Palestine : les vautours font ripailles

Le 26 juin dernier Ariel Sharon en visite aux Etats-Unis, a déclaré que la ville de Jérusalem « unifiée et indivisible ferait pour toujours partie de l’Etat d’Israël ».

Article paru dans l’Egalité n°88

Il est facile de voir ce qui se cache derrière cette affirmation : un renforcement de la politique anti-palestinienne du gouvernement et un net accord avec les partisans de la « hafrada », la séparation entre Israéliens et Palestiniens, par le « transfert » (!) des Arabes d’Israël et des Territoires occupés vers la Jordanie. Ceci correspond d’ailleurs parfaitement à la montée en puissance de la répression israélienne avec le bombardement des villes de Ramallah et Naplouse par les F16 israéliens, les raids meurtriers de Tsahal à l’intérieur des territoires palestiniens, la politique des « assassinats ciblés » d’activistes palestiniens et les seize Palestiniens tués depuis la déclaration de la trêve le treize juin.

Ceci n’est pas pour arranger les Occidentaux, américains et européens, qui œuvrent au respect du couvre-feu et à l’acceptation par les deux camps du rapport Mitchell (préconisant d’une part un gel du développement des colonies juives de peuplement en Cisjordanie et à Gaza et d’autre part l’arrestation de terroristes palestiniens par l’Autorité palestinienne).

Mais ne nous leurrons pas sur les motivations de ces derniers. Les colombes occidentales de la paix ressemblent plutôt à des vautours qu’à de tendres volatiles, écoutant davantage la sirène du profit et des intérêts politico-économiques que la douce mélodie de l’abnégation humanitaire. On en avait déjà eu la démonstration avec la guerre du Golfe, on en a une nouvelle illustration avec l’intervention ouverte de la CIA dans la région : les services secrets impérialistes champions de la sauvegarde de la paix au nom de l’humanité. Il faudrait que l’on soit tous devenus amnésiques ou allergiques aux leçons de l’Histoire pour avaler ça !

Au delà de leurs luttes de pouvoir internes (entre Américains et Européens, entre Français et Allemands …) les interventions des impérialistes de tout plumage sont liées à une même optique : assurer la stabilité, préalable à une relance de l’économie capitaliste dans la région. Ainsi, même si l’U.E prétend « nuancer » la perspective pro-israélienne du gouvernement américain, le résultat est le même : s’appuyer sur le régime corrompu d’Arafat et sa police pour réduire au silence la colère d’un peuple et établir un semblant de paix qui satisferait autant les classes dirigeantes des deux parties que les intérêts des impérialistes occidentaux.

Mais la manœuvre est plus que périlleuse pour un Arafat déjà décrédibilisé par la corruption évidente de l’Autorité palestinienne et par le contraste flagrant entre la situation dramatique de l’économie palestinienne qui enfonce la majorité du peuple dans une misère extrême (depuis septembre 2000 l’ensemble des pertes subies par l’économie palestinienne atteint 28 milliards de francs. Les Israéliens auraient arraché 374030 oliviers en territoire palestinien) et l’émergence d’une caste de notables palestiniens qui s’enrichissent grâce au gouvernement palestinien. Le chômage a ainsi quadruplé depuis huit mois dans les territoires palestiniens et dans la bande de Gaza il atteint actuellement 60% de la population. Alors que le régime d’Arafat se caractérise par des détournements de fonds et d’aides, une répression systématique par la police palestinienne de tout élément opposant, la presse censurée, les dirigeants de grève emprisonnés sans procès.

Cette perte de confiance dans l’Autorité palestinienne s’exprime notamment par une influence croissante du Hamas et une augmentation des attentats suicides. Pourtant ce parti islamiste ne saurait constituer une alternative viable. En exacerbant la haine entre les deux religions, il oblitère complètement les réelles causes du conflit, les enjeux économiques et géopolitiques. Au contraire il renforce le jeu des capitalistes en présentant ce conflit comme uniquement religieux et ethnique sans pointer du doigt les capitalistes palestiniens, israéliens et occidentaux. C’est pourtant dans cette dénonciation que réside une véritable alternative. Non seulement parce que les vrais responsables sont les bourgeoisies locales et impérialistes mais surtout parce que les travailleurs israéliens comme palestiniens pâtissent de cette crise et ont donc les mêmes intérêts. Le FMI a récemment revu à la baisse ses prévisions de croissance pour Israël en 2001, le gouvernement israélien multiplie les privatisations et la casse des services publics. Et les grévistes israéliens se voient réprimés par l’Etat avec la même violence employée contre les Palestiniens. L’intérêt de la classe ouvrière israélienne ne réside donc pas dans une union sacrée avec les capitalistes mais dans le développement d’ une solidarité des jeunes et travailleurs israéliens et palestiniens.

Une paix véritable et durable ne peut voir le jour qu’à travers l’action des classes ouvrières unies des pays de la région, en démasquant et renversant tous les agents de la guerre et du capitalisme.

“Unité des travailleurs palestiniens et israéliens contre leurs oppresseurs palestiniens, israéliens ou occidentaux !”

Par Giovanni Lodoli