Gênes aura été un tournant incontestable dans les mobilisations contre la mondialisation capitaliste. 300 000 personnes ont participé à la manifestation du 21 juillet contre le G8 malgré la répression, et la mort de Carlo Giuliani assassiné la veille par les forces de l’ordre.
Article paru dans l’Egalité n°89
Ces gouvernements qui se disent démocratiques nous ont montré ces derniers mois à quel point leur « démocratie » avait ses limites. En Suède, lors des manifestations contre le sommet de l’Union européenne de Göteborg, les provocations policières ont été jusqu’à l’encerclement complet du principal centre d’hébergement, les blessures par balles de plusieurs jeunes etc. En Irlande, un référendum sur le traité issu du sommet européen de Nice donna une majorité de » non « . Les autorités décidèrent aussitôt d’en organiser un nouveau.
A Gênes, ils sont allés encore plus loin
Les manifestations allaient être massives et montrer non seulement que le G8 et la politique des chefs d’Etat des pays les plus puissants de la planète n’étaient pas acceptés mais que le gouvernement Berlusconi n’était pas populaire. Dès la première manifestation, le 19 juillet pour les droits des immigrés, qui a rassemblé 50 000 personnes au lieu des 15 000 prévues, la police a harcelé les manifestants et multiplié les provocations notamment en faisant usage de gaz.
Une stratégie était en place qui voulait pousser à l’affrontement. Le fait que la répression ait été confiée aux éléments les plus réactionnaires de la police italienne, dont certains sont ouvertement des fascistes nostalgiques de Mussolini, n’est pas un hasard non plus. La politique d’agressivité économique et sociale mise en place par les multinationales et les gouvernements à leur service demande un volet sécuritaire du même niveau. C’est en plus pour les fascistes italiens la volonté de rappeler à la classe ouvrière et à la jeunesse du pays que les années de la « stratégie de la tension » ne sont pas si loin. Une stratégie qui avait culminé avec l’attentat fasciste d’août 80 à Bologne qui avait fait 85 morts.
C’est en plus un signal à l’ensemble des pays d’Europe
Ils ont tué Carlo, et le lendemain de sa mort la répression qui a continué de s’abattre. Cela montre leur détermination. Le centre média du « Forum social de Gênes » a été sauvagement assailli dans la nuit du 21 au 22 juillet, avec un bouclage total du quartier. Différents journalistes ont néanmoins pu prendre en photo les dizaines de civières qui sortaient les unes après les autres. Le motif officiel était que les « dangereux » provocateurs du « Black Bloc » était retranchés dans le centre média.
La destruction du matériel photo, vidéo et informatique, la recherche de certaines cassettes vidéos a montré que la police essayait surtout d’une part d’intimider les journalistes indépendants mais également de récupérer des documents compromettants : des preuves de l’infiltration de la police dans certains groupes comme les fameux Black bloc. Ces groupes, en manifestant masqués, en recourant à une violence systématique aussi inutile que facile (destruction de vitrines ou de voitures) sont structurés en petits groupes qui sont aussi facilement manipulables que faciles à imiter. Rien n’empêchait la police de déguiser quelques dizaines de flics en membres des « blacks blocs », et c’est d’ailleurs ce qu’elle a fait. Les autorités officielles, tout en étant obligées de reconnaître certains « excès », ont continué les poursuites contre de nombreux manifestants.
Une violence « préventive »
Les différentes bourgeoisies se livrent à une concurrence féroce en en faisant payer le prix aux populations. Les sommets internationaux servent à structurer cette politique à différents niveaux selon les instances. Ces sommets servent à planifier les attaques de grande ampleur, de même qu’ils sont un terrain d’affrontement pour les impérialistes. Le jeu est déjà assez délicat entre eux. Avec l’irruption dans leurs discussions de revendications sociales, qui s’opposeraient frontalement à la politique élaborée, les contradictions deviendraient trop fortes. Le sommet de l’OMC à Seattle par son échec complet a révélé ces difficultés. Celui de Gênes n’a pas été capable de décider grand chose. C’est pourquoi le mécontentement croissant est regardé avec une certaine inquiétude par les maîtres du monde. Le prochain sommet de l’OMC se tiendra au Qatar, un pays où manifester est interdit.
Cela montre les difficultés que connaissent les capitalistes et les gouvernements à leur service. Obligés de se retrancher dans des « zones rouges » (interdites à tout non résident) de plus en plus vastes, recourant de plus en plus systématiquement à la répression. Face à celle-ci, c’est une mobilisation massive, démocratique et unitaire de tous les travailleurs qu’il faut construire et non pas tomber dans le piège d’une réponse par la violence minoritaire.
Le mode de fonctionnement des institutions internationales est indissociable de leur rôle, la mondialisation capitaliste, c’est le renforcement de la dictature de quelques centaines de multinationales. Pour assurer la main-mise de celles-ci sur le monde, il leur faut un minimum de démocratie. La résistance internationale qu’il faut construire face à elles ne peut se contenter « d’un contrôle citoyen » sur l’OMC et le G8 ce qui ne serait qu’un aménagement du capitalisme. Elle doit au contraire se donner comme objectif de l’abattre et de construire une alternative, un système économique où c’est la satisfaction des besoins et non le profit qui serait au cœur de l’économie.
Par Alex Rouillard