Occasion manquée pour construire une nouvelle force anti-capitaliste ?

Le mouvement contre le CPE a montré la radicalisation d’une couche importante de jeunes et de travailleurs contre les attaques du patronat et du gouvernement. Mais il a également montré que malgré ce fort potentiel, les trois millions de jeunes et de salariés en manifestation n’ont aucun outil politique pour défendre leurs intérêts.

Article paru dans l’Egalité n°119

Le manque d’un nouveau parti des travailleurs s’est donc plus que jamais fait sentir, mais les obstacles à sa réalisation aussi. Tout d’abord, une radicalisation n’implique pas toujours une forte politisation. On a vu une croissance du mouvement étudiant et lycéen. Mais, dans la plupart des AG, les discussions se sont souvent limitées autour de revendications défensives et au moyen de renforcer le mouvement, ce qui était important, certes. Mais les interventions sur les causes profondes de ces attaques et leur lien avec l’ensemble de la politique du gouvernement étaient très minoritaires.

Le Ps a pu ainsi se donner un air social. Il craignait néanmoins que les grévistes critiquent la politique des capitalistes et donc le programme économique du PS. C’est pourquoi les directions syndicales ont ciblé uniquement sur le retrait du CPE. Dans la même logique, elles ont freiné le mouvement, tardant pour appeler les salariés à entrer en grève, n’appelant pas à la reconduction.

Les responsabilités de Lo et de la Lcr

Ceci constitue des obstacles majeurs pour que la question d’un nouveau parti soit mis en avant à une échelle de masse. Mais cela n’a rien d’étonnant : directions du Ps ou des syndicats se sont depuis longtemps installées dans une acceptation du capitalisme. Pour dépasser cet obstacle, il faut développer les luttes sur des bases combatives. Pour cela on a besoin que les revendications défensives contre la politique capitaliste se doublent de revendications offensives contre le chômage, les privatisations, etc, et que soient soulignés les moyens de les voir réalisés : grève générale, nationalisation sous contrôle ouvrier… Or ni LO ni la LCR n’ont répondu à cette urgence, laissant la parole à ceux qui ne veulent pas rompre avec le capitalisme.

LO, tout en argumentant dans son matériel sur le fait que le Cpe concerne tous les travailleurs ; n’a pas mis en avant la logique générale de la politique du gouvernement capitaliste et la nécessité d’une grève générale. Son argument principal : les travailleurs ne sont pas encore prêts. Elle voyait d’un bon œil que les étudiants aillent à la porte des usines, participant à ces actions comme par exemple à Citroën à Aulnay. Mais sans perspectives offensives claires, sans généralisation des revendications contre la politique des capitalistes, ceci ne peut pas amener les travailleurs massivement dans la lutte.

La LCR a mené une double politique. D’un côté, dans son journal, elle agitait la question de la grève puis de la grève générale au fur et à mesure que le mouvement se développait. De l’autre, elle a signé toute une série de déclarations, en a proposé elle même, avec le PS, le PCF, etc. ne faisant jamais mention d’une extension de la grève et se limitant à une seule revendication, le retrait du CPE. Elle revendique un « plan d’urgence » pour les jeunes et les travailleurs mais n’en fait rien en pratique : ni dans les assemblées générales, si dans ses rencontres avec le PS.

Alors que le mouvement représentait un excellent moment pour clarifier les orientations politiques de chacun, pour permettre aux jeunes et aux travailleurs d’y voir plus clair sur les programmes politiques des partis qui se prétendaient en faveur du mouvement de grève, Lo et la Lcr ont ajouté à la confusion régnante en limitant le débat, et en ne prenant aucune initiative.

A force d’occasions manquées, il n’y en aura bientôt plus ?

Déjà en 2002, Lo et la Lcr avaient la possibilité de prendre une véritable initiative. 3 millions de voix s’étaient portées sur les candidatures d’Arlette et d’Olivier. Depuis plusieurs années, le vide laissé à gauche par le passage du Ps dans le camp de la bourgeoisie, s’exprime d’une manière ou d’une autre, tandis que de nombreux travailleurs cherchent par les luttes à se défendre collectivement contre les capitalistes.

Maintenant que le mouvement est terminé et qu’une confusion règne, la Lcr a pris une initiative en s’adressant à Lo, au Pcf… pour une candidature commune à gauche du Ps. Les élections peuvent jouer un rôle dans la construction d’une nouvelle force, mais à condition que ce soit bien dans cet objectif là. Une simple tactique électorale ne convaincra personne. Et surtout, pourquoi ce type de proposition n’a pas été fait au moment le plus propice, lors la lutte contre le Cpe ?

Il y a peu de chance que ceci ait une suite car là où il y a un problème, c’est qu’aucun de ces ne veut construire un nouveau parti à gauche du Ps. Dès lors, toute candidature commune n’ayant pas de suite, elle n’apparaîtra pas comme un point d’appui utile. Les travailleurs et les jeunes préféreront voter pour le moindre mal. A force d’occasions manquées, Lo et la Lcr se condamnent à ne jouer qu’un rôle d’éternel opposant au Ps sans que naisse l’alternative dont nous avons besoin.

Les jeunes et les travailleurs devront trouver le chemin eux même, dans les luttes, pour construire ce nouveau parti qui défende réellement leurs intérêts. Et ils auront tout le soutient de la Gr pour cela.

Par Geneviève Favre et Alexandre Rouillard