Segun Sango (7 mai 1958 – 23 mai 2022) – Révolutionnaire marxiste nigérian et combattant altruiste de la classe ouvrière

Après une longue maladie, le camarade Segun Sango est décédé dans la soirée du lundi 23 mai 2022, à l’âge de 64 ans, laissant derrière lui une femme, des enfants et une mère âgée, entre autres membres de la famille. Né Segun Aderemi (aussi appelé affectueusement « SS » [ses initiales, NdT]) était, jusqu’à sa mort, le secrétaire général du Democratic Socialist Movement (DSM) et le président national du Socialist Party of Nigeria (SPN).

Article par Peluola Adewale, secrétaire du DSM (Democratic Socialist Movement), organisation sœur de la Gauche Révolutionnaire au Nigéria.

Segun Sango (1958-2022)

Sa mort est sans aucun doute une perte énorme pour le mouvement ouvrier et la gauche au Nigeria, en Afrique et dans le monde. Brillant, orateur et altruiste, il y a très peu de leaders révolutionnaires comme Segun Sango dans les annales de la gauche au Nigeria. Cela explique le déferlement d’hommages sur les médias sociaux et traditionnels depuis la diffusion de la nouvelle de son décès.

Il était un révolutionnaire marxiste inimitable, un socialiste invétéré et un combattant désintéressé de la classe ouvrière jusqu’à son dernier souffle. Segun Sango n’a jamais abandonné sa conviction que la seule solution aux problèmes multiformes qui affligent le Nigeria, l’Afrique et le monde est l’abolition du capitalisme et l’instauration du socialisme. Il croyait fermement qu’étant donné les immenses richesses et ressources dont le Nigeria est doté, rien ne justifiait la pauvreté, l’analphabétisme, le chômage de masse et la misère qui sont les principales caractéristiques de la vie ici.

Il était également fermement convaincu que la classe ouvrière nigériane, si elle était dotée d’une direction audacieuse et d’un programme de lutte, était capable d’amener le reste des masses opprimées à lutter contre l’exploitation et, surtout, à mener à bien une révolution socialiste.

Pour l’actualisation de ces convictions, Sango et ses camarades, à partir du milieu des années 1980, ont construit de manière désintéressée le Labour Militant (LM), qui est devenu par la suite le Democratic Socialist Movement (DSM), la section nigériane du Comité pour une Internationale Ouvrière (Committee for a Workers’ International, CWI/CIO), en tant que tendance révolutionnaire marxiste et trotskyste au Nigeria pendant les quatre dernières décennies.

Théoricien et polémiste marxiste brillant, peu de gens, à part Segun Sango, pouvaient expliquer l’absurdité du capitalisme d’une manière qui captive un public. Pourtant, il était aussi un homme d’action. Dès l’époque où il était étudiant militant à l’Université d’Ife (UNIFE), aujourd’hui Université Obafemi Awolowo (OAU), Sango a toujours été à l’avant-garde des luttes. Il a joué un rôle important dans le boycott national des cours par les étudiants pour protester contre la tentative d’augmentation des frais de scolarité dans les universités en 1984, aux côtés de son ami et camarade de toujours, Lanre Arogundade, qui était alors président de l’Association nationale des étudiants nigérians (NANS).

Le régime militaire

Pendant la période du régime militaire [1983-1998], Segun Sango a été incarcéré pour son opposition au régime militaire et son rôle dans les luttes anti-militaires. À l’aube du régime civil, aux côtés des camarades du DSM, Sango a joué un rôle important dans les grèves et les protestations du mouvement ouvrier contre la hausse des prix du carburant et les politiques anti-pauvres. Pour cette raison, Sango a été responsable de la mobilisation nationale du Front d’action commune (JAF) et membre du comité de la Coalition du travail et de la société civile (LASCO). Ses discours publics, ses interviews et ses écrits durant cette période ont constamment exhorté le mouvement syndical à adopter une méthode audacieuse et cohérente pour mener les luttes des masses laborieuses à la victoire. Dans le même temps, il a fait valoir la nécessité d’un parti ouvrier de masse doté d’un programme socialiste pour lutter pour le pouvoir politique.

Lorsque le regretté avocat et champion social Gani Fawehinmi a formé le National Conscience Party (NCP), Segun Sango et ses camarades du Democratic Socialist Movement (DSM) ont été parmi les premiers à reconnaître l’importance de cette évolution et la nécessité pour les marxistes de jouer un rôle. En conséquence, Sango a été président du National Conscience Party (NCP) de l’État de Lagos et, sous sa direction, le NCP de Lagos est devenu la section la plus importante et la plus active du parti au niveau national. Il a également mené le NCP de Lagos à une brillante intervention électorale en 2003, lorsque les candidats du NCP, dont le membre dirigeant de DSM, Lanre Arogundade, sont arrivés en troisième position dans toutes les élections de l’État, malgré les fraudes massives de l’Alliance pour la démocratie (AD), alors au pouvoir. Par la suite, Sango, ses camarades du DSM et ses alliés ont été contraints de quitter le NCP à la suite d’un virage à droite de sa direction.

Face à l’échec du parti travailliste à se développer en tant que véritable parti des travailleurs, Sango a conduit le DSM, avec d’autres, à fonder, en 2013, le Socialist Party of Nigeria (SPN). Il a finalement été enregistré par la Commission électorale nationale indépendante (INEC) en 2018, après une longue campagne juridique et politique. Le SPN s’est porté candidat et a réalisé des gains politiques lors des élections générales de 2019. Malheureusement, le SPN a maintenant été radié par l’INEC, privant ainsi les masses laborieuses et les jeunes en quête de changement d’une plateforme [lors des élections, NdT].

Barbarie capitaliste

De manière significative, le décès de Segun Sango survient à une période où le Nigeria lui-même se trouve à un carrefour précaire. On assiste à une descente dans la barbarie contre laquelle il avait maintes fois mis en garde en l’absence d’une transformation socialiste, se manifestant sous différentes formes, notamment une corruption ahurissante, des attaques terroristes et des meurtres rituels, pour n’en citer que quelques-unes. Ces absurdités et d’autres se sont aggravées parce que, sur le plan économique et politique, la crise du Nigeria a été aggravée par l’élite capitaliste corrompue qui, il y a tout juste sept ans, est arrivée avec de nombreuses promesses.

À l’époque où le président Buhari faisait campagne en 2014, Sango n’était pas encore alité et encore capable de suivre les évolutions politiques. En réponse à l’illusion nationale qui se développait alors autour de Buhari, Sango avait écarté la possibilité que Buhari puisse être un messie des travailleurs. Selon lui, on ne peut faire confiance à aucun membre de l’élite capitaliste, aussi bien intentionné soit-il, pour transformer le Nigeria pour de bon et dans l’intérêt des masses laborieuses et des pauvres. En effet, la solution aux problèmes du Nigeria passe par une rupture radicale avec le capitalisme et l’impérialisme. C’est pourquoi Sango est convaincu que les masses laborieuses nigérianes doivent compter sur elles-mêmes et construire une alternative politique pour prendre le pouvoir. Sept ans après, l’échec spectaculaire du gouvernement Buhari/Osinbajo APC confirme pleinement le profond pronostic de Segun Sango.

Internationaliste du CIO

Sango était également un internationaliste, qui suivait les luttes des travailleurs et des opprimés dans le monde entier, dans le cadre de la lutte pour mettre fin à la domination du capitalisme et de l’impérialisme et pour un monde socialiste. Membre de la direction du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO), Sango s’est efforcé de contribuer à la construction du mouvement ouvrier et socialiste à l’échelle internationale, notamment en effectuant des tournées de conférences en Europe et aux États-Unis.

Alors que les masses ouvrières pleurent la disparition de Sango, le Democratic Socialist Movement (DSM) appelle les éléments de gauche et le mouvement ouvrier et de la jeunesse, en particulier les dirigeants du Nigeria Labour Congress (NLC) et du Trade Union Congress (TUC), à réaliser le désir à long terme de Sango : lutter pour la construction d’un véritable parti ouvrier de masse indépendant, capable de construire un mouvement révolutionnaire massif pour abolir le capitalisme et instaurer un Nigeria socialiste, ce qui est absolument nécessaire en cette période de crise profonde au Nigeria.