Lionel Jospin : Votez pour nous ! nous sommes « responsables »… de vos conditions de vie et de travail

Jospin affirme par sa candidature sa capacité à prendre en moins les responsabilités de l’Etat, et son sérieux face à un président-sortant charlatan comme Chirac. Il se pose en bon gestionnaire. Mais rappelons au passage qu’il a profité dans un grande partie de son mandat d’une période assez favorable économiquement, ce n’est plus le cas aujourd’hui !

Article paru dans l’Egalité n°94

Jospin a travaillé et travaillera pour mettre en œuvre sa politique. Mais dans quel sens va son programme politique ? Quand il dément être un socialiste orthodoxe, il l’a volontiers prouvé ! Mais quand il se défend d’être de l’option social-libérale, nous vérifions ! Décortiquons ses 5 engagements : une France active, une France sûre, une France moderne, juste et forte. Soit ! Que se cache t-il derrière ces grands mots ?

Jospin affiche le bilan du gouvernement de la Gauche plurielle pendant 5 ans pour avancer son programme électoral. Le bilan des 5 ans de Gauche plurielle est très favorable au patronat avec la précieuse aide gouvernementale : Lois Aubry, licenciements, réduction et rationalisation des services publics et surtout une précarisation accrue de l’emploi : dans le privé, avec le développement de l’intérim, des temps partiels imposés, la généralisation du travail de nuit…Dans le public, sous couvert de créations d’emplois, la multiplication des emplois-jeunes et autres CDD, vacataires et contractuels.

Epargne salariale collective privée, ouverture du capital d’EDF : des mesures économiques libérales

Pour avancer son programme en matière économique, Jospin se tourne vers une entrée du financement privé dans de plus en plus de services publics. EDF et la Poste sont en ligne de mire après France Telecom et Air France. Certes les plus libéraux continuent de hurler car il ne s’agit pas clairement de véritables privatisation mais pour les usagers cela entraîne moins de bureaux pour les accueillir, des tarifs exorbitants, des suppressions de poste et une précarité du travail accrue pour les salariés. En somme c’est bonnet blanc et blanc bonnet !

Au sujet des retraites, c’est la même logique : on n’affronte pas de plein fouet les salariés et les usagers mais on propose un « troisième étage aux retraites », après la retraite par répartition, les complémentaires, on ajoute l’épargne salariale collective. Il s’agit de s’adapter aux nécessités d’introduire les fonds de pension au sein de l’Union européenne en autorisant des versements au privé mais avec l’aval des partenaires sociaux. Le syndicalisme salarié et son poids faiblissant s’engage déjà dans ce processus désastreux ouvrant la brèche aux inégalités pour les futurs retraités. Mais projetons-nous dans les années à venir : la crise économique, la baisse des dépenses sociales dans le budget des Etats européens amèneraient cette épargne salariale à grandir les autres cotisations défaillant ! La spécificité française revendiquée par Jospin ne tiendra pas bien longtemps ! C’est peut-être cela la France moderne ?

La sécurité : « un objectif primordial ! »

Jospin reprend à son compte la question de l’insécurité. Il dénonce cette dernière comme la « première des insécurités ». Il affirme pouvoir manier la prévention et la répression et propose un ministère de la Sécurité publique rattaché directement au premier ministre. Il a à son actif la loi de sécurité quotidienne et propose un pacte de confiance avec la jeunesse. Cette dernière est tout de suite dans la ligne de mire, cette jeunesse des banlieues, sans boulot, sans perspective de vie que la merde ou la « mafia locale » ! On propose d’éduquer les parents : école des parents. Bien sûr le candidat fait le lien avec les conditions de vie, mais pas une seule proposition contre le chômage de ces mêmes parents, sur les budgets scolaires, éducatifs, sociaux et associatifs ! La répression et la culpabilisation individuelle : des thèmes finalement bien libéraux, non ? Certes, c’est une France plus sûre mais pour les intérêts privés, pour les biens privés mais qu’en est-il des personnes, des salariés, des chômeurs et des jeunes ?

La précarité dans le travail avec les « compte-formation » Jospin propose que chaque français se voit attribuer un compte qui serait crédité de jours-formation, accordés par l’employeur en fonction du nombre d’années de présence dans l’entreprise. L’idée a l’air louable, face au chômage, il faut se former tout au long de sa vie. Là encore, la mesure cache une attaque : il s’agit d’introduire l’idée que notre éducation, notre formation sont insuffisantes et entraînent le chômage de certains salariés. Il n’incombe plus à la société de répondre collectivement à cette question, l’individu est responsable de son inadaptabilité et doit y remédier seul ! De plus, pour financer ce projet, le salarié devra donner des jours de RTT ! Les congés ou la formation : Une France pas si juste !

Il s’agit donc d’une synthèse pour la paix sociale et les volontés patronales que Jospin nous propose, plus de précarité et non son prétendu plein emploi, plus de flicage mais toujours plus de misère sociale et d’écart entre les riches et les pauvres.

Et le parti socialiste dans tout ça ?

Le PS a investi, le 24 février, Jospin comme candidat officiel du parti. François Hollande affirme « même si Lionel échappe déjà au PS, il faut donner une part de symbolique au congrès d’investiture ». La présentation de Jospin est clairement énoncée comme une candidature de synthèse : ce n’est pas une candidature socialiste. Les conséquences pour le Parti socialiste sont de plusieurs ordres. Cette candidature tire le parti socialiste vers un parti de pouvoir, tout comme la droite essaie de le faire avec l’Union en Mouvement. Cependant le parti socialiste est au cœur des forces de cette campagne et les militants s’investissent. Seulement les craintes de militants et de courants plus traditionnels comme les Emmanuellistes se font entendre. Le PS et ses militants ne trouvent que peu de places dans les luttes actuelles (sans-papiers, licenciements…). Aujourd’hui, le parti socialiste n’avance pas de programme de société et arbore le pragmatisme comme programme parmi les dirigeants plus jeunes. Cependant, ce pragmatisme cache un programme politique celui d’une société capitaliste, inhumaine et injuste.

Par Leïla Messaoudi