Une méthode du colonialisme consistait à prétendre que le pouvoir occidental opérait pour le bien des colonisés. Chirac ne fait pas autre chose en voulant se montrer comme l’ami , voire le défenseur des peuples africains. De même le colonisateur était toujours placé dans la position du juge supérieur ou du père contrôlant et éduquant les indigènes.
Article paru dans l’Egalité n°104
Que fait d’autre notre dévoué président quand, à propos de l’assassinat du journaliste Jean Hélène, il s’insurge contre « le comportement irrationnel, irresponsable de certains dirigeants ivoiriens » et quand il appelle « très fermement les autorités ivoiriennes à reprendre leur sens » ?
Outre le caractère méprisant de ses propos, il omet de rappeler que la cause de ce » climat de haine » qu’il déplore est à rechercher avant tout du côté des actions des entreprises et gouvernements français dans les anciennes colonies.
En effet, Chirac a beau jeu de s’être présenté comme le porte parole des pacifistes face aux volontés belliqueuses d’un Georges Bush ! L’armée française est intervenue en Côte d’Ivoire comme le font les G.I.’s en Irak. Même argumentaire pour justifier l’intervention militaire : la protection de la population et le développement de la démocratie. Même but réel : les intérêts économiques et géopolitiques. Même résultat, un enlisement et aucune amélioration, voire une aggravation des conditions de vie des habitants.
La voracité de l’impérialisme européen
D’aucuns prétendent aujourd’hui que l’impérialisme européen est moins nocif que la domination américaine car il serait vecteur des valeurs humanistes fondamentales de l’Europe. Qu’ils demandent à un travailleur gabonais ce qu’il pense et retire de » l’ humanisme « d’une entreprise française comme Total ! Qu’ils demandent au peuple Ogoni comment l’entreprise anglo-néerlandaise Shell défend les droits de l’homme au Nigeria ! En soutenant plus ou moins ouvertement le dictateur nigérian Sani Abacha en échange de l’exploitation des réserves de pétrole au sud-est du Nigeria et en lançant la répression totale contre le peuple Ogoni avec en 1995 l’exécution de neuf militants ogonis dont le poète et prix Nobel Ken Saro Wiva, malgré le mouvement de pression international.
Aujourd’hui le Nigeria est perçu par les institutions capitalistes internationales comme la locomotive de l’Afrique subsaharienne. En effet il est le 12ème producteur de pétrole brut avec 24 milliards de dollars d’exportations. Mais 66 % de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté et l’espérance de vie » culmine » à 54 ans alors que près de 30 % des enfants sont obligés de travailler. Pourtant la préoccupation des capitalistes européens et notamment français n’est pas de réduire ces chiffres de la misère mais de se mettre en bonne place face aux concurrents américains : comment avoir une grosse part du gâteau nigérian ? La vie économique de l’Afrique est sous le joug de la voracité des entreprises occidentales qui pillent, en installant pour cela des pouvoirs locaux corrompus et entièrement à leur solde, les ressources des pays africains sans que leur population n’en retire quoi que ce soit à part des coups de matraque. Il suffit de regarder la nature des exportations de cette » locomotive » pour s’en rendre compte : gomme arabique, noix de cajou, cacao, caoutchouc naturel, coton…des matières premières non travaillées. Alors que les importations (dont plus d’un tiers viennent de l’union européenne) sont essentiellement des produits manufacturés ou des céréales. Le vieux schéma du colonialisme est en parfaite adéquation avec l’impérialisme actuel, qu’il soit américain ou européen : on vole les ressources d’un pays et on lui vend au prix fort nos productions.
La référence aux droits de l’homme, à la vieille Europe des « Lumières » n’est qu’un paravent de l’impérialisme européen, qui pour défendre ses intérêts et ses profits n’a pas hésité et n’hésite pas à maintenir les peuples des anciennes colonies dans la misère et l’oppression.
Prétendre que l’impérialisme européen est plus humain que l’américain c’est tomber dans le miroir aux alouettes qu’il nous tend, c’est faire le jeu de l’oppression capitaliste.
Par Geneviève Favre