Lutte de masse en Inde : un potentiel révolutionnaire

Le 26 novembre a eu lieu une grande grève générale qui a regroupé 250 millions de personnes, en réaction à la politique du gouvernement. L’Inde est actuellement dirigée par Modi, arrivé au pouvoir en 2014 sur une base nationaliste, populiste de droite, et très proche des grands bourgeois. Il mène une politique anti-musulmans, créant des lois abjectes qui ont pour but de diviser les travailleurs, pour les empêcher de s’organiser et de se révolter face à la misère qui traverse l’Inde. En effet une immense majorité de la population ne travaille pas légalement et n’a donc pas de protection sociale ou de droits suffisants. Beaucoup d’habitants souffrent de la famine et les récentes mesures racistes et anti-ouvrières de Modi ont été la goutte de trop.

Des mois de lutte

Depuis décembre 2019 des mouvements ont émergé dans tout le pays, soutenus par les syndicats qui avancent des revendications sur les salaires et la fin des emplois précaires. La forte répression n’a pas découragé la population agricole (qui représente 70 % de la population en zone rurale) et les luttes ont continué.

En mars 2020, Modi a profité de la Covid, du confinement forcé et de la peur pour faire passer en force d’autres lois : passer la journée de travail de 8h à 12h, supprimer les quelques lois sociales qui existaient encore et privatiser massivement des entreprises. Ces mesures ont été prises pour « une durée minimale de 3 ans » ! Et il ne s’est pas arrêté là, il a aussi grandement réformé l’agriculture pendant l’été avec 3 lois qui ont pour but de libéraliser le marché agricole, modifier les prix garantis et les stocks de produits de première nécessité. En changeant ces paramètres, le lien entre les acheteurs et les producteurs sera presque brisé, le libéralisme favorisera les géants agricoles et les petits exploitants risquent de se retrouver sans revenus, et donc à la merci des capitalistes. Avec la crise économique, les multinationales ont de plus en plus besoin d’exploiter un maximum de terres des petits paysans dans les vallées fertiles. Le risque de pénurie sera plus grand car les produits de première nécessité ne seront plus produits de manière réglementaire, dans un pays déjà en proie à la famine c’est inadmissible !

Résultat : indignation générale de la part de la population active, des paysans, des ouvriers, des pauvres. Tout octobre-novembre, il n’y a quasiment pas eu un jour sans grève, tous secteurs professionnels confondus, jusqu’au 26 novembre, jour de grève générale. Les travailleurs et syndicats se sont joints à la lutte : étudiants, cheminots, enseignants…

Malgré une forte répression en face, les ouvriers agricoles ne se sont pas démoralisés. Ils continuent de lutter pour le retrait de ces trois lois. Ils ont organisé un campement à l’entrée de New Delhi, avec un système de ravitaillement, des stocks de masques. Ils ont donc été plus compétents que le gouvernement lui-même ! Le 7 janvier, les paysans ont bloqué des autoroutes, dont une qui va vers la capitale, mais la cour suprême a pourtant adopté les trois réformes.
Le 26 janvier, car une marche a été organisée à New Delhi et ailleurs, où ont défilé ensemble ouvriers et paysans. Elle a aussi été réprimée, en partie à cause du manque de direction du mouvement révolutionnaire.

Militants de New Socialist Alternative le 26 janvier à Bangalore

Dépasser les limites du mouvement !

La situation en Inde a un fort potentiel révolutionnaire. Cette grève générale a rassemblé un cinquième de la population ; les paysans commencent à entrer en lien avec les ouvriers, le mouvement est plus fort que la répression. Mais il souffre aussi de limites. D’une part, toute communication et organisation sont compliquées par l’incroyable diversité dont ce pays fait preuve : plus de 2 000 peuples avec langues, conditions sociales et matérielles différentes. L’Inde est un sous-continent, avec un territoire gigantesque, tout comme sa population. Il y a aussi, en plus du système de classes, les castes, qui accentue les divisions en plaçant certains groupes au dessus d’autres, empêchant les échanges. Le racisme est également présent, encouragé par le gouvernement. En Inde, toute réforme anti-ouvrière touche particulièrement les musulmans. La lutte contre les discriminations entre peuples, religions et contre le système de castes est un vrai défi pour les militants indiens.

D’autre part, il y a une réelle faiblesse politique dans les partis politiques « communistes », censés défendre les intérêts de la classe ouvrière. Il y a deux partis, un maoïste et un stalinien, qui sont donc, sous des dehors radicaux, très hostiles à la classe ouvrière et son initiative révolutionnaire. C’est principalement un de ces deux partis qui a fait en sorte que la question des droits des musulmans ne soit pas reprise.

Il manque donc un parti de masse pour organiser les travailleurs dans une lutte unie avec les paysans et toutes les couches opprimées de la société. Notre organisation sœur en Inde, New Socialist Alternative, lutte pour qu’il soit créé ! Les paysans et ouvriers en Inde peuvent défier Modi avec leur force, mais il faut absolument qu’ils se constituent en front uni pour le socialisme, qui pourrait servir à faire basculer cette situation pré-révolutionnaire à la révolution. Ce qui se passe depuis le 26 novembre donne de l’espoir pour la suite, ils doivent s’unir pour que leur lutte soit victorieuse !

Par Elémiah, article paru dans l’Egalité n°204