Premier bilan d’un nouveau parti de gauche en Allemagne Débat dans la nouvelle formation, le WASG : Quel nouveau parti faudrait t-il ?

Depuis la création du WASG, les discussions sur le programme et sur l’orientation d’un nouveau parti pour les travailleurs et les jeunes se multiplient dans la gauche. Ceci est particulièrement le cas après la décision du WASG Berlin de se présenter de façon indépendante aux élections régionales à Berlin en septembre 2006 et de s’opposer ainsi au PDS qui y est au gouvernement avec le SPD.

Article paru dans l’Egalité n°120

Le WASG s’est créé en 2004 à l’initiative des dirigeants syndicaux régionaux de IG Metall, de Ver.di et d’anciens membres du SPD et du PDS. La fondation du WASG a été une réaction contre la politique libérale menée par le gouvernement de « gauche » de Schröder (coalition du SPD et des Verts) depuis 1998 qui a attaqué massivement les conditions de vie des travailleurs avec l’Agenda 2010 (casse de la Sécu, attaques contre les chômeurs, les retraités,….). Le WASG est donc une expression politique de la colère des travailleurs contre cette politique et des mouvements qui ont eu lieu depuis 2003 contre le gouvernement. Le programme de fondation du WASG se prononce contre la politique néolibérale, contre les privatisations, les coupes budgétaires, les attaques contre les chômeurs et refuse également une participation du WASG aux gouvernements (à l’échelle nationale, régionale et locale) qui mettent en place une politique néolibérale. Même si ce programme a été discuté et décidé par la direction sans discussion large en impliquant des nouveaux membres, ce nouveau parti a attiré des milliers de travailleurs à la recherche d’une alternative et parmi eux, de nombreux militants des syndicats, des mouvements sociaux et des travailleurs non-organisés auparavant.

Un nouveau parti de gauche, mais sur quelles bases ?

En septembre 2005, une coalition entre le WASG et le PDS (nommée la Gauche) a obtenu 8,7% des voix aux éléctions législatives anticipées ce qui a été un véritable séisme politique. Ce succès a plusieurs raisons : le rejet massif du gouvernement Schröder et de sa politique au service des capitalistes, l’espoir qu’un nouveau parti à gauche de l’ancien parti ouvrier SPD représente les intérêts des travailleurs à l’Assemblée nationale et le fait qu’Oskar Lafontaine soit tête de la liste pour le WASG. Lafontaine a été ministre de l’économie sous le gouvernement Schröder, l’a quitté peu après son éléction en 1998 et s’est prononcé depuis contre la politique néolibérale. Lafontaine bénéficie aujourd’hui d’une énorme popularité car il est vu comme un homme politique de gauche qui se bat contre la politique néolibérale.

lutter contre les attaques néolibérales

A la suite des législatives, ce même Lafontaine, d’autres dirigeants du WASG et les dirigeants du PDS ont engagé un processus de fusion de ces deux partis pour créer un nouveau parti de gauche. Cette volonté de fusionner va à l’encontre du propre programme de fondation du WASG. En effet, le PDS participe aux gouvernements régionaux de Berlin et de la Poméranie (Allemagne de l’Est) avec le SPD depuis 2001. Ensemble, ils ont attaqué massivement des travailleurs : suppression de milliers d’emplois dans les services publics, application des lois anti-chômeurs (Hartz IV), abandon des conventions collectives pour les salariés de la fonction publique, privatisations, coupes budgétaires énormes,… C’est notamment dans les régions de l’Allemagne de l’Est que le WASG s’est créé en opposition à la politique du PDS.

A la base du WASG, les discussions se sont donc intensifiées : est-il possible de fusionner avec le PDS si celui-ci ne rompt pas avec sa politique néolibérale ? Est-il possible d’avoir une candidature commune avec le PDS à Berlin et en Poméranie en septembre 2006 si le PDS continue à y attaquer les travailleurs ?

Les militants du SAV, organisation soeur de la Gauche révolutionnaire, engagés au WASG depuis sa création, défendent que le WASG doit maintenir ses principes de fondation : refuser entièrement la politique néolibérale, soutenir les travailleurs en lutte et les mouvements sociaux, se battre pour des revendications comme un salaire minimum, ne pas collaborer avec des partis qui appliquent une politique contre les travailleurs et les jeunes.

Les élections régionales à Berlin : un enjeu national

C’est dans ce sens-là que SAV a pris l’initiative de regrouper tous les militants du WASG qui sont en faveur d’une candidature indépendante du WASG aux élections régionales en septembre à Berlin, contre la politique néolibérale et par conséquent aussi contre le PDS. La décision du congrès régional berlinois d’engager une telle candidature indépendante fin avril a entraîné une bataille au sein du WASG à l’échelle nationale, mais aussi un débat national dans les médias. Malgré la propagande des médias, des dirigeants du WASG comme Lafontaine et du PDS, contre les « séctaires » du WASG Berlin qui veulent empêcher l’unité de la gauche et les tentatives de la direction nationale du WASG d’exclure la direction berlinoise et d’interdire la candidature, les militants à Berlin n’ont pas lâché l’affaire. Après l’annulation de ces sanctions par des instances juridiques, le WASG Berlin maintient sa candidature, mène campagne contre la privatisation des logements publics et contre les bas salaires et lance sa campagne électorale avec un soutien remarquable : le WASG est déjà à 5 % dans un sondage récent (à 9 % chez les moins de 29 ans) sans avoir collé une seule affiche. De même, Lucy Redler, porte parole et tête de la liste du WASG Berlin et membre du SAV, est devenue très populaire dans tout le pays grâce à sa défense sans compromis des travailleurs et des chômeurs dans les quotidiens nationaux et à la télé.

Un succès électoral du WASG Berlin aurait un impact important à Berlin-même, mais aussi à l’échelle nationale. Cela montrerait que c’est possible de gagner sur une ligne d’opposition véritable à la politique néolibérale et pour un parti qui fait concrètement une politique pour les travailleurs, les chômeurs et les jeunes. De nouveaux travailleurs et jeunes pourraient être encouragés à se battre et à s’impliquer dans la construction d’un nouveau parti combatif et anticapitaliste. Un tel succès serait également une claque pour la politique de gestion du capitalisme du PDS attaquant les travailleurs. La question de l’orientation et du programme d’un nouveau parti serait à nouveau posée dans la gauche.

Malgré tout, il est fort probable que la fusion entre le WASG et le PDS va avoir lieu en 2007 et que ce nouveau parti accepte rapidement la logique du capitalisme : attaquer les conditions de travail et de vie des travailleurs pour garantir des profits aux capitalistes. C’est pourquoi le SAV va continuer à argumenter et à se battre activement pour un nouveau parti des travailleurs avec un programme socialiste qui luttera pour les revendications concrètes des travailleurs avec la perspective de renverser le capitalisme et de construire la seule société fiable : le socialisme.

Par Olaf van Aken