Il y a 60 ans, victoire pour l’indépendance de l’Algérie

Le 5 juillet 1962, après validation des « accords d’Evian » du 18 mars 1962, par un double référendum (en France par 90,8 % et en Algérie par 99,7 % de Oui), le Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA) proclame l’Indépendance du pays. Ceci met fin à 132 ans de colonisation brutale du pays par la France. Laquelle avait commencé par la prise violente d’Alger, le 5 juillet 1830. Ceci marqua le début d’une longue et meurtrière guerre d’occupation qui se terminera par la conquête complète de l’actuel territoire algérien en 1903.

L’impérialisme français voulait faire de cette colonie à la fois une terre d’exploitation et une terre d’installation alors que le pays était encore peu peuplé au 19ème siècle. Vol des terres les plus fertiles, droits démocratiques très limités pour les musulmans algériens (arabophones comme berbères), administration militaire et pouvoir politique aux mains des colons ; le tout appuyé par une forte présence militaire et une violente répression de toute protestation, qu’elle soit syndicale ou politique.

La violence de l’occupation et de la gestion des affaires en Algérie par la France et les colons (pieds-noirs) sur place ne pouvait que conduire à une montée du sentiment national algérien. La lutte anti-coloniale et antiimpérialiste, un temps modérée par les illusions d’une possible citoyenneté pour les Algériens, va reprendre de plus belle après la 2nde guerre mondiale.

Le gouvernement français (De Gaulle, Parti Communiste Français, « socialistes »…) se lance dans une reconquête de l’autorité perdue sur de nombreuses colonies. Les répressions sanglantes des années 1945-1947, au Cameroun, en Algérie, à Madagascar, précèdent les 15 années de guerre coloniale, d’abord en Indochine puis en Algérie, alors que les peuples luttent de plus en plus massivement pour leur indépendance.

« L’autre 8 mai 45 », la répression sanglante des manifestations pro-indépendance par l’État français, un massacre toujours pas reconu, à Setif, Guelma, Kherrata

La lutte et la guerre

Plusieurs partis nationalistes existaient avec une approche différente (négociation, autonomie ou indépendance). Mais en octobre 1954, le Front de Libération Nationale (FLN) fut fondé, qui intimera, par la suite, à tous les autres partis de le rejoindre. Le 1er novembre 1954, l’insurrection commençait. Le choix de la lutte armée était au cœur du programme du FLN, toute autre voie étant impossible face à l’impérialisme français.

S’ensuit donc une guerre meurtrière, qui verra la « gauche » de Guy Mollet (soutenue par le PCF) voter les « pouvoirs spéciaux » à l’armée qui multiplia alors massacres et tortures. Le film « la bataille d’Alger », longtemps interdit en France, retrace une partie des horreurs de cette période.

Le FLN n’a pas de véritable programme économique ou social. Il reste une coalition dominée par les rivalités de pouvoir, notamment entre ses dirigeants qui restent aux frontières du pays, et les combattants, qui eux, subissent la répression sur le sol algérien.

C’est une formation nationaliste, qui évoque très vaguement le socialisme mais n’a ni adresse aux travailleurs de France ou d’Algérie, ni programme pour construire l’Algérie, une fois l’indépendance obtenue. De fait, ses militants extrêmement courageux n’avaient aucun poids dans les discussions politiques.

Ces deux aspects marqueront fortement les débuts de l’indépendance. Le pouvoir restera aux mains du FLN sans aucune démocratie. L’économie, brutalement nationalisée en 1963, ne permit jamais un réel développement du pays par absence complète de planification socialiste démocratique.

11 décembre 1960, d’énormes manifestations pour l’indépendance ont lieu partout en Algérie, auxquelles ont participé de très nombreuses femmes

La victoire

Mais la guerre révolutionnaire de libération amena de plus en plus de crise politique en France, où la répression s’abattait également sur tous les soutiens au FLN, comme ceux apportés par de nombreux
militants trotskistes.

L’envoi de tous les jeunes soldats faire leur service militaire dans cette sale guerre amplifiait d’abord la lassitude, puis l’opposition aux opérations militaires. Il fallu un putsch de De Gaulle en mai 1958 pour stabiliser en partie la situation politique et avancer vers ce qui devenait inéluctable : la reconnaissance d’une Algérie indépendante. De nombreuses tentatives de l’extrême droite (et notamment avec la création de l’Organisation de l’Armée Secrète, OAS), à coups d’attentats aveugles, pour empêcher l’Indépendance, ne firent que renforcer le caractère barbare de la domination coloniale.

L’impérialisme français n’avait plus le choix et négocia avec le GPRA/FLN les accords d’Evian, qui garantissaient une mainmise sur les ressources pétrolières et une partie du Sahara algérien à la
France en échange de l’Indépendance. Le nombre de morts reste inconnu, au moins 400 000 côté
algérien et 25 000 côté européen.

Quant au gouvernement algérien, il verra de nombreux putschs et son pouvoir régulièrement contesté par des mouvements de masse, comme le Hirak de l’année 2019-2021, mouvement qu’il abordera de manière répressive.

La lutte pour l’indépendance était une lutte révolutionnaire, impliquant des dizaines de milliers de jeunes, de travailleurs. Beaucoup de femmes participèrent au combat. Or, il manquait un vrai programme socialiste. Celui-ci aurait notamment permit de combiner les revendications sociales et économiques
de la vaste majorité de la population avec la lutte pour l’indépendance, tout en appuyant également les luttes dans les autres pays d’Afrique du Nord et du bassin méditerranéen.

Aujourd’hui encore, la nécessité d’une véritable indépendance, arrachant l’économie des mains des profiteurs capitalistes, algériens ou étrangers, reste au cœur d’un programme pour un authentique parti révolutionnaire de lutte en Algérie. C’est ce que le Comité pour une Internationale Ouvrière s’efforce
de construire : voir notre page Facebook El Yassar El thawri / وثلا راسيلا / Thamuɣli thazelmaḍt.

Article paru dans l’Egalité n°211