Des délégués quittent la Convention démocrate: pas de soutien pour Hillary !

Protestations à Philadelphie. « Il nous faut un parti des 99% – Il nous faut une révolution politique contre la classe des milliardaires ». Banderoles de Socialist Alternative.
Protestations à Philadelphie. « Il nous faut un parti des 99% – Il nous faut une révolution politique contre la classe des milliardaires ». Banderoles de Socialist Alternative.

Le 26 juillet, à Philadelphie, de nombreux délégués ont quitté ensemble la Convention nationale du Parti démocrate après qu’Hillary Clinton ait été officiellement nominée candidate démocrate aux élections présidentielles. Bernie Sanders avait mené une campagne de gauche au cours des primaires mais, dorénavant, il fait tout pour enrayer la colère contre l’establishment du parti. Il a décidé de soutenir la candidate de Wall Street et a promis de mener campagne en sa faveur. Un grand nombre de délégués élus durant ces primaires sur base du programme de la «révolution politique contre les milliardaires», selon le slogan de Sanders, pensent différemment. Ils ne sont pas prêts à jeter leurs idées politiques par-dessus bord. Leur départ collectif de la Convention démocrate a notamment été soutenu par Occupy Wall Street, la campagne «Bernie or Bust» (Bernie ou rien) et Movement4Bernie. Ci-dessous notre camarade Kshama Sawant (Socialist Alternative, organisation-soeur de la Gauche Révolutionnaire) explique pourquoi ce départ collectif était nécessaire. (Cet article est paru la veille sur le site counterpunch.com).

Appel de Kshama Sawant: quittez la Convention démocrate !

C’en est assez ! Soutenons les délégués courageux qui vont quitter la Convention (anti)démocrate pour protester contre des élections truquées.

Un débat sérieux et de grande importance fait rage parmi les Sandernistas (les partisans de Bernie Sanders) depuis que Bernie a approuvé la candidature d’Hillary il y a deux semaines. Ces questions deviennent plus pressantes encore avec l’ouverture de la Convention démocrate.

La question centrale est de savoir si nous devrions suivre l’exemple de Bernie pour soutenir la politique pro-entreprises d’Hillary Clinton ou plutôt continuer la révolution politique en construisant un mouvement indépendant du Parti démocrate. Alors que j’ai soutenu la campagne de Bernie durant les primaires démocrates, que j’ai pris la parole à des rassemblements de Bernie et que j’ai lancé le Movement4Bernie, je crois que nous ne pouvons tout simplement pas le suivre dans sa décision de soutenir Hillary. Notre révolution politique risque maintenant d’être transformée en son contraire et canalisée en soutien à l’ordre du jour néolibéral de la Convention démocrate.

Soutenir des politiciens de l’establishment corrompu n’est aucunement un moyen de vaincre la droite, cela ne fera que l’encourager tout en permettant à l’agenda politique d’être poussé plus loin à droite. Cette stratégie du moindre mal a échoué et c’est ce qui a poussé les 99% de la population au stade que nous connaissons aujourd’hui. L’indignation est grande face à la politique de l’establishment qui a permis à un populiste de droite de se trouver aux portes de la présidence.
Nous ne pouvons pas continuer dans cette impasse.

Comme l’a illustré le choix de Clinton de Tim Kaine comme colistier, elle et la direction du Parti démocrate n’ont en aucune manière significative été «poussés vers la gauche» au cours de la primaire, en dépit de quelques concessions limitées concernant le texte de plate-forme (qui est non-contraignant) ainsi que les réformes mineures des règles au sujet des super-délégués.

Avec Tim Kaine, Hillary Clinton a choisi son jumeau politique néolibéral et a reçu l’approbation de Wall Street. Comme pour souligner la signification politique de ce choix de vice-président, et peut-être aussi comme signal pour les entreprises américaines, Tim Kaine a clairement exprimé son soutien total au Partenariat Trans-Pacifique (TPP) et à la déréglementation bancaire quelques jours à peine avant sa nomination. Donald Trump va instrumentaliser les orientations politiques anti-travailleurs et pro-entreprises de Clinton et Kaine contre eux au cours des élections générales. La Convention démocrate lui offre une cible proche de la perfection.

Les révélations de Wikileaks concernant la direction du parti démocrate ont clairement démontré la manière dont sont truquées les primaires démocrates, du début à la fin. Des milliers de mails ont exposé la partialité absolue d’une direction de parti corrompue. Ils ‘agit d’un terrain tout à fait hostile pour un opposant socialiste démocratique.

Les fuites ont aussi complètement exposé l’hypocrisie de la direction du Parti démocrate, qui prétend officiellement que sa priorité est de vaincre Trump. Elle a violemment et antidémocratiquement soutenu Clinton, en dépit du fait que les sondages montraient que Sanders était plus à même de vaincre n’importe quel candidat républicain.

Avec l’attention du pays et du monde concentrée sur la Convention démocrate à Philadelphie, nous avons maintenant des décisions sérieuses à prendre face à de puissantes opportunités. Les actes des délégués et des militants de Bernie Sanders tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la convention ont le potentiel de faire de cette semaine une page de l’Histoire.

Des milliers de personnes rejoignent les manifestations et les rassemblements dans les rues de Philadelphie. De nombreuses actions de protestation ont aussi lieu à l’intérieur de la Convention, notamment contre le Traité Trans-Pacifique avec une action qui a temporairement interrompu la procédure.

Mais la manifestation la plus puissante de toutes sera pour les délégués et les militants de totalement rejeter l’establishment démocrate néolibéral en sortant de la Convention avec le plus grand nombre possible.

Les délégués sont organisés pour une telle une action de débrayage, et plusieurs centaines de délégués peuvent collectivement quitter l’événement. Cela exigera un vrai courage. La Convention est un énorme spectacle soigneusement scénarisé par la noblesse du Parti, y compris des gens comme Michelle Obama et Elizabeth Warren. Mais cette année, peut-être en reconnaissance du soulèvement politique qui a eu lieu, la direction démocrate est allée jusqu’à donner à l’événement un verni populaire, certains travailleurs et militants pouvant eux aussi prendre la parole. L’ampleur et le caractère intimidant de cet événement de 50.000 personnes auront sans aucun doute un impact psychologique.

Mais ceux qui oseront passer à l’étape audacieuse de marcher hors de la Convention et des politiques néolibérales seront accueillis par un rassemblement de militants, de livestreamers, de journalistes et autres. Les médias de masse ont déjà contacté Movement4Bernie en prévision de l’événement. J’espère vous y voir.

Les délégués ont dû s’organiser en cachette, les dirigeants du parti ayant lancé une forte campagne d’intimidation contre tout délégué plaidant pour la tenue d’actions de protestation ou soutenant un autre candidat. La menace de voir leur statut de délégué révoqué a été explicitement évoquée. Mais l’organisation de cette sortie collective est devenue un peu plus connue la semaine dernière quand Occupy Wall Street s’est exprimé en faveur de cette action sur sa page Facebook et sur Twitter, de même que «Bernie or Bust» et Movement4Bernie.

L’un des arguments les plus courants porté contre ce débrayage est que les délégués renonceraient en quelque sorte à leur chance de se battre pour la politique de Bernie et perdraient ainsi leur voix. Mais ce débrayage se déroulera bien après les votes de la plate-forme et des nominations. Après cela, la Convention ne devient qu’une cérémonie antidémocratique : The Hillary Show ™

La peur de Donald Trump va decider de nombreux votes aux élections présidentielles de novembre, comme cela a encore été illustré par les authentiques réactions d’effroi face à l’horrible spectacle de la Convention nationale républicaine de la semaine dernière. Le danger du populisme de droite est réel. Mais c’est aussi pour cette raison qu’il serait tout à fait contre-productif de soutenir Clinton et la direction du Parti démocrate.

Ces dernières décennies, l’establishment démocrate a rejoint les républicains dans la réalisation du projet néolibéral sans être défié par la gauche.

Si les 99% de la population continuent de soutenir les politiciens néolibéraux sur base d’une approche de moindre mal, cela ne fera que créer plus d’espace pour le populisme de droite, comme nous l’avons vu dans d’autres pays. Cette année, l’absence de résistance de gauche au Parti démocrate signifierait que l’espace anti-establishment serait largement ouvert aux candidats de droite comme Donald Trump et le libertarien Gary Johnson. Johnson est déjà crédité de 9% dans certains sondages. Ce serait une catastrophe. Les millions de votes anti-establishment pour Trump et Johnson pourraient aider à consolider la base pour le populisme de droite et offrir le potentiel d’un nouveau parti de droite similaire au Front National en France. Ce danger a déjà été illustré en 2009 avec la croissance du Tea Party, lorsque la droite a exploité la véritable fureur face aux plans de sauvetage de Wall Street pour construire une nouvelle force politique, tandis que la gauche était occupée à excuser Obama.

Nous avons absolument besoin de vaincre la droite, mais cela nécessite une stratégie sérieuse. Pour réussir, nous aurons besoin de construire les mouvements sociaux les plus forts possibles et d’assurer qu’ils soient complètement indépendants des deux partis de Wall Street. Nous aurons besoin de construire notre propre parti politique de masse des 99%, un parti qui œuvrera aux côtés de ces mouvements plutôt que contre eux. Concrètement, en ce moment, nous avons besoin de construire le soutien le plus large possible pour la candidate du Parti Vert Jill Stein, dont la campagne est la continuation claire de notre révolution politique.

Un nouveau parti de masse des 99% devra rejeter tout l’argent et l’influence du monde des entreprises et combattre sans ambiguïté pour nos intérêts. Voilà ce que Bernie a commencé à faire dans ces primaires, et c’est la raison pour laquelle il bénéficié d’un soutien large et véritable non seulement de la part d’électeurs démocrates mais aussi d’indépendants et même de certains républicains. Il n’y a pas de « secret » pour expliquer pourquoi il se porte beaucoup mieux dans les sondages contre Trump qu’Hillary. Le soutien d’Hillary pour le «libre-échange» et les politiques pro-entreprises et anti-travailleurs est clair aux yeux de tous. Bernie a été en mesure d’apporter un défi historique à la direction du Parti démocrate en dépit de toutes les attaques antidémocratiques menées contre sa campagne précisément parce qu’il a appelé à une révolution politique contre la classe des milliardaires.
Malheureusement, Bernie n’a pas continué sur cette voie et a appelé à voter pour l’establishment que nous combattons.

Les choses sont maintenant entre nos mains. Pour arracher les choses pour lesquelles nous nous battons, notre mouvement devra se tenir sur ses propres pieds et aller au-delà de Bernie en commençant à poser les bases de la construction de propre parti, un parti de masse des 99%.

Et pour ce faire, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser passer des moments comme celui-ci. Un débrayage de centaines de délégués de la convention combiné à des manifestations de masse, comme cela se passe déjà dans les rues de Philadelphie, constituera une prise de position audacieuse en direction de l’indépendance politique des travailleurs et des jeunes.

Ça suffit. Joignez-vous à moi pour soutenir les délégués courageux qui sortiront de la Convention antidémocratique et de ce processus truqué.