En 1995, après une campagne dynamique qui avait drainé des dizaines de milliers de personnes dans ses meetings, Arlette, au soir du premier tour, annonçait, à la surprise de ses proches sympathisants et de ses militants de base, qu’il était temps qu’existe un parti qui défende réellement les intérêts des travailleurs.
Article paru dans l’Egalité n°94
N’ayant absolument pas préparé cela pendant la campagne électorale et ne faisant pas de réelle campagne nationale là dessus, LO eut une affluence modeste à ses réunions d’après campagne, dans lesquelles les militants n’avaient guère à proposer que de se revoir. Pas de cadres, de comités ou toute autre structure qui aurait permis ne serait-ce qu’à 1% des 1,6 millions d’électeurs de s’investir.
Cela s’appelle une occasion gâchée. Quelques mois plus tard, 2 millions de grévistes rejetaient le plan Juppé de casse de la sécurité sociale. LO écrivit en bilan de ce mouvement qu’il ne traduisait pas un renouveau de la combativité ouvrière et que le mouvement était surtout le fait des directions syndicales qui avaient « bien fait leur travail ». Alors que ce « travail » avait été, nationalement en tout cas, d’empêcher l’extension du mouvement dans le secteur privé.
Sur 7 ans, LO maintient des scores au dessus de 5 % et est créditée de plus de 7 pour les présidentielles. La constance d’Arlette, son discours globalement anti-capitaliste, sont payants.
On ne peut guère parler de retour offensif de la classe ouvrière mais une telle constance montre que des choses sont faisables. Des centaines de milliers de travailleurs se reconnaissent dans la dénonciation du capitalisme mais il faudrait également leur montrer la voie pour en finir avec ce système.
Et c’est là où le bilan est plutôt mitigé.
Les grand partis ouvriers se sont construits dans les luttes et n’ont utilisé les élections que pour appuyer cette construction, et défendre sur de nouveaux terrains ce qu’ils défendaient déjà dans les quartiers populaires et les usines. On a un peu l’impression que LO fait l’inverse, privilégiant les élections. Sa participation aux luttes se fait, quasi invariablement, avec les mêmes revendications, souvent justes dans l’absolu, mais sans utilité immédiate pour la lutte elle même.
LO cherche aujourd’hui à conquérir le terrain laissé vacant par l’écroulement du PCF
C’est ce qui explique sa volonté de rupture avec la LCR, et son cavalier seul permanent dans les élections ou certaines luttes. Complètement absente par exemple de la manif de soutien aux salariés de Mac Do, menant très rarement de bataille syndicale, LO a adapté sa posture électorale dénonciatrice à l’ensemble de ses activités.
Là où l’erreur devient dramatique, c’est que les intérêts des travailleurs exigent aujourd’hui une politique souple et audacieuse visant à rassembler non seulement les » déçus » du PS ou du PCF mais aussi les » enthousiastes » (militants anti-mondialisation et d’autres mouvements sociaux etc.). Souple parce que si à la question « à quand un nouveau parti défendant les travailleurs ? » la réponse est « rejoignez LO », la plupart des gens tourne les talons. Ils ont envie et besoin de cadres dans lesquels ils élaborent eux-même, en en discutant avec d’autres militants et d’autres gens. Audacieuse, car c’est précisément ceux qui sont en lutte, sur des sujets parfois très divers, qui peuvent apporter une énergie nouvelle.
LO ne semble pas vouloir prendre de risques et privilégie sa propre construction. Pourtant il est possible de faire les deux. Et l’énergie que cette organisation passe à essayer d’atteindre l’objectif de 577 candidats pour les législatives fait défaut dans de nombreux endroits.
Pourtant, nombre de voix des militants de la Gauche révolutionnaire iront à Arlette. Car un score important (supérieur au PCF ou aux Verts) créerait un choc, serait un encouragement pour les travailleurs, et le signe que la contestation du système capitaliste est toujours là, prête à s’exprimer dans la rue pour peu qu’on ne la confine pas dans les urnes.
Par Alexandre Rouillard