La précarité s’étend comme la peste !

Le principal axe d’intervention de l’Etat et des collectivités territoriales sur la question de l’emploi, hormis les allègements et exonérations de cotisations sociales, est de créer des contrats de travail incitatifs à l’embauche – les mesures pour l’emploi ou contrats aidés : CAE, CAV, CIRMA… et maintenant CNE (contrat nouvelles embauches).
Article paru dans l’Egalité n°121

Ils servent prétendument à permettre l’insertion de chômeurs de longue durée dans le monde du travail. En réalité, ces contrats ne font que maintenir les chômeurs dans la précarité et fournir aux patrons une main d’œuvre à bas coût, corvéable à merci. Ils créent un effet d’aubaine. Quel intérêt les patrons ont d’embaucher des salariés en CDI alors qu’ils peuvent bénéficier de contrats de ce type. Les patrons du privé comme du public changent de salariés régulièrement pour continuer à bénéficier des aides. Ainsi la proportion des CDI par rapport aux contrats précaires diminue, élargissant la précarité petit à petit à une part plus importante de la population. De plus, les patrons cumulent les contrats aidés et précaires pour le même emploi : ainsi il est possible de signer des CIRMA avec les intérim, ou de faire une convention CIE pour un CNE…

Pour les chômeurs, une étude de la DARES (centre d’étude du Ministère de l’emploi) montre que 7 personnes sur 10 obtenant un emploi dans le cadre d’un contrat aidé voient leur situation financière s’améliorer de 240 à 400 euros selon le contrat pendant et après la sortie du dispositif, mais leur niveau de vie reste cependant inférieur au niveau de vie médian : ainsi le niveau de vie des anciens salariés en CES dans les années qui suivent la sortie du contrat est en moyenne de 800 euros contre entre 400 et 762 euros avant l’entrée dans l’emploi et alors que le revenu médian en 2005 était de 1200 euros. Quoi qu’il en soit cela ne les sort pas de la pauvreté et de la précarité, d’autant qu’une fraction importante de ces personnes connaît à nouveau le chômage.

Bilan du CNE

Depuis un an le gouvernement a lancé des attaques directes contre les CDI avec le CNE, qu’il a réussi à faire passer durant l’été 2005. Après un an, on peut faire le bilan de ce contrat. Ainsi selon une étude récente de la DARES et de l’ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale), 330.000 CNE ont été signés. Seuls 10% de ces embauches n’auraient pas eu lieu si ce contrat n’avait pas existé. Ce qui veut dire que 297 000 embauches en CNE viennent en remplacement d’embauches avec d’autres types de contrats, en particulier le CDI. Selon « l’enquête emploi » de l’UNEDIC la proportion d’embauches dans les TPE en 2004 (avant l’existence du CNE) et en 2005 par rapport aux embauches dans les autres entreprises reste inchangée. Par conséquent, la mise en place du CNE n’a eu aucune incidence sur le nombre d’embauche. Enfin, le taux de rupture du CNE dans les 6 mois est de 30%. Lutter contre la précarité

Attendre sur l’intervention du PS, si ce parti gagne les prochaines élections, est illusoire. Lorsque ce parti était au pouvoir, les politiques de l’emploi menées sont allées dans le même sens que celles menées par les gouvernements UMP : création des petits boulots, de contrats aidés permettant des exonérations de cotisations sociales et permettant de bénéficier de prime ; rappelons nous des TUC, SIVP, emplois-jeunes. Pour lutter contre la précarité, on ne peut faire confiance qu’en nous mêmes et en nos luttes !

La précarité en chiffres
– En 2005, 13,65% des actifs avaient un emploi précaire, soit plus de 3 millions de personnes.

– 7,7% est le taux de progression de l’emploi intérimaire entre juin 2005 et juin 2006. Ce qui représentait 429.500 intérimaires/jour au mois de juin dernier (source UNEDIC). Au cours de l’année 2005, on a dénombré 548.000 intérimaires, soit 2,47% de la population active (source INSEE). En 10 ans, le nombre d’intérimaires a crû de 160%.

– En 10 ans le nombre de CDD a augmenté de 60%. En 2005, 7,71% de la population active avait un CDD, soit 1.713.000 personnes, dont 1.190.000 dans le secteur privé (source INSEE).

– En 10 ans, le nombre de CDI n’a progressé que de 2%. Au cours du 1er semestre 2006 seul 30% des offres proposées à l’ANPE était des CDI (Source Actu Chômage).

– En 2005, le nombre de personnes travaillant sous contrats aidés (CIE, CAE, CIRMA, CAV…) s’élevait à 434.000. Les dépenses publiques (Etat, région, UNEDIC) pour les contrats aidés étaient en 2005 de près de 9 milliards d’euros, hors dépenses des départements. (source INSEE)

– En 2005, 4.285.000 personnes avaient un emploi à temps partiel (à plus de 80% des femmes, et dans la grande majorité des cas ce sont des temps partiels subis et non voulus), soit 19,30% de la population active. 3,06% des actifs travaillaient moins de 15 heures, 10,31% entre 15 et 30 heures et 5,85% entre 30 heures et 35 heures hebdomadaires. (source INSEE)

Par Yann Venier