Madagascar : faut-il être pessimiste ?

Officiellement, aucun des deux candidats n’a eu la majorité au premier tour des élections présidentielles du 16 décembre 2001, Marc Ravalomana menant devant le président sortant Didier Ratsiraka par 46,21% de suffrages contre 40,79%, ce qui nécessite un second tour.

Article paru dans l’Egalité n°94

Cependant M. Ravalomana conteste les résultats, exige leur vérification puis refuse un second tour en dépit des pressions diplomatiques dont celles de l’O.U.A (Organisation de l’unité africaine) et de l’ONU et s’autoproclame président, affirmant qu’il y a eu fraude électorale et se targuant de 53 % des voix.

Antananarivo, la capitale, est paralysée par la grève générale et les manifestations quotidiennes des partisans du président autoproclamé et par le blocus décidé par le président sortant qui, de plus, riposte en instaurant l’état d’urgence qui autorise toutes les mesures d’exception.

Pas question pour nous d’avoir une préférence d’autant plus que nous ne soutenons pas les régimes présidentiels. L’un, D. Ratsiraka, élu président une première fois en 1975, ancien capitaine de corvette de la marine française, devenu « l’amiral rouge », osant se réclamer du marxisme avec son parti présidentiel l’AREMA – en fait très hétérogène – a favorisé la corruption et a laissé peu à peu s’installer la misère. Longtemps soutenu par le PS, aidé par un conseiller en image proche de M. Rocard, il n’avait pourtant pas hésité lors d’un précédent mandat en 1991 à faire tirer sur la foule.

L’autre, M. Ravalomana, homme d’affaires devenu le roi du yaourt, maire de la capitale depuis deux ans, s’appuie sur le soutien des églises chrétiennes, vice-président lui-même d’une des églises protestantes les plus influentes, partisan des investissements étrangers et des initiatives privées, semble un démagogue qui décevra très vite les travailleurs pendant que les gros possédants locaux continueront à se réserver les bénéfices de la libéralisation.

Le tableau économique et social de la Grande Île est devenu catastrophique : on estime à 120 ‰ le taux de mortalité infantile (en France, 7,6 ‰) ce qui est un indice sûr de la misère. Les routes et les voies de chemin de fer sont délabrées, les pistes défoncées, l’électricité et l’eau courante manquent dans presque tous les villages et l’autosuffisance en riz n’est plus assurée à tel point que la disette règne dans les régions méridionales. Pourtant la croissance est de 6,7% mais elle est due à la création des zones franches industrielles, assorties de leurs avantages fiscaux et fournissant 70 % des exportations manufacturées. C’est d’ailleurs le secteur textile qui prédomine, en particulier avec la firme (étasunienne) Gap. L’annulation de la dette envers la France sous Mitterrand n’a eu que peu d’effets par rapport aux mesures d’austérité du FMI assorties des privatisations du secteur d’Etat synonymes de chômage pour tout un prolétariat. La situation est d’autant plus noire que les mouvements progressistes ont été laminés depuis 20 ans.

Par MNL