Le conflit qui a débuté en début d’année en Macédoine entre l’Etat majoritairement slave et l’Armée de libération nationale albanophone – variante macédonienne de l’UCK – semble se terminer sous les auspices de l’OTAN.
Article paru dans l’Egalité n°89
Les émissaires de l’UE, de l’OSCE et des USA ont réussi à obtenir des deux parties un accord de paix le 13 août dernier entre les chefs militaires et politiques des rebelles albanophones et le gouvernement macédonien.
Ce plan de paix prévoit la reconnaissance de la langue albanaise – parlée par environ un quart de la population totale de la Macédoine comme seconde langue officielle et la présence plus importante des albanophones dans les forces de répression par leur décentralisation. Avec en échange le désarmement de l’UCK par les forces de l’OTAN avant la fin septembre et l’amnistie des rebelles qui rendent les armes. Ce plan a été accepté par vote à bulletin secret par le Parlement macédonien jeudi 06 septembre.
Le bourbier balkanique en Macédoine
Pour autant, ce plan, que l’UE et les américains ont imposé, va t-il régler le conflit ? Il est clair que le sort de la minorité albanophone, discriminée socialement et économiquement, sera le même avec ou sans cet accord. Et déjà des divisions naissent dans le mouvement politique et militaire albanophone. Les plus radicaux estiment que ce plan de paix brade les intérêts des albanophones ; ils adoptent une ligne dure territoriale, que jusque là la majorité de l’UCK macédonienne, représentée pas Ali Ahmeti, n’avait pas mise en avant. Leur but est la création de la Grande Albanie (Albanie, territoires à majorité albanophone du Monténégro et de Macédoine ainsi que le Kosovo). Ils comptent mettre en péril ce plan par des actions militaires obligeant les occidentaux à déployer une véritable force d’interposition entre la partie majoritairement slavophone et la partie albanophone que l’UCK occupe militairement (le nord limitrophe du Kosovo, et le nord-ouest limitrophe de l’Albanie), renouvelant la stratégie de sécession de fait déjà utilisé au Kosovo : déjà près de 70.000 macédoniens slavophones ont quitté le nord du pays. Dans le même temps d’albanophone ont fuit les exactions des militaires et des corps spéciaux de la police vers le Kosovo et l’Albanie.
De l’autre côté, les Macédonien sont pour une partie d’entre eux chauffés à blanc par une presse nationaliste. Les milices paramilitaires mis en place par le ministre de l’Intérieur rêvent d’en découdre avec la guérilla albanaise. Les nationalistes ont le vent en poupe actuellement, car la population slavophone a l’impression d’avoir été forcée par les occidentaux d’accepter un plan dont elle ne voulait pas, puisque à ses yeux l’égalité des droits existe formellement entre toutes les composantes « ethniques » de la Macédoine.
Des deux côtés les rancœurs existent, et elles n’attendent qu’une étincelle pour s’exprimer par la violence militaire, les deux camps continuant de s’armer (l’armée macédonienne grâce au gouvernement Russe, l’UCK grâce à la mafia albanaise), malgré le désarmement de façade de l’UCK. En définitive, le problème macédonien n’est toujours pas résolu, à tel point que l’idée d’une mission militaire d’interposition sous l’égide de l’ONU commence à être évoquée.
Lorsque les intérêts impérialistes rencontrent ceux des nationalistes
Depuis la chute des régimes soi-disant communistes dans les Balkans, les impérialistes occidentaux au service de la bourgeoisie jouent les de pompiers pyromanes afin de récupérer des marchés qui leur avaient échappé durant plusieurs décennies de régimes staliniens et titistes. Ils jouent les factions nationalistes les unes contre les autres afin de déstabiliser les pays puis viennent proposer leurs bons offices afin de régler le problème, occupant le territoire militairement puis économiquement pour la reconstruction et par l’imposition par le FMI de plans structurels de privatisations et de coupes dans les budgets sociaux.
Depuis la Guerre du Kosovo, c’est le nationalisme albanais qui sert d’élément déstabilisateur dans la région. Il servit à faire tomber le régime de Milocévic, non pas pour des raisons démocratiques (les politiciens et patrons occidentaux soutiennent un peu partout dans le monde des dictatures), mais parce que celui-ci n’offrait pas les garanties suffisantes pour qu’ils puissent faire des affaires en toute quiétude. Aujourd’hui, le nationalisme albanais, a permis l’installation de troupes occidentales en Macédoine. C’est un jeu dangereux auquel les dirigeants des puissances impérialistes se sont livrés, car l’embrasement possible de la région pourrait avoir des conséquences encore plus importantes que celles en ex-Yougoslavie : des pays comme la Bulgarie, la Turquie, la Grèce et l’Albanie pourraient être entraînés dans la spirale de la guerre. Cependant ce n’est pas le but.
Encore une fois les enjeux économiques prévalent ici : par exemple, le projet d’un oléoduc ralliant le Caucase à l’Adriatique est en préparation et implique la stabilisation de la région sous leur contrôle.
Non au nationalisme ! Impérialistes hors des Balkans !
Il est clair que, depuis dix ans que les diverses « ethnies » des Balkans se déchirent au profit de l’impérialisme, la population n’a rien à attendre du nationalisme et de l’intervention des politiciens et des militaires de l’ONU ou de l’OTAN. La situation des bosniaques actuellement n’est pas des plus réjouissantes sur le plan social et économique. La population serbe a fait les frais d’une politique réactionnaire et nationaliste de ses dirigeants et de l’intervention des occidentaux tant d’un point de vue économique que militaire.
Il est fort à parier que les 45% de chômeurs macédoniens n’ont rien à attendre ni des « va-t-en-guerre » albanophones et slavophone ni de l’occupation militaire des forces de l’impérialisme au service de la domination économique du capitalisme. En revanche, les travailleurs et la jeunesse de Macédoine auraient à faire face à une armée occidentale s’ils leur venaient à l’esprit de vouloir se débarrasser de leur bourgeoisie et de l’économie de marché. Ce n’est qu’en se débarrassant de leur direction nationaliste et bourgeoise, en refusant la domination impérialiste du capitalisme occidental et en construisant dans le respect mutuel des diversités culturelles une confédération socialiste des Balkans que les travailleurs et les jeunes des Balkans en général, et de Macédoine en particulier, pourront mettre fin à l’horreur de la guerre qu’ils vivent depuis 10 ans.
Par Yann Venier