LO-LCR : vers une union pour les élections ?

L’année 2004 sera celle du ras-le-bol antigouvernemental. La presse annonce qu’il peut y avoir une surprise « extrême-gauche », que des listes de Lutte Ouvrière ou de la LCR pourraient être un barrage à la prise de régions par le PS, que ces organisations sont dangereuses…

Article paru dans l’Egalité n°103

Plus le rejet des politiques au service du patronat est fort, plus la question d’une véritable alternative à ces politiques est forte. Les luttes sociales du printemps 2003 ont posé vivement la question de l’alternative politique pour stopper la politique anti-ouvrière. A nouveau, l’extrême-gauche traditionnelle (LO-LCR) se confronte à la nécessité d’apporter des réponses. Les élections européennes et régionales à venir accélèrent les débats au sein des organisations pour répondre à ce ras-le-bol. Dans ce contexte, on a le sentiment que ces organisations révolutionnaires subissent plus le vide politique laissé chez les travailleurs par le passage du PS dans le camp de la bourgeoisie qu’elles ne l’utilisent pour convaincre qu’un autre monde est nécessaire, authentiquement socialiste.

Avril 2002- mai 2003 : des coups d’épée dans l’eau !

Lors des mobilisations qui ont suivi en avril 2002, LO et la LCR se sont opposées, l’une appelant tardivement à voter blanc en refusant de s’engager dans la mobilisation contre Le Pen, l’autre appelant à « battre Le Pen dans la rue et dans les urnes » (voir Egalité n° 96 – n°97).. Ne cherchant pas à proposer une initiative commune à l’adresse de leurs électeurs sur des bases anticapitalistes l’impact de leur succès de 10% des voix a été amoindri. Le rejet de la gauche plurielle et de sa politique patronale et antisociale n’a été retenu qu’à travers l’abstention élevée et pire le score de Le Pen !

Les salariés ont repris les luttes pour tenter de riposter aux attaques dès 2003. De fait, ceci a été comme une seconde chance pour l’extrême gauche, dans de meilleures conditions, celles de la lutte contre Raffarin, de poser la perspective de l’alternative politique. Là encore, l’extrême gauche n’a pas saisi l’opportunité, proposant au mieux des manifestations et aucune structuration politique. A l’échelle de LO et de la LCR, il ne s’agit que d’occasions manquées. Pour les salariés, l’effet est plus désastreux : aucune début d’alternative n’est dessinée par ceux qui se déclarent révolutionnaires.

Automne 2003 : des débats stériles

La pseudo-agitation médiatique autour de l’extrême-gauche souligne de manière plus exacerbée la situation politique née après les élections d’avril 2002. Depuis, les organisations d’extrême-gauche tentent de se repositionner dans cette nouvelle situation, non sans mal. LO et la LCR mènent des discussions électorales sur les possibilités de listes communes. Mais à force d’occasions manquées, elles y ont laissé des plumes et les débats sont d’un niveau affligeant. LO et la LCR se renvoient la balle du sectarisme et de l’opportunisme laissant le programme et les revendications anticapitalistes au second plan. Alors pourquoi continuent-elles à discuter ? Seules, leurs chances de succès électoraux sont moindres. Mais la demande d’unité est forte chez certains sympathisants et militants. Nous sommes favorables à cette unité mais les expériences passées en ont refroidi plus d’un (unité LO-LCR aux européennes de 99 arrêtée sitôt les élus obtenus ).

Si la campagne est ouverte aux travailleurs en lutte, à tous ceux qui cherchent à lutter au quotidien, s’il s’agit de faire avancer une partie, même minoritaire des travailleurs, vers l’indépendance politique face à ceux qui défendent l’intérêt des patrons, l’unité de l’extrême-gauche aura un intérêt pour les travailleurs. Sinon, il faut dire que c’est inutile, de telles listes restant sans lendemain.

Pour que cette unité soit valable, il faut se poser les bonnes questions. A propos de l’alternative: de quoi ont besoin les travailleurs et les jeunes pour lutter et gagner ? Comment renforcer l’organisation indépendante des travailleurs, comment avancer une perspective anticapitaliste dans le contexte actuel ? C’est à dire quels pas faire vers un parti qui se batte pour l’alternative authentiquement socialiste et révolutionnaire.

LO- LCR, à quoi pourrait servir leur unité ?

A propos des campagnes à mener, nos désaccords sont nombreux avec ces deux organisations. LO se cantonne dans une dénonciation de Raffarin et de l’ex-gauche plurielle, sans rien proposer. La LCR oscille entre sa mise en avant comme petit parti lors des manifs et l’interpellation de la direction du PS pour lutter contre la droite oubliant ainsi les 5 années de casse libérale de Jospin et leur intégration totale au système capitaliste.

Il faut discuter et proposer au plus grand nombre des revendications à défendre aujourd’hui et lors des élections. La question d’une présence électorale se pose en lien avec la dynamique des mobilisations depuis un an et demi . Comment savoir si des travailleurs sont prêts à s’organiser pour lutter et gagner, à construire ce parti que LO et la LCR appellent de leurs voeux si on ne leur pose pas la question, si l’on ne leur propose aucune campagne dans ce sens ! Que se passera-t-il si certains travailleurs se posent la question de listes indépendantes aux élections ? Devront-ils être estampillés LO ou LCR 100% à gauche pour être intéressants ?

Un rassemblement large sur un programme anticapitaliste serait possible. Aujourd’hui, cette force permettrait que chacun puisse agir, retrouver confiance dans la capacité des travailleurs et des jeunes à lutter et à gagner et débattre de la perspective socialiste. Certainement organisé sous une forme fédérative dans le contexte actuel, ce serait aussi un cadre dans lequel chaque courant ou militants inorganisés pourraient s’exprimer. Ce cadre ne serait pas le parti nécessaire pour gagner contre les gouvernements au service des capitalistes et aller vers le socialisme, mais serait un premier pas.

Par Leïla Messaoudi