Si les premiers mois du gouvernement Raffarin ont vu celui-ci redoubler de prudence dans la présentation de sa politique, depuis quelques semaines la tendance a changé. L’année 2003 est bien annoncée comme une année d’attaques contre les travailleurs, les retraités, les chômeurs et les jeunes.
Article paru dans l’Egalité n°99
La question de notre capacité à résister se pose dès les luttes dites « sectorielles » qu’elles soient contre les mesures du gouvernement ou les décisions des patrons. Mais cela ne suffira pas, car ce qui est en jeu c’est de parvenir à bloquer l’ensemble de l’offensive du patronat et du gouvernement. La leçon de la grève de novembre-décembre 95, c’est que tout en ayant réussi à stopper globalement Chirac-Juppé sur le démantèlement des retraites et de la sécurité sociale, ce n’est pas une période de luttes réellement victorieuses qui a suivi, empêchant les plans de licenciements, les privatisations etc. Au contraire, les grèves de 95, et à leur suite les luttes des Sans-Papiers, des routiers etc. ont forcé Chirac, non pas par erreur mais parce qu’il n’arrivait plus à faire passer sa politique, à dissoudre l’assemblée nationale. Faute d’un débouché politique à 95, c’est un PS doté d’une tactique nouvelle (la Gauche plurielle) qui a remporté le morceau.
Pourtant, le besoin d’un nouveau parti a continué de s’exprimer, jusque dans les dernières élections présidentielles qui a vu l’extrême gauche faire plus de 10 %. Mais la LCR et LO n’ont rien proposé au soir du premier tour. Les électeurs sont restés des électeurs alors que le score de l’extrême gauche et la mobilisation contre le front national, créaient des conditions pour commencer à rassembler vers un nouveau parti.
Depuis, LO ne sort guère de son isolement, et la LCR a organisé quelques forums « pour une nouvelle force anticapitaliste », lesquels 6 mois après les événements, n’ont eu qu’un écho très faible et se sont limités à être des débats. Or, le manque de parti se fait cruellement sentir dans les luttes actuelles et si les débats sont nécessaires, ils ne suffisent pas car il faut qu’ils soient tournés vers l’action et vers des propositions concrètes. Un nouveau parti permettrait à des milliers de militants d’unifier leurs revendications, de discuter et de définir en commun la tactique à mettre en place face aux bureaucraties syndicales, et pour faire avancer les luttes.
Le risque sinon est de voir une fois de plus la gauche ex-plurielle récupérer une partie du mécontentement. Et pire encore, ce pourrait être le Front National qui capitalise le ras le bol de ce système qu’ont de millions de travailleurs.
Force ou Parti ?
Certains avancent l’idée, sur le modèle de ce que défend le Parti de la Refondation Communiste en Italie, que la solution réside dans le mouvement anti-mondialisation (rebaptisé « alter-mondialisation »), et notamment les forums continentaux (tel le forum social européen de Florence). Il suffirait de les construire, d’y développer certaines revendications, d’y investir les partis et les syndicats pour que naisse une « nouvelle force », anti-capitaliste. Or, s’il faut participer et construire ces mouvements, il faut également en comprendre les limites, et surtout s’y battre pour qu’ils adoptent une orientation réellement socialiste. Par exemple, il ne suffit pas de refuser les privatisations, il faut également se battre pour la renationalisation de nombreux services publics, pour leur gestion par les travailleurs eux-même de manière démocratique et directe, sinon, les revendications ne sortiront pas du cadre du capitalisme, et n’apporteront pas aux jeunes et aux travailleurs la compréhension que nos acquis ne seront jamais durables sous le capitalisme.
Il en va de même pour les structures dont doivent se doter les travailleurs. Si le débat autour d’une force, un « front de lutte », permettrait de supprimer peu à peu la fausse séparation qui existe en France entre ce qui serait politique et ce qui serait social (caractérisé notamment par le refus de nombreux mouvements, comme ATTAC, de participer à la mise sur pieds de plates-formes électorales, et surtout interdisant aux partis d’être membres en tant que tels d’ATTAC ou des forums sociaux), cela ne serait pas suffisant pour combler le vide actuel.
Un parti ça n’est pas seulement une représentation électorale. C’est un instrument qui permet de lutter en commun, de renforcer les luttes, de tenir sur les revendications en résistant aux pressions du système capitaliste et permet aux travailleurs de se battre pour renverser le capitalisme que peuvent mettre sur chaque individu les patrons, le gouvernement, les médias etc. Malheureusement, les forces organisées qui pourraient avancer dans ce sens soit ne font absolument rien, soit mettent en place des structures un peu plus larges autour d’elles sans aller plus loin. Pendant ce temps, des centaines de milliers de personnes ne se voient proposer que le vote, et une manifestation ou un débat de temps en temps.
A la LCR ou dans les courants oppositionnels du PCF par exemple, notamment les Rouges vifs, l’hétérogénéité des orientations et des revendications est déjà la règle, ce qui complique encore plus les choses, et posera des problèmes lorsque les luttes repartiront massivement de l’avant : basées sur la résistance aux attaques gouvernementales et patronales, celles-ci devront néanmoins se structurer, s’auto-organiser pour empêcher les directions syndicales de les émousser. La question de les interpeller ou de rompre avec celles-ci deviendra cruciale. Aujourd’hui par exemple, une campagne dans les syndicats autour de la nécessité de quitter toutes les pseudo-négociations avec le gouvernement ou le patronat serait centrale dans les syndicats tant ces pseudo négociations sont en fait autant de moyens d’intégrer les syndicats à la mise en place des politiques néo-libérales.
Les militants de la Gauche révolutionnaire participent chaque fois que possible aux débats, forums etc. Nous mettons en avant la nécessité de s’appuyer sur les luttes, de leur permettre de déboucher sur le terrain politique. Nous défendons également l’idée qu’un nouveau parti des travailleurs devra (tout comme les anciens partis ouvriers l’avaient fait) se construire autour de la perspective du socialisme démocratique, car c’est le seul moyen pour les travailleurs en organisant eux-mêmes l’économie et la production, démocratiquement, au moyen de comités élus dans les entreprises et coordonnés et structurés nationalement, d’en finir avec le capitalisme et sa loi du profit.
Par Alex Rouillard