Cuba, est-elle socialiste ?

Après la révolution de 1959, Le régime de Fidel Castro a renversé le capitalisme et la propriété privée des terres, en nationalisant l’industrie et les terres. Cela n’était pas une stratégie socialiste consciente mais une réponse au mouvement des masses et une riposte aux pressions de la contre-révolution menée par les milieux d’affaires et l’impérialisme américain – qui a imposé un embargo économique, qui dure encore, en représailles à une taxe du gouvernement contre les compagnies sucrières.

Article paru dans l’Egalité n°99

En 1960, Castro a déclaré que Cuba était « socialiste ». En fait, Cuba était dirigée par une caste bureaucratique semblable à celle de l’Union Soviétique – un état policier sur fond d’économie planifiée de façon bureaucratique. Les quelques éléments de démocratie ouvrière qui existaient dans les usines et les quartiers n’ont pas fait long feu.

Sans le contrôle démocratique des travailleurs sur la planification de l’économie, l’offre et la demande de biens et de services (qui sous le capitalisme étaient régulés par le mécanisme brutal du marché) ont été inévitablement soumis à d’énormes distorsions. Finalement, ces distorsions ont causé un énorme gâchis de ressources et la stagnation économique qui a mené à l’écroulement de l’Union Soviétique et des états d’Europe de l’Est.

Dans une telle situation économique c’est la classe dirigeante qui, de part sa position dans l’appareil d’état, et sans contrôle démocratique, s’octroie les meilleurs salaires et logements et bien d’autres privilèges encore.

Quelles avancées pour la classe ouvrière ?

Malgré la gestion bureaucratique et l’embargo américain, la planification de l’économie a permis de grosses avancées pour la classe ouvrière, principalement dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Sous beaucoup d’aspects la situation des travailleurs cubains aujourd’hui est assez très comparable à celles des pays capitalistes, surtout par rapport à l’Amérique centrale ou dans les Caraïbes.

Avec 7000 médecins généralistes il y a 1 médecin pour 500-700 personnes à Cuba, alors qu’il n’y en a qu’un pour 1800-2000 en Grande Bretagne. L’espérance de vie moyenne avant 1959 était de 48 ans pour les hommes et 54 pour les femmes. Aujourd’hui il est de 74 ans pour les hommes (comme en Grande Bretagne) et de 76 pour les femmes (79 en grande Bretagne). La mortalité infantile est de 7,1 morts sur 100000 naissances, tout comme en Grande Bretagne.

Cependant la fin d’une importation de pétrole très subventionnée et la chute de l’Union soviétique ont dévasté Cuba. Cela a en partie été résolu par un accord très avantageux pour l’importation de pétrole lors de la visite en Octobre 2000 du président « radical » du Venezuela, Victor Chavez.

Malgré tout, le manque de biens et de pièces détachées a créé un marché noir. De plus, le régime de Fidel Castro a dû s’ouvrir au tourisme pour répondre à une situation économique dramatique, créant une économie parallèle en dollars.

Cet « apartheid touristique » a exacerbé les inégalités entre ceux participant à l’économie « dollar » et les autres travailleurs cubains. La prostitution qui avait été éradiquée après la révolution réapparaît et la criminalité augmente aussi.

Cuba à la croisée des chemins

Les contradictions entre cette économie capitaliste naissante et les restes de l’économie d’état vont mener à la restauration du capitalisme, de la même façon qu’en Europe de l’est et dans l’ex-Union soviétique dans les années 1990 – à moins que les limites du « socialisme dans un seul pays » [théorie stalinienne contre laquelle s’opposa Trotsky, ndt] soient dépassées par une révolution mondiale. L’économie de l’île sera progressivement étranglée par la pression du monde capitaliste et de l’impérialisme américain. Comme l’a dit le vice président américain, Dick Cheney : « je ne crois pas qu’il soit question de lever ces sanctions tant que Fidel Castro est là-bas. » Il est nécessaire que s’établisse un contrôle démocratique de Cuba par la classe ouvrière. Un programme pour une démocratie ouvrière nécessite la fin du règne d’un parti unique et des élections libres pour les partis qui acceptent l’économie planifiée. Cela signifie aussi l’indépendance des syndicats par rapport à l’état.

Ce qui existe aujourd’hui à Cuba n’est pas une société socialiste « saine » mais un « hybride » dont la transition vers une démocratie ouvrière ou le retour vers un système capitaliste seront déterminés par les luttes de la classe ouvrière au niveau international. Avec l’ombre planante d’une crise économique mondiale, une nouvelle vague de révolutions en Amérique Latine régénérerait la révolution cubaine.

Traduit de l’article de Paul Hunt et David Carr (Socialist Party, Angleterre & Pays de Galles) paru dans The Socialist