Robert Hue, Gouverner : un boulet ou une bouées ?

Robert Hue est entré en campagne avec un bilan à défendre et peu de perspectives. Les 5 dernières années ont fortement réduit la place du PCF dans la vie politique française. Loin de nous l’envie de rire ou de hurler avec les loups sur la fin du PCF ! A certains moments comme le 9 juin, journée contre les licenciements, les rangs de militants, dégoûtés précédemment, se sont recomposés dans un sursaut de défense des salariés montrant que les militants cherchent toujours une alternative au marasme politique actuel. Robert Hue rétorque en réaffirmant l’utilité politique du parti dans le gouvernement et au sein de la Gauche Plurielle.

Article paru dans l’Egalité n°94

« Nous avons décidé de ne plus bouder les institutions »

Son bilan est clair : le PCF est responsable en participant au gouvernement mais ne serait pas coupable des soi-disant « dérives » libérales de celui-ci. Il va même plus loin en défendant l’idée que le PCF est le véritable ancrage à gauche de ce gouvernement et des futurs ! Là encore on nous répète combien il a été responsable et raisonnable d’avoir osé être au gouvernement. Faisons un rapide état des lieux. Gayssot a fait passé en douceur les licenciements dans le monde du travail aérien comme Air liberté, AOM ou Air France, il rationalise la SNCF et augmente encore les prix des voyages. Le PCF, par son abstention – tout comme les Verts par leur absence – permet l’adoption du PARE, accepte l’ouverture du capital de France Telecom, Air France et se félicite d’avoir empêché les privatisations ! La politique du moindre mal fait des dégâts ! Certes, Marie-George Buffet s’en sort mieux. Mais combien de MJC ferment chaque année, combien de budgets culturels sont amputés encore, sans aucune action forte du ministère pour imposer des changements radicaux pour la jeunesse ! Ce bilan souligne le rôle essentiel des ministres PCF pour faire passer les attaques masquées de la Gauche Plurielle et ceci est perçu par beaucoup de gens aujourd’hui.

La campagne de Robert HUE : La dénonciation des dérives libérales du PS et de Jospin

R. Hue fustige à maintes reprises les dérives à la Tony Blair de Jospin, les  » renoncements  » du PS et dénonce ses conseillers tels Strauss-Kahn ou Aubry qui pousseraient Jospin sur la droite. Cet axe de bataille est juste, Jospin porte un projet de plus en plus ouvertement social -libéral. Robert Hue pense pouvoir saisir l’espace laissé à gauche, celui de la gauche responsable. Et Gayssot de rajouter, en entendant Jospin déclarer que son projet n’est pas socialiste : « Aïe, à trop vouloir tirer au centre, on s’éloigne de la gauche ! » . Logique et pertinent…. Mais que fait le PCF face à cette politique libérale ? Il essaie de faire du premier tour un vote sanction en représentant : une autre politique à gauche et se fait le défenseur d’un projet à gauche social-démocrate. Il se définit d’ailleurs comme un signal d’alerte à gauche pour le PS, des « empêcheurs de tourner en rond »! Robert Hue attribue aux partis comme le sien le rôle de gouverner, et le rôle important du mouvement social à la rue. Il n’opère plus de liens entre les deux, même s’il y joue un rôle toujours important. Mais il ne représente plus clairement les intérêts du monde du travail avec cette stratégie d’être le candidat de  » la gauche « . Lutte ouvrière avec Arlette Laguiller occupe plus lisiblement cet espace. C’est un changement significatif.

Mais sur quel axe s’ancre alors cette campagne ? La radicalité

Hue, cherchant à incarner la gauche responsable, se veut souvent radical dans ce qu’il propose. Ainsi, à l’annonce par Jospin, sur France 2, qu’il n’est pas tabou d’ouvrir le capital d’EDF et sa déclaration, samedi 2 mars au journal Le Monde : »les nécessités de la compétition industrielle et, l’intérêt des salariés et l’économie française impliquent des stratégies d’alliance pouvant justifier, dans certains cas, des ouvertures du capital », Hue rejette catégoriquement cela pour EDF. Mais déjà des voix internes sont dissonantes : le représentant CGT-énergie, membre du conseil national du PCF, déclare : »si la question se posait pour des raisons industrielles, nous l’examinerions ; la CGT n’a pas de tabous ». Tout cela manque de lisibilité.

« Si les gens pensent que le PS est un parti qui vire à droite, il n’y aucune raison pour qu’ils votent communiste. »

C’est la question essentielle formulée par un proche de Hue dans Libération. Le PCF ne porte aucun projet. Robert Hue propose un « autre type de logique dans la société » ! Pas une autre société, le capitalisme a beau être dénoncé, il n’est pas remis en cause. Un militant affirme d’ailleurs :  » Il faut montrer que nous sommes (le PCF), une véritable force alternative « . L’orientation de Hue n’est pas une alternative de société, mais un projet social-démocrate non un projet socialiste ! Cette alternative socialiste se dégagera avec des salariés, des jeunes, des chômeurs, des militants d’extrême gauche et des militants associatifs; les militants du PCF y ont leur place en dénonçant les politiques patronales et gouvernementales et en rompant avec la direction de leur parti.

Par Leïla Messaoudi