Des luttes d’aujourd’hui au socialisme

Les luttes et grèves de Mai et Juin ont sans aucun doute secoué les classes dirigeantes, et les ont poussés à des concessions minimes (report de la loi de décentralisation et des attaques sur la sécurité sociale…). Cependant cela ne les a pas encore forcés à revoir complètement leur plan d’attaques.

Article paru dans l’Egalité n°103

Raffarin veut donner l’impression que, contrairement à 95, il n’a pas l’intention de céder. On a aussi vu la même chose en Italie, en Espagne ou en Autriche, où l’énorme succès des grèves générales de 24 h n’ a pas encore fait plier les gouvernements de ces pays. Dans ces conditions deux situations sont possibles. Soit un mouvement de grève repart rapidement avec des actions déterminées et plus larges qu’en Mai (par exemple une journée nationale de grève générale interprofessionnelle); soit les luttes se réduisent pour une période plus ou moins longue et reprendront peut-être plus tard. L’attitude des directions syndicales, qui traînent les pieds pour appeler à des actions fortes, laissent penser que l’on est plutôt dans la deuxième situation. en l’état des choses ils se refusent à appeler même à une seule journée de grève générale car ils ont peur de se retrouver dans la situation de Mai 68, où les travailleurs avaient continué la grève contre leur avis.

Tout cela pose la question suivante : quelles actions peuvent vraiment battre les attaques des patrons et du gouvernement ? Dans des pays comme l’Espagne ou l’Italie qui ont connu de grosses journées de grève générales cette année, l’objectif est d’étendre ces 24 h de grève à 48h pour préparer le terrain à une grève générale illimitée. En France cette question est aussi à l’ordre du jour. Comme nous le disions dans le bilan de la grève (Egalité n°102 ; juillet août) le mouvement de mai-juin a eu comme principale limite de ne pas s’adresser suffisamment aux travailleurs du secteur privé. Tout le travail d’explication et de conviction des travailleurs du privé reste encore à faire car on ne peut pas compter sur les directions syndicales pour le faire. Pour cela, les structures de lutte comme les assemblées générales de secteur et les assemblées générales interprofessionnelles (mises en place principalement à partir de l’éducation) doivent s’élargir et continuer de se réunir pour organiser les actions et luttes à venir. Elles doivent servir, par exemple, à réfléchir aux meilleurs moyens d’action, organiser la solidarité entre les secteurs en lutte (intermittents, grève contre les plans de licenciements dans le privé ou les suppressions de poste dans le public, luttes pour des augmentations de salaires ou de meilleures conditions de travail…) C’est comme cela que l’on posera les bases d’une grève générale illimitée, seul moyen aujourd’hui pour faire céder le gouvernement et le patronat.

Si la première bataille à gagner est de faire reculer le gouvernement sur les attaques, nous devons être conscients qu’une telle victoire devra ouvrir la voie à d’autres luttes. En effet, le 20ème siècle est émaillé de luttes qui tantôt ont permis des avancées sociales pour la classe ouvrière et à d’autres moments se sont soldés par des reculs. Les classes dirigeantes avancent toujours dans le même sens : attaquer au maximum les conditions de vie des travailleurs pour engranger toujours plus de profits. Chaque fois qu’ils sont forcés de reculer ils cherchent un moyen de reprendre par un autre moyen ce qu’ils avaient accordé. On le voit aujourd’hui avec la loi Aubry qui, loin d’avoir amélioré les conditions de travail, a servi à introduire plus de flexibilité, le gel des salaires et surtout la casse des conventions collectives. Il en va de même pour les retraites, la sécu, l’éducation …Alors, si on n’en finit avec le gouvernement Raffarin, qu’est-ce qu’on met à la place ? La gauche plurielle ? On a déjà vu ce que cela donnait !

Nous ne sommes pas sûrs de gagner, mais si nous ne nous battons pas, nous sommes sûrs de perdre !

Il n’y a pas de solution mathématique toute prête, mais une chose est sûre : c’est dans les luttes que cette alternative verra le jour. Une grève générale de 24h serait un premier pas qui nous permettrait de nous rendre compte de la force de la classe ouvrière quand elle est unie et serait aussi une pression énorme pour les directions des syndicats. De telles mobilisations doivent se faire sur des slogans déterminés et précis qui ne laissent aucune illusion, ni sur les classes dirigeantes quel qu’elles soient, ni sur le système capitaliste.

Dans cette situation, l’extrême gauche (LO-LCR) ne semble pas vouloir répondre à ces questionnements. Souvent elle saute du coq à l’âne entre les luttes actuelles et le but des révolutionnaires de renverser le système capitaliste, sans volonté de proposer concrètement les moyens de rompre avec le capitalisme. Pourtant, démontrer la validité du projet socialiste est possible et urgent. Par exemple, demander aujourd’hui une loi d’interdiction des licenciements, c’est faire croire que le gouvernement et les patrons pourraient accepter de s’auto limiter. Et pire encore, c’est faire croire que c’est au parlement ou dans les couloir des ministères que les avancées sociales se gagnent, alors que l’histoire du mouvement ouvrier démontre le contraire.

Pour empêcher les licenciements c’est une lutte de tous les salariés qu’il faudra (qu’ils soient menacés ou pas par un plan de licenciement). Les gouvernements capitalistes appliqueront toujours des politiques capitalistes et on ne peut pas s’attendre à ce qu’ils changent. Il y a deux intérêts opposés et inconciliables dans la société capitaliste : ceux des travailleurs et ceux du patronat et des gouvernements à son service.

Seul un gouvernement ouvrier socialiste pourrait mener une politique en faveur des travailleurs, qui serait sous le contrôle direct et démocratique des travailleurs. Par exemple ses membres seraient révocables, et pourraient donc être exclus s’ils ne faisaient pas la politique pour laquelle ils ont été élus. Un tel gouvernement organiserait la transition vers une société socialiste, en organisant le contrôle de l’économie de façon démocratique par les travailleurs eux-mêmes, en expropriant les patrons et les actionnaires, en nationalisant les entreprises…

Poser la question de l’alternative en terme de gouvernement, pose à son tour la question de quel parti pourrait se battre pour un tel gouvernement ou pourrait le constituer. Si un tel parti n’existe pas encore aujourd’hui, sa création pourra se réaliser dans les luttes. Nous devons en poser les bases dans nos luttes, par une organisation réellement démocratique des luttes par les grévistes eux-mêmes; qui définissent des slogans précis et sans concessions, qui unissent les travailleurs.

Aujourd’hui plus que jamais nous ne pouvons compter que sur nos luttes !

Par Virginie Prégny