KAZAKHSTAN – Inondations – La nature et le capitalisme s’allient pour provoquer des souffrances massives

Depuis le début du printemps de cette année, une tragédie catastrophique se déroule au Kazakhstan : des villages et des villes entières sont dévastés par les inondations. Des dizaines de milliers de maisons ont été littéralement submergées par les eaux et les habitants ont à peine eu le temps d’être secourus. Les régions les plus touchées sont Abay, Akmola, Aktobe, Atyrau, le Kazakhstan occidental, Karaganda, Kostanay, Pavlodar, le Kazakhstan septentrional et Ulytau. L’état d’urgence a été déclaré.

Plus de cent mille personnes ont été évacuées de leur domicile, dont plus de trente mille enfants. Les catastrophes naturelles en elles-mêmes ne peuvent pas vraiment être imputées aux patrons et à leur système. Mais on peut leur reprocher de ne pas avoir prévu la catastrophe et de ne pas avoir pris des mesures d’urgence.

Ils savaient


Il existe des preuves suffisantes pour montrer que les autorités étaient parfaitement conscientes du danger des futures inondations. Le ministre des situations d’urgence, M. Sharipkhanov, a en effet déclaré lors d’une réunion du gouvernement au début du mois de janvier : « Le volume total des précipitations de cette année devrait être supérieur à la normale. L’enneigement atteint déjà 70 % dans cinq régions et plus de 90 % dans 12 régions. Les régions méridionales et septentrionales doivent se tenir prêtes ». Le ministre a montré qu’il connaissait même la solution à ce problème « L’analyse de l’année dernière a montré que les maisons construites dans les basses terres et situées à proximité des rivières ou dans les zones de conservation des eaux étaient les plus touchées par l’engorgement. L’emplacement des bâtiments dans les ceintures de protection des eaux est un problème très répandu. En conséquence, l’État doit verser des indemnités aux citoyens touchés par les dégâts des eaux… Les autorités doivent donner la priorité à la protection de ces établissements ou envisager la possibilité de les réinstaller et continuer à interdire la construction dans ces zones »

En réalité, la situation est bien pire. Dès le mois de décembre dernier, les autorités étaient au courant de l’extrême quantité de précipitations tombant sur le Kazakhstan. Kazhydromet lui-même – le service météorologique de l’État – se plaindra plus tard que le problème du niveau dangereux de saturation du sol avait été signalé dès le mois de décembre.

« Tant au niveau de Kazhydromet qu’au niveau des ministères, lors de réunions d’information, cette question a été soulevée et tout le monde a été averti qu’en raison des niveaux élevés de saturation, il y aurait de grands risques d’inondation », a déclaré Zhekizhanov, le chef du service. Les inondations dans le pays avaient donc été prévues dès l’année dernière.


Avertissements

La situation de la ville de Kulsary, dans la région d’Atyrau, est illustrative à cet égard. En raison des inondations, les maisons ont littéralement commencé à s’effondrer, plusieurs milliers d’entre elles ayant été inondées. L’évacuation a été compliquée par l’inondation presque totale de la route Dossor-Aktau, la principale route de sortie de la ville.

Le plus horrible, c’est que cette même route a été fermée en décembre dernier en raison des mêmes fortes précipitations qui ont saturé le sol – et dont Kazhydromet avait prévenu. Il n’y a littéralement aucune raison pour que cette catastrophe à Kulsara n’ait pas été largement connue des autorités locales. Il est clair que la ville et ses habitants n’étaient pas préparés à cette catastrophe évidente, que ce soit en décembre ou même en mars. Comme l’affirment les habitants concernés, aucune formation n’a été dispensée en cas d’urgence, non seulement des mois, mais aussi des jours avant l’inondation.

L’histoire du réservoir de Buzuluk montre également à quel point l’État se prépare aux inondations. En 2017, le premier ministre de l’époque, Sagintayev, a ordonné que les inondations soient traitées « une fois pour toutes » dans la région du nord du Kazakhstan. La construction d’un « énorme réservoir » devait permettre d’y parvenir, selon le premier ministre. Trois ans plus tard, la conception du réservoir a été entamée. Et encore trois ans plus tard, le nouveau premier ministre assurait que serait bientôt prêt… le projet de réservoir. Ils n’ont même pas pu achever la phase de conception en six ans !

Mais la principale horreur dans cette situation est que les conséquences de l’inondation auraient pu être évitées, non pas des mois mais des années avant que la situation actuelle ne se produise. Le Kazakhstan subit des inondations chaque année, mais l’État fait face à chaque nouvelle catastrophe comme si c’était la première fois.


Qui est coupable ?


Le représentant de l’Agence de surveillance financière, Alibek Abdilov, a déclaré lors d’un briefing du service central de communication de la présidence que des enquêtes sont déjà en cours contre trois entrepreneurs sur lesquels l’État a fait reposer la responsabilité de la protection de la population contre les inondations. Et comment se sont-ils débrouillés ?

Lors de l’inspection d’un barrage de rétention des coulées de boue dans le bassin de l’Aksai, il a été découvert qu’un entrepreneur privé n’avait pas effectué les travaux nécessaires à la construction de l’installation. Il avait ainsi exposé 30 000 habitants à un danger en cas d’inondation. Des personnes à qui l’État a confié la vie de dizaines de milliers de personnes, au lieu d’en confier la responsabilité à des agences gouvernementales, sont aujourd’hui soupçonnées d’avoir détourné des fonds du budget public à hauteur de 775 millions de tenges (1,6 million d’euros) [ndt].

L’effondrement du barrage de Magadzhan a également entraîné l’inondation de plusieurs villages de la région d’Aktobe, forçant l’évacuation de 215 personnes, dont 96 enfants. Quelle ne fut pas la surprise des fonctionnaires de l’État lorsqu’ils se sont souvenus que le barrage, qui mettait tant de vies en danger, était entre les mains d’une entreprise privée depuis 2014 ? C’était un barrage privatisé. Les habitants des villages touchés ont déjà vu les résultats de la gestion par un grand propriétaire privé. Et maintenant, nous devons nous demander combien d’autres problèmes importants sont également entre les mains d’entreprises privées.

Le même rapport de l’AFM nous donne un nouvel exemple de la qualité de l’interaction entre les entreprises et l’État. Les autorités d’Ulytau ont transféré la responsabilité du nettoyage de la rivière Zhezda au secteur privé – la protection des villages voisins contre les inondations. Les propriétaires privés se sont comportés de manière épouvantable : 26 maisons ont été inondées, 174 personnes ont été évacuées. Mais, bien sûr, cela aurait pu être leur but ultime.
Les chiffres montrent que sur les 485 millions de tenges (1 million d’euros) [ndt] qui leur ont été alloués pour leurs services, les propriétaires privés n’ont même pas achevé des travaux d’une valeur de 282 millions de tenges (600 000 euros) [ndt], alors qu’ils ont déjà été payés 400 millions (845 000 euros) [ndt].

La faute au capitalisme


Voilà le visage de la bourgeoisie nationale que le « respecté » président appelait de ses vœux. Et voici les résultats de la confiance et de l’espoir des fonctionnaires d’État dans la classe capitaliste : des destructions et des vies perdues. Quand ces messieurs les « dirigeants » cesseront-ils de se soumettre à la classe riche et feront-ils en sorte que l’État lui-même assume la responsabilité de la sécurité de ses citoyens ? Le pouvoir doit être retiré des griffes des riches et remis entre les mains des travailleurs.

Pourquoi le contraire se produit-il ? Pourquoi accepte-t-on que l’État s’occupe des conséquences des catastrophes plutôt que de minimiser les dégâts qu’elles peuvent causer ? Quelle est la raison de l’incapacité criminelle de l’État à se préparer ?

La seule façon de minimiser les dégâts causés par les catastrophes « naturelles » est de déplacer massivement les populations des zones inondables et autres zones dangereuses. Les autorités publiques et les politiciens capitalistes le savent très bien. Mais cela coûte beaucoup d’argent. La préparation de réservoirs et d’autres installations d’évacuation de l’eau nécessite également des fonds.L’État bourgeois dépend de l’investissement des capitalistes dans la construction de tout, qu’il s’agisse de réservoirs ou de maisons. Et les capitalistes n’investiront pas dans quelque chose qui n’offre pas un profit garanti, même si le prix à payer sont des vies humaines. Quel capitaliste investirait dans le déplacement de villes entières pour les mettre en sécurité ? Qu’est-ce qu’il y gagnerait ?

Dans une économie de marché, il est impossible de faire quoi que ce soit qui nécessite des mesures de planification centralisées. Même si les conséquences des catastrophes ne sont pas moins coûteuses, il n’est pas rentable d’investir dans des mesures à forte intensité de capital pour prévenir les catastrophes. C’est pourquoi cela est impossible sous le capitalisme et montre à quel point la lutte pour la propriété de l’État avec un contrôle et une gestion démocratiques par les travailleurs est vitale.