Après avoir suivi à la lettre les préceptes néo-libéraux du FMI, l’Argentine s’est effondrée dans une crise économique et politique sans précédent. 132 milliards de dollars de dette extérieure (46% du PIB) 20% de la population au chômage et 40% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, et un pouvoir d’achat a été divisé par 2 en 5 ans. C’est sous la dictature (1976-1983) et sous le régime corrompu de Carlos Menem (1989-1999) que le FMI accorde des prêts au gouvernement argentin pour mener une politique « d’ajustements structurels ». Dans le langage du FMI et de la Banque Mondiale, cela signifie, privatisations, baisse des dépenses publiques, licenciement de milliers de fonctionnaires, etc. Résultat, une récession sans précédent, ainsi qu’une augmentation de la misère et du chômage.
Article paru dans l’Egalité n°94
C’est grâce à l’économiste ultra libéral, Domingo Cavallo, déjà présent sous la dictature et largement soutenu par les institutions capitalistes internationales qu’est introduite la parité peso-dollar. Il est à nouveau appelé par le gouvernement De La Rùa, et entame en Juillet 2001, un « méga échange » des titres de la dette pour des titres à plus long terme avec des taux d’intérêts bien plus élevés, puis impose une politique de déficit zéro, qu’il compte atteindre en diminuant de 13% les salaires des fonctionnaires et les retraites. Pour le FMI, cela ne suffit pas et il refuse un nouveau prêt, dès lors, c’est la faillite.
L’annonce de mesures d’austérité jette dans la rue des milliers de gens affamés majoritairement des travailleurs au chômage, qui se ruent dans les supermarchés. Parallèlement le gouvernement interdit aux gens ordinaires de retirer leur argent des banques alors que les dirigeants politiques et les patrons ont déjà envoyé à l’étranger plus de 15 milliards de dollars. La réaction de De La Rùa traitant ces gens d' »ennemis de la république » embrase même les classes moyennes qui descendent dans les rues et organisent des « cacerolazos », des manifestations au rythme du tapage de casseroles. Une forte répression s’ensuit qui verra la mort de 31 manifestants. De la Rùa est poussé à la démission et son successeur, Adolfo Rodriguo Saa, marche sur des œufs. Il suspend le remboursement de la dette pour désamorcer la situation politique. Mais la colère est là.
Une énorme colère, pas une révolution
Les Argentins ont multiplié les manifestations et rassemblements montrant ainsi leur rejet du modèle économique capitaliste. Cependant, ce mouvement est désorganisé. Face à la corruption des partis politiques et des syndicats qui ont accepté tous les plans d’austérité, toutes les attaques contre les travailleurs et les plus pauvres, les argentins ont rejeté en bloc toute tentative de ceux-ci de contrôler le mouvement de colère. Seule la CTA (fédération syndicale) a été tolérée. L’organisation du mouvement s’est faite par quartier dans des assemblées dont toutes les décisions étaient votées.
Tout pourrait permettre de définir cette crise comme une période pré-révolutionnaire. La massivité des manifestations, le fait que les classes moyennes se soient jointes au mouvement, les rivalités à l’intérieur même des classes dirigeantes (5 présidents en quelques semaines et aucun qui ne soit capable de maîtriser la situation). La crise a aussi affecté l’appareil d’état, la police et l’armée, qui après la défaite des Malouines ne peuvent plus être utilisés aussi facilement pour réprimer les mouvements sociaux.
Cependant, ce mouvement de colère et de haine de la classe politique et du système qu’elle développe ne s’est pas transformé en volonté de renverser le capitalisme, ses institutions et ses représentants. Cela est dû à plusieurs facteurs. D’une part, le manque d’un parti ouvrier indépendant par rapport à classe dirigeante et influent dans la population. D’autre part les stigmates du péronisme sont toujours là. D’où l’espoir dans le fait que tous les péronistes ne sont pas corrompus, et qu’il est possible d’aménager le capitalisme dans un système qui ménage les intérêts des travailleurs et des classes dirigeantes. Mais les nouvelles réformes à la sauce péroniste de Duhalde (désigné jusqu’en 2003) ne sortiront pas l’Argentine de la crise.
Construire une alternative socialiste au capitalisme
L’exemple argentin montre l’importance d’un parti des travailleurs indépendant et qui se batte pour le renversement du capitalisme. C’est à cela que doit s’atteler la classe ouvrière argentine pour sortir de cette situation. Parallèlement il faut développer des luttes pour la formation d’une assemblée constituante. Il faut aussi s’attaquer au problème de la pauvreté et de la faim. Mais cela doit se faire par les travailleurs de façon indépendante sans aucune confiance ni illusion dans le gouvernement Duhalde. Par la formation de comités de lutte démocratiques, formés de travailleurs, de jeunes, de chômeurs, de petits commerçants qui organiseraient la distribution de nourriture. De tels comités de lute devraient aussi enquêter sur la corruption du système politique et économique. De tels comités, reliés nationalement formeraient un gouvernement des travailleurs et de tous les exploités qui établirait un programme d’urgence pour donner du travail aux gens et construire les structures sociales dont la classe ouvrière a besoin (hôpitaux, écoles, logements…).
Les taux d’intérêts et les dettes des petits et moyens épargnants devraient être annulées. Un salaire minimum et la réduction du temps de travail à 35 heures devrait être introduits. Enfin, l’introduction d’un plan de production socialiste devrait être décidé, basé sur la nationalisation des banques et des grandes entreprises sous le contrôle des travailleurs.
Si de telles mesures ne sont pas prises, cela peut laisser la porte ouverte à la prise du pouvoir par l’armée, ou un autre populiste à la Peron.
Par Virgnie Prégny