Chaque jour, là-bas est devenu affreusement banal avec ses jeunes martyrs palestiniens, ses victimes israéliennes et l’arsenal des représailles : missiles, mitrailleuses lourdes, chasseurs bombardiers F16, hélicoptères Apaches tandis que les chars continuent de bloquer Yasser Arafat à Ramallah.
Article paru dans l’Egalité n°94
L’assassin d’Itzhak Rabin savait assurément qu’il mettrait fin à l’ouverture d’une véritable négociation de paix, si imparfaits que fussent les accords d’Oslo de septembre 1993. Les premiers ministres successeurs étaient bien décidés à n’appliquer que la partie favorable à la poursuite de la domination coloniale par une lecture sélective des résolutions de l’ONU. À ce propos, Leïla Shahid, déléguée de la Palestine en France, avait dénoncé, en 1993, la rédaction anglaise de la résolution 242 qui parle de « retrait de territoires occupés » (« withdrawal of occupied territories ») alors que le texte français dit « retrait des territoires », ce des étant un article défini qui n’existe pas en anglais. Ainsi il n’était plus question des négociations qui en 1998 auraient dû porter sur le tracé des frontières, les colonies israéliennes, le retour des réfugiés et Jérusalem.
Les territoires sont devenus pires que les bantoustans de l’Afrique du Sud sous le régime d’apartheid, qu’ils soient dans la zone A sous administration directe de l’Autorité palestinienne , dans la zone B administrée par elle mais sous contrôle israélien, ou dans la zone C entièrement israélienne : routes et autoroutes spéciales, points de contrôle, interdictions de circuler donc d’aller travailler, couvre-feu, infrastructures financées par l’U.E. détruites, terres ravagées, éventrées avec leurs champs dévastés et leurs oliviers déracinés. Les territoires sont devenus des ruines parmi lesquelles grandissent des filles et des garçons prêts à se sacrifier pour la « liberté ».
Les travaillistes, complices des crimes de guerre
Soutenu par l’administration Bush qui rend responsable l’Autorité palestinienne de l’escalade de la violence, Ariel Sharon prend sa revanche sur l’opprobre d’avoir été l’instigateur des massacres de Sabra et Chatila en septembre 1982. Comme tout occupant colonial, il présente le conflit qui l’oppose au mouvement national palestinien comme une lutte contre le terrorisme. Pour lui , Yasser Arafat est un terroriste comme Ben Laden qu’il faut mettre « hors-jeu » et il tient pour négligeables les arrestations opérées dans les principales organisations radicales palestiniennes et les condamnations des attentats contre les civils israéliens.
Que peut-on attendre des travaillistes dans le gouvernement de coalition nationale inféodé à l’extrême -droite ? Le nouveau chef du parti travailliste, le ministre de la défense Ben Eliezer n’a jamais émis la moindre critique contre les iniquités de la guerre. Quant à Shimon Pérès, ministre des affaires étrangères, il est utilisé habilement pour véhiculer la bonne image d’Israël en étant chargé de maintenir indéfiniment les contacts avec les Palestiniens tout en acceptant une pression militaire accrue. D’un côté, le 13 février 2002 Shimon Pérès propose un nouveau plan de paix fondé sur la reconnaissance immédiate d’un État palestinien afin de rendre possible les négociations sur la base des résolutions 242 et 338 de l’ONU ; ainsi, la direction palestinienne pourrait proclamer la fin de l’Intifada sans être accusée de capitulation. De l’autre, le 21 février, Ariel Sharon expose son projet de zones-tampons, pour protéger les Israéliens « où qu’ils vivent ». Donc, si on comprend le sens des mot, non seulement le long des frontières de 1967, mais autour de chaque colonie à l’intérieur des territoires.
L’Arabie Saoudite entre en scène
t maintenant, voici le scoop ! Le prince héritier saoudien Abdallah évoque une normalisation entre les pays arabes et Israël aux conditions de retrait de tous les territoires occupés y compris Jérusalem. On peut imaginer la satisfaction du gouvernement Bush qui verrait le gouvernement saoudien se blanchir ainsi du soutien aux intégrismes islamiques tout en influençant le Hamas (le mouvement de résistance islamique est largement financé par les donateurs saoudiens depuis sa création en 1987).
Une lueur d’espoir
Beaucoup plus porteurs d’espoir nous paraissent le réveil des pacifistes, bien visible dans leur manifestation du 16 février réclamant la fin de l’occupation, et le refus des réservistes de servir dans les territoires. « Nous déclarons que nous ne prendrons plus part à la guerre engagée pour la sécurité des colonies… avec pour mission d’occuper, de déporter, de détruire, de bloquer, de tuer, d’affamer et d’humilier tout un peuple ». Comme du temps de notre guerre d’Algérie, les signes se multiplient des partisans de la paix qu’on croyait réduits au silence. Face aux colons qui réclament la guerre aux Arabes et leur expulsion, de plus en plus nombreux sont ceux qui dénoncent les crimes d’une guerre coloniale, le terrorisme d’État et les « assassinats ciblés ». « Israël sera jugé par l’Histoire et peut-être encore avant à La Haye » a déclaré un ancien conseiller du gouvernement Rabin.
L’espoir peut aussi venir des pays occidentaux. Depuis quelques mois, des missions civiles de soutien au peuple palestinien partent d’Europe. Elles permettent de s’opposer à la politique répressive du gouvernement israélien concrètement en s’opposant sur le terrain au contrôle abusif aux niveau des check-points, de permettant la réouverture des écoles et universités palestiniennes, aux bouclages des territoires autonomes… Elles devront aussi faire en sorte que le mouvements ouvrier israélien et que le mouvement ouvrier palestinien travaillent ensemble afin que chacune prennent pleinement conscience que c’est en se débarrassant de leur direction nationaliste que la paix pourra revenir.
Cette évolution va peut-être permettre aux mouvements anti-impérialistes en France, de se montrer moins timorés et de se libérer de la pression exercée par la campagne assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme. Celle-ci cherche à saper le mouvement de soutien au peuple palestinien et vise aussi à condamner les jeunes qui manifestent leur solidarité avec la Palestine dans des formes parfois regrettables en l’absence d’un cadre politique (en dehors de ceux d’extrêmes gauches minoritaires) qui les motive contre le capitalisme qui les opprime. En effet, ceux qui hurlent à l’antisémitisme dès qu’on critique Israël ont tout intérêt à faire oublier que la survie du système colonial sioniste est la pièce essentielle de la politique impérialiste au Moyen-Orient.
Par MNL