Jean-Pierre Chevènement : à la recherche d’un nouveau miracle !

Il a continué à multiplier les petites phrases qui sont censées lui servir de programme. Quand il a été au Forum social de Porto Alègre, il n’a pas manqué de faire remarquer à Fabius qui se rendait à New York pour le forum des grands financiers, patrons et spéculateur, ce que cela signifiait en terme de divergences de fond sur la politique envisagée.

Article paru dans l’Egalité n°94

Car Chevènement est capable de les inquiéter tous à tel point que de nombreux sondages l’intègrent dans leurs questions en même temps que les deux principaux, Chirac et Jospin.

Même si son score s’érode un peu du fait de l’entrée en course des deux « grands », il peut rebondir notamment au fur et à mesure que Chirac perdra des voix .

Son électorat est plutôt encore à gauche, ce qui le fait dire à l’adresse de Jospin « je ne regarde pas vers une résignation à la mondialisation libérale sous prétexte que ce serait moderne » (RTL, 24/02). Son arrivée à Porto Alègre a été accompagnée de la revendication de l’abrogation du Fonds Monétaire International, celui-là même qui exige des politique ultra libérale des pays du « tiers-monde ». Bien évidemment, il ne l’a pas redit depuis, et on ne devrait guère manquer de lui rappeler qu’il a été dans de nombreux gouvernements sans jamais défendre cette revendication.

Est-il de gauche ou de droite ?

L’électorat de Chevènement est un électorat inquiet. Petits patrons, cadres, artisans, profs etc. tous ces secteurs qui aspirent à une République jacobine, protectrice, égalitaire quelque part en tout cas équitable à un certain degré. Sur la Corse, c’est le refus d’accorder un privilège aux bandes mafieuses qui prennent le nom de nationalistes, c’est également le refus d’accorder un statut séparé à une population plutôt qu’à une autre. Bien évidemment, le fait que cette île soit utilisée comme une terre vouée quasi uniquement au tourisme par cette fameuse république échappe un peu aux supporters de Chevènement mais pas à ce dernier, mais il ne vous le dira pas.

L’école, les valeurs républicaines etc. sont autant de terrains et de sujets que Chevènement tente de prendre à son compte au moment ou la structure juridique issue du 19ème siècle et consolidée sous la Vème république est mise à mal par la construction de l’Union européenne. Le rétrécissement du pouvoir des communes et des conseils généraux (sorte d’acquis de la Révolution française) inquiète plus d’un notable local ou d’un membre des classes moyennes. Pour les chômeurs, les « simples travailleurs », les exclus cela ne changera pas grand chose excepté peut être sur la question de l’école.

Celle-ci de plus en plus inégalitaire, soumise comme la société aux dégâts sociaux de 30 ans de crise et de chômage massif concentre beaucoup des problèmes de la société : violence, désarroi face l’incapacité de régler certains problèmes sociaux graves (montée de l’illettrisme notamment)… Dès lors, les discours abstraits sur le retour aux valeurs peut fonctionner à plein. Ça ne mange pas de pain, ça ne coûte rien en terme budgétaire, et pour qu’on se rende compte que ça ne marche pas il faudra quelques années. Certes Chevènement est un nouveau Bonaparte, qui a fait Mai 68 et brigue aujourd’hui le pouvoir et entend l’utiliser avec autoritarisme (il déclare notamment qu’il faut un « capitaine » pour la France) tel Clemenceau qui soutint, prudemment, La Commune de Paris et finit comme un des plus dictatoriaux chef de gouvernement de la IIIème république. Chevènement n’a d’ailleurs eu aucun problème a faire la tournée des dictateurs du Maghreb, et notamment le tunisien Ben Ali.

Les forces le soutenant sont hétéroclites allant d’anciens de la LCR (Morvan) à des pasquaïens notoires (Abitbol) en passant par des radicaux comme Zuccharelli. Rien qui ne fasse un parti ou un programme. Et le problème de Chevènement est bien là. Il remplit un vide, et son protectionnisme peut avoir un écho en période de crise mais cela demanderait des mesures audacieuses, un affrontement avec les très grandes multinationales et des pays comme l’Allemagne ou la Grande Bretagne, ce que Chevènement sait, pour avoir été si souvent ministre, non seulement impossible mais même très dangereux. Rien dans ses dix propositions n’est chiffré, en termes courants, cela s’appelle du vent.

Contraint à aller chercher ses voix à droite tout en gardant celles de gauche, la gymnastique sera difficile jusqu’au 21 avril. Mais un gros score peut également lui suffire pour ensuite constituer un label national pour les législatives.

Par Alexandre Rouillard