS (ancien PC).

Cependant, c’est bel et bien la recherche d’une alternative face à la crise, aux licenciements et au chômage de masse que les salariés attendent. Cette alternative passe par un changement radical de société, basée sur les besoins de tous. L’Europe sociale ne sera pas dans le système capitaliste.
Il va s’en dire que l’Europe aujourd’hui, seulement 9 mois après l’Euro est loin de ses objectifs et pour cause, on ne fait pas passer la pilule des attaques indéfiniment. Les salariés, les chômeurs, les jeunes et les immigrés relèvent la tête. Il faudra bien entendu plus pour stopper les politiques libérales mais la fragilité de l’Union européenne montre ses limites dans les moments de crise. Les conflits intérieurs, les choix de politique étrangère sur l’Irak ou bien l’élargissement à la Turquie sont des sujets de discorde entre gouvernements mais surtout traduisent des enjeux économiques qui s’opposent entre Etats. L’Allemagne freine sur l’intégration de la Turquie car sa mainmise économique sur le pays est menacée. Nous sommes loin des questions démocratiques au sujet des Kurdes !

Par Leïla Messaoudi