Guerres et épidémies

Il n’a pas fallu longtemps pour que les médias, sevrés de la guerre contre l’Irak, trouvent un nouveau sujet à sensation : la pneumopathie atypique. Mais comme à chaque fois, ils passent, volontairement ou non, à côté des questions importantes. Ils soulignent les incuries du gouvernement chinois dans la gestion de la crise, mais ne se préoccupent pas de la façon dont nos gouvernements maltraitent le système de santé jour après jour.

Article paru dans l’Egalité n°101

On ne sait toujours pas d’où vient cette maladie émergente. Là n’est pas la question primordiale, hormis pour les chercheurs en médecine : mutation naturelle ou mise en contact de l’Homme avec le réservoir naturel. Jusqu’à maintenant, la maladie tue un peu plus de 4% des personnes affectées. Mais jusqu’à ce jour, elle n’a touché que des pays ou des villes développés (Singapour, Hongkong, Pékin, Toronto…) où les conditions sanitaires et les moyens médicaux sont importants. Imaginons maintenant, que cette épidémie se mette à toucher l’Inde ou des pays d’Afrique ! Mais, nous-mêmes, nous ne sommes pas à l’abri d’une catastrophe. Si seulement 4% des personnes infectées meurent jusqu’à maintenant, plus de 10% d’entre elles nécessitent une assistance respiratoire. Et malheureusement, il n’y aura pas assez de respirateurs artificiels pour tout le monde si la maladie continue de se développer, même dans les pays occidentaux. Même dans nos pays, le pourcentage de victimes risque d’augmenter.

Les réductions budgétaires dans le domaine de la santé (alors que dans le même temps les budgets militaires ou de police augmentent dans tous les pays occidentaux), même si elles ne créent pas les épidémies, sont meurtrières car elles réduisent les capacités de lutter contre les maladies – celle-ci, comme les autres : d’une part moins d’hôpitaux, de matériel (zones et matériels stériles, respirateurs en ce qui concerne le SRAS) et de personnels pour faire face et d’autre part des populations affaiblies face à la maladie et avec moins de protection sociale pour se soigner. La décision récente du gouvernement de dé rembourser plus de 600 médicaments, dans la perspective d’une attaque majeure contre la Sécu, est honteuse dans tous les cas, mais elle devient abjecte dans ce contexte.

La bonne excuse

Après la guerre, c’est maintenant à l’épidémie de porter le chapeau du ralentissement économique selon les médias et les commentateurs économiques. Il est vrai que des secteurs comme celui du tourisme et du transport aérien sont sensibles aux événements internationaux. Mais en aucune manière, cette épidémie n’est responsable de la poursuite du marasme général de l’économie internationale. Et ce ne sont pas les gesticulations de Jean Chrétien, 1er Ministre libéral du Canada, face à la mise en garde des personnes voyageant à Toronto, qui pourront sortir son pays du ralentissement économique qui sévit là-bas. L’épidémie vient à point nommé pour sauver la mise des capitalistes qui nous disent en substance : « nous et notre système, nous n’y sommes pour rien si vous vivez de plus en plus dans la misère, la précarité et le chômage… c’est de la faute à cette saloperie de maladie, qui empêche la relance de l’économie que nous attendions. » Et quand bien même, peut-on avoir confiance dans un système dont les rouages se grippent à chaque épidémie ?

S’il est inquiétant de ne pas savoir comment va se comporter cette maladie émergente, il est tout aussi inquiétant de revoir surgir la mise à l’index des Asiatiques ; le « péril jaune » refait surface (Les Chinois n’auraient-il pas testé en grandeur nature une arme de destruction massive virale ? La Chine n’aurait-elle pas des liens avec Al-Qaida ? Que fait le gouvernement américain ? Dans ce contexte d’accentuation des lois anti-immigrés, il y a fort à parier que le gouvernement surfe sur les peurs pour amplifier la lutte contre l’immigration venant des pays asiatiques.

Par Yann Venier