L’Europe sociale : le cimetière des illusions

Depuis des années, la Gauche plurielle nous rabat les oreilles avec l’Europe sociale. Mais cette Europe qui répondrait aux aspirations des travailleurs est toujours remise aux calendes grecques, et c’est l’Europe des patrons, des banques et des multinationales qui est mise en place jour après jour. Les dégâts de cette Europe capitaliste sont considérables.

Article paru dans l’Egalité n°92

C’est premièrement des milliers d’emplois perdus pour permettre aux actionnaires de recevoir leurs dividendes et aux patrons de faire leurs affaires : Vilvoorde, Michelin, Valéo, Lucent, Moulinex, Sabena, etc ; c’est aussi la privatisation des services publics qui entraîne la suppression d’emplois stables et une baisse de la qualité des services rendus pour permettre une baisse des coûts.

Protection sociale

C’est encore le démantèlement de la protection sociale : Sécu, chômage, retraites. Ce n’est certes pas la Charte des droits fondamentaux qui va améliorer la situation. Elle s’accompagne d’attaques à peine cachées. Par exemple, le paragraphe 1 de l’article 32 de la Charte : « L’Union reconnaît et respecte le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux assurant une protection en cas de maternité, de maladie, d’accident du travail, de dépendance ou de vieillesse, ainsi qu’en cas de perte d’emploi, selon les modalités établies par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales ». Or les « modalités établies par le droit communautaire » en la matière ont démontré leur volonté de démanteler les systèmes de protection sociale jugés « trop généreux ».

Et les recommandations des Grandes orientations politiques (GOPE) s’acharnent à imposer la réduction des coûts sociaux dans les législations et les pratiques nationales ! Le gouvernement belge vient d’imposer la dégressivité de l’allocation chômage. En France, nous avons dépassé ce stade avec le PARE, qui va obliger les chômeurs à accepter n’importe quel travail dans n’importe quelles conditions pour n’importe quel salaire s’ils ne veulent pas être radiés et perdre leur droit à des indemnités ! Et si le système de retraites par répartition n’est qu’égratigné pour le moment en France, c’est par peur de la réaction des travailleurs telle que celle que le gouvernement Juppé avait connu en 1995 lorsqu’il avait attaqué la Sécu et les retraites.

Droit au travail

Enfin c’est la déréglementation des droits du travail permettant un accroissement de la flexibilité et de la précarité : le nombre de CDI chute au profit des CDD, des intérims et des autres contrats précaires (CES, emplois-jeunes, etc). La charte n’affirme-t-elle pas dans l’article 15 : « Toute personne a le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie ou acceptée » (art 15.1). Mais le droit à travailler, n’est pas le droit au travail, c’est-à-dire à avoir un emploi stable.

Toute la charte est à l’avenant. Sous couvert d’avancée sociale, elle est une véritable attaque : elle transforme tous les droits sociaux (Sécu, chômage, travail) en objectifs politiques flous et ambigus et non en droits réels chiffrés (la durée du temps de travail journalier et l’âge minimum d’admission au travail ne sont pas spécifiés par exemple).

Et les syndicats…

Malheureusement, nous ne pouvons pas compter sur la Gauche plurielle pour nous défendre, puisqu’elle vote en France comme au Parlement européen tous les mauvais coups portés contre nos intérêts. Et les directions des confédérations syndicales soit s’alignent sur cette Europe et cette charte, comme Nicole Notat ou comme la Confédération européenne des syndicats à laquelle a adhéré la CGT qui estiment que cette charte est un pas en avant pour l’Europe sociale, soit critiquent mollement comme la CGT en n’organisant jamais la riposte nécessaire (c’est à dire une grève générale).

Cette Europe n’est pas la nôtre !

Les manifestations de Bruxelles seront un temps fort pour préparer la riposte. Mais elles ne suffiront certainement pas à arrêter le travail de sape permanent de nos intérêts par les capitalistes et les dirigeants qu’ils soient à Bruxelles ou à Strasbourg. C’est chaque jour qu’il faut combattre cette Europe, pour qu’à terme nous imposions nos revendications et que nous les mettions en place nous-mêmes. Nous ne pouvons compter que sur nos propres forces, c’est pourquoi l’Europe sociale sera socialiste ou ne sera pas !

Par Yann Venier