Législatives : la défaite de Macron et de son programme

Dimanche 19 juin s’est terminé le dernier tour des élections législatives. Macron n’a pas obtenu la majorité à l’Assemblée Nationale avec 246 députés sur les 289 nécessaires. Ça veut dire qu’il ne pourra pas faire voter son programme de casse de la retraite, des services publics avec coupes de budgets, privatisations etc, sans accords avec d’autres formations politiques. Alors qu’il n’a déjà pas un fort soutien dans la population, c’est une défaite.

Et la droite traditionnelle de LR continue de s’effondrer avec désormais 61 députés contre 320 sous Sarkozy.

Avec 153 députés de la coalition de gauche NUPES dont 76 LFI cela en fait la première force d’opposition, ce qui donne une double claque à Macron.

La NUPES (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), qui s’est groupée autour d’une initiative de la France insoumise pour une alliance électorale a obtenu 23 députés EELV, 23 du PS, et 12 du PCF. La France insoumise est passée de 17 en 2017 à 76 sièges. Et parfois il s’en est fallu de quelques dizaines de voix que d’autres député-e-s s’ajoutent à cette liste. Ils ont été élus sur le rejet de Macron et sur une série de mesures de rupture avec la politique antisociale et pro-capitaliste actuellement menée.

Le Rassemblement National a multiplié ses sièges par 11 en 5 ans (de 8 à 89 députés). Cette montée en force s’explique par plusieurs facteurs, notamment son slogan « la seule opposition à Macron ». C’est en partie un vote anti-Macron, mais qui a bien été aidé aussi dans les duels contre la FI par une partie de la droite LR et même des macronistes. L’électorat RN est resté mobilisé. Il n’a pas été attiré vers la NUPES dans certaines régions car il n’y a pas de structures militantes combatives autour d’un programme clairement en faveur des travailleurs et travailleuses. L’absence de structuration de la France Insoumise depuis 2017 n’a pas facilité cette tâche et a laissé la place au RN, qui ont un impact même sans vraiment de militants de terrain aujourd’hui.

Entre les élections législatives de 2017 et de 2022, les voix totales pour la gauche ont augmenté, mais elles ont reculé dans les régions où les forces de gauche ont été peu présentes, le Pas-de-Calais, le Grand Est, les Pyrénées Orientales, ou le Sud-Est. Il y a eu un fort vote NUPES dans la plupart des villes et banlieues, Marseille, Rouen…, mais avec une très faible participation totale.

Pourquoi autant d’abstention ?

Environ 26,3 millions de Français n’ont pas voté au 2ème tour, soit 53,77% d’abstention, contre 52,49% au 1er tour. Et il y a eu près de 70 pour cent d’abstention au 1er tour chez les jeunes de 18 à 34 ans. Mais concrètement, que veulent dire ces chiffres ? L’abstention des jeunes montre à quel point une partie de la population ne se sent pas concernée par les élections, considérant pour beaucoup que cela ne va rien changer. Mais c’est surtout la conséquence de l’absence de force politique permettant d’organiser ces jeunes, les ramener à la politique, aux discussions. Il n’y a pas aujourd’hui d’organisation de masse chez les jeunes, aucune grosse organisation ou syndicat.

Le vote en lui-même ne représente pas forcément un ensemble de travailleurs convaincus par le programme, et le flou politique orchestré par les dirigeants de la campagne NUPES a pu en rebuter quelques-uns. Le PS intégré dans la NUPES est peu intervenu dans cette campagne et ses candidats maintenus ont joué contre la possibilité d’élection d’une dizaine de députés NUPES, mais également il est resté très timide sur les aspects plus sociaux du programme (qui eux même sont assez limités). Le PCF de son côté a plus ouvertement défendu les revendications (salaires, retraite etc.) ce qui lui a valu de très bons scores notamment pour ses députés sortants, comme dans la 3ème de Seine-Maritime (Sotteville, Petit-Quevilly, Rouen rive gauche…) où le député sortant PCF est réélu à plus de 70% des votants.

La FI, et ses principaux porte-paroles ont continué de baisser le niveau politique, parlant très peu du capitalisme et des luttes. L’accord électoral est finalement bien plus faible qu’il y a 5 ans, bien qu’il y ait eu les 650 points d’accords sur le programme dans toute l’alliance, c’est en deçà de ce qui était attendu par celles et ceux qui ont voté Mélenchon en 2017. On n’a plus entendu parler des 32 heures pour tous, ni des nationalisations, par exemple. Mélenchon s’est présenté comme l’opposition parlementaire mais moins comme un représentant des votes des travailleurs, travailleuses, de nos intérêts de classe face aux capitalistes. Le Parti Socialiste comme des partis tels qu’EELV ont joué les équilibristes, poussés par la France Insoumise et un accord électoral un peu plus à gauche que leur programme de la présidentielle, alors qu’ils ne souhaitent pas aller plus loin que ce rapprochement de circonstance.

Beaucoup de personnes nouvelles ont rejoint la campagne aux législatives, dont déjà certains ayant une conscience du besoin de l’organisation, même floue. C’est des personnes assez convaincues qui ont voté, peu de gens très éloignés de la politique malgré la volonté de la NUPES d’aller chercher les abstentionnistes. Pour avancer, pour aller encore plus loin dans le programme et dans l’organisation de nos luttes contre les capitalistes, une mobilisation large sera impérative, en entraînant toutes ces personnes touchées par notre programme et en allant également chercher ceux qui se sont détachés de la politique. La base électorale est bien plus à gauche que ce que traduit aujourd’hui la NUPES dans ses déclarations, et c’est elle qui va être décisive pour entraîner ces couches plus larges parmi les travailleurs et la jeunesse à entrer dans la lutte, discuter, prendre en main la politique.

Par Lu M et Yohann Bis, article paru dans l’Egalité n°211