L’illusion brésilienne

Baisse de la popularité du président Lula, augmentation des tensions au sein du PT, grogne des  » sans terre « , grève de travailleurs contre la réforme des retraites, le temps où certains pouvaient avoir encore quelques illusions dans les capacités et la volonté de Lula à rompre avec la logique du libéralisme est aujourd’hui clairement révolue.

Article dans l’Egalité n°104

Mais cette évolution rapide de l’image du gouvernement brésilien n’a rien d’accidentel. Dès la campagne électorale, la volonté du candidat du PT à préserver les intérêts des investisseurs étrangers et la politique du FMI laissait présager la trahison des travailleurs par celui qui pourtant s’était toujours présenté comme le défenseur de leurs intérêts.

Une méfiance légitime

Mais il ne faut pas oublier qu’au même moment le Parti des travailleurs a perdu son siège de gouverneur dans l’Etat du Rio Grande du Sud (le candidat n’était autre que le maire de Porto Alegre). De plus, dans les villes gérées par des membres du PT, le vote en faveur de Lula a été bien dessous de la moyenne nationale. Qu’en conclure ? Que les travailleurs se sont saisis des élections présidentielles pour mesurer leur force, leur poids et voir leurs revendications gagner enfin le devant de l’arène politique. Mais que dans certaines régions gouvernées par des membres du PT, ils se sont également saisis des élections pour marquer leur déception face aux promesses non tenues des sections locales du Parti des travailleurs, lesquelles n’ont pas mené une politique réellement en faveur des travailleurs. Car vouloir comme l’exige la direction du PT concilier dans un  » nouveau pacte social  » les intérêts des capitalistes et ceux des travailleurs revient systématiquement à sacrifier le plus faible. C’est trahir la classe ouvrière en prétendant qu’elle a des intérêts communs avec ceux qui l’exploitent et la maintiennent dans la misère. C’est, au nom d’une pseudo paix sociale, chercher à étouffer dans le calme toute opposition à la domination de la loi du profit.

Une réforme impossible

Et c’est pour cela que la ligne des dirigeants du PT et le programme de Lula semblent aux capitalistes locaux et internationaux comme le mieux adapté pour parvenir à leurs fins.

Car le nouveau président non seulement se pose comme le meilleur gestionnaire du capitalisme mais il détourne également l’attention des masses en jouant sur l’illusion que le capitalisme puisse être réformable. La lutte des classes serait ainsi un concept caduque sans aucune réalité. L’heure serait à la concertation, à la négociation, dans l’intérêt de tous, patrons comme ouvriers. Mais comment croire à ce conte de fées ? Comment penser que les patrons vont à un moment accepter sous la pression de faire des concessions et de rogner leurs profits afin d’accéder aux demandes du plus grand nombre ? S’ils faisaient ça ils renonceraient à la nature même du capitalisme.

Certes à un certain moment historique, les patrons ont dû acheter la paix sociale en concédant des acquis aux travailleurs. Mais à présent il suffit de regarder le nombre croissant d’entreprises licenciant alors qu’elles sont largement bénéficiaires ou encore de remarquer la convergence au niveau mondial des attaques sur les retraites ou les services publics, pour constater que l’heure est plus que jamais à la lutte frontale des classes. Comment espérer obtenir une trêve de son ennemi quand celui-ci met tout en œuvre pour vous soumettre ?

Le Venezuela montre bien la présence de deux camps aux intérêts opposés. La bourgeoisie locale et l’impérialisme américain tentent sans cesse de renverser le populiste Chavez, non pas pour des raisons de droits démocratiques mais pour retrouver leur suprématie sur les travailleurs. Face à eux il y a un mouvement de pression des masses vénézueliennes certes mais pour défendre leurs intérêts et résister aux manœuvres des nantis, non pas pour obtenir d’eux quelques avantages.

La réalité du socialisme

L’expérience actuelle des travailleurs brésiliens nous montre donc que si la présence d’un parti des travailleurs fort est une nécessité, elle n’est pas pour autant suffisante. Une force qui ne s’en prend pas réellement au capitalisme profite, en définitive, toujours à la bourgeoisie. La réforme du capitalisme n’est qu’un vaste tour d’illusionniste. Seul le programme socialiste met en avant la condition indispensable du renversement du capitalisme. Seul le socialisme a confiance dans la capacité de la classe ouvrière à changer ce système de l’exploitation et est à même de donner à la fois l’analyse et la tactique pour la voir triompher.

Par Geneviève Favre