UMP : vers un parti du président en France ?

A grands coups de renforts médiatiques, l’UMP a achevée sa fondation en novembre 2002. Juppé est à la tête du parti du président depuis le 17 novembre 2002. La droite majoritaire retrouve une unité, perdue depuis les années 94-95 et les dissensions apparues entre Balladur – Sarkozy – Chirac au paroxysme, au moment des élections présidentielles de 1995.

Article paru dans l’Egalité n°99

Faisant fi de ces rivalités passées, Chirac, aujourd’hui, s’entoure de ses proches à tous les postes importants de l’Etat. Juppé est à la tête du parti, Debré à la présidence de l’assemblée et Raffarin Premier ministre. L’UMP semble hégémonique et soudée autour de la politique habile et prudente sur les questions sociales de Raffarin et la politique sécuritaire de Sarkozy. 400 députés à l’assemblée, 321 sénateurs donnent la majorité absolue à cette toute jeune formation politique. L’UMP regroupe pourtant des courants très hétéroclites qui vont du RPR et démocratie libérale, à la frange UDF ralliée à la cause chiraquienne. Ce colosse politique sert clairement les intérêts immédiats de Chirac comme la mairie de Paris le fut en d’autres temps.

Une unité politique précaire

Des désaccords montrent déjà les fêlures et les faiblesses de cette majorité parlementaire. L’unité de façade a tôt fait de se fissurer aux premières échéances politiques majeures. Les oppositions traditionnelles des droites en France refont surface.

Derrière quelle ligne politique la nouvelle droite unie peut-elle se retrouver ? Le premier désaccord est apparu au sujet de la décentralisation annoncée par Raffarin comme la cheville ouvrière permettant de réorganiser l’économie et les services publics français selon des desiderata patronaux et libéraux. Les transferts de compétence de l’Etat vers les régions ont rapidement effrayé les souverainistes gaullistes au sein de l’UMP ainsi que les élus locaux inquiets du financement de ces pouvoirs. Bien entendu les libéraux prônent toujours une ouverture des secteurs publics plus rapide ainsi qu’un transfert de pouvoir vers les régions et les entreprises. Dès lors les partisans de l’initiative privée se confrontent aux partisans d’un Etat garant pour les patrons d’une certaine paix sociale. L’assise politique de l’UMP s’est aussi montré fragilisée par la défaite de l’UMP face à l’UDF dans l’élection partielle de la 3ème circonscription des Yvelines en décembre. Juppé a alors multiplié les erreurs politiques, trop convaincu de sa victoire à venir. Cette impatience à écraser les adversaires de la part de Juppé, et Chirac derrière lui, soulignent la fragilité de cette nouvelle formation politique.

Des rivalités personnelles persistantes

Cette absence de programme politique clair se confronte aussi aux rivalités individuelles. Il est clair que se joue la succession de Chirac à la tête de la droite dans les années à venir. Chirac a choisi Sarkozy comme ministre de l’Intérieur et non pas Premier ministre. Chirac est conscient de son ambition et peu convaincu de son attachement chiraquien depuis son soutien à Balladur à la présidentielle de 1995. Cette opposition interne se traduit dans les rivalités entre Juppé et Sarkozy pour nommer un secrétariat de l’UMP.

Les tractations et les rabibochages en tout genre s’opèrent alors pour donner le change devant les médias et face à l’opposition. Raffarin inaugure le siège de l’UMP, se déclare ami de Juppé, va au foot à Bordeaux avec lui… De l’autre côté, il déclare au sujet de Sarkozy : « sa réussite c’est la mienne et la mienne, c’est la sienne ». Que d’hypocrisie !

Un parti d’avenir ?

La question qui se pose aujourd’hui c’est la viabilité de ce parti au moment où les secteurs menacés par les réformes libérales et soumis aux licenciements et suppressions de postes commencent à relever la tête. C’est le cas des aides éducateurs et surveillants dans l’Education Nationale. Face aux enjeux de l’Union européenne pour réduire les coûts des services publics et rentabiliser, le gouvernement Raffarin et Chirac jouent la carte de la prudence et se prétendent défenseurs du modèle social français. Il s’agit de désamorce tout risque de mobilisation mais cette attitude prudente ne peut tenir qu’un temps. Les retraites vont être menacées et des privatisations engagées. Le budget d’austérité de 2003 dans les services publics, à l’exception de la police et l’armée, cumule les mécontentements. Dans ce contexte, la droite a besoin de se serrer les coudes et plus encore d’une force politique capable de convaincre une partie majoritaire des patrons qu’elle peut mener à bien les réformes qu’ils escomptent. Aujourd’hui, l’UMP ne peut pas remplir cette fonction, ce n’est qu’un regroupement conjoncturel qui a peu de fondements politiques clairs à l’image de la politique opportuniste et démagogue de Chirac.

Chirac s’est doté d’une force pour organiser son pouvoir pendant son mandat mais face aux échéances électorales de 2004, aux enjeux sociaux à venir en 2003, aux mobilisations anti-mondialisation contre le sommet du G8 en juin et au forum social en novembre 2003, l’UMP n’a aucune chance de résister aux divergences de gestion de ces questions. De plus, malgré les dires de Sarkozy dans ses shows télévisés, l’UMP ne pourra pas courtiser l’électorat attiré par le Front National lors des précédentes élections quand celui-ci subira les attaques sociales gouvernementales et patronales.

Par Leïla Messaoudi