Les dessous de la CMU

Réduire la fracture sociale, lutter contre les exclusions, autant d’acrobaties pour ne pas parler d’inégalités sociales.

Dissimuler la misère engendrée par le capitalisme tout en affirmant sa volonté de faire reculer la pauvreté grâce à des mesures illusoires, la Gauche Plurielle a démontré son excellence en la matière.

Article paru dans l’Egalité n°94

Pourtant les inégalités ne cessent de croître. La politique sécuritaire et raciste des gouvernements successifs, la réduction des dépenses de santé, la casse du service public, voilà les bases des programmes des présidentiables censées rétablir un état plus juste et plus équitable, comme dirait Jospin.

La prétendue  » restauration du contrat social  » promise par la gauche plurielle est donc clairement destinée à renforcer et à légitimer les attaques menées contre les jeunes et les travailleurs au nom d’un réalisme économique. Réalisme capitaliste serait plus adapté.

Tandis que les licenciements massifs continuaient et que le chômage ne cessait d’augmenter, c’est dans un élan humaniste que Jospin et Aubry ont entrepris leur lutte contre les exclusions.

Couverture Maladie Universelle (CMU), prime pour l’emploi, réformes de la prise en charge du handicap ou de la santé mentale… Toutes ces mesures ont pu donner l’illusion de réelles avancées sociales, à condition d’ignorer les dégradations et les inégalités en matière d’action sociale.

Depuis la loi de décentralisation, l’Etat s’est continuellement désinvesti de l’action sociale, redistribuant cette tâche aux conseils départementaux et régionaux, institutions qui elles-mêmes se déchargent sur les associations privées tout en les maintenant sous contrôle via leur financement. Conséquences : le développement des contrats précaires pour les travailleurs sociaux, dégradation des conditions de travail pour les salariés et d’accueil pour les usagers, aggravation des disparités en matière de réponse sociale d’un département à l’autre. Le dernier gouvernement n’a pas dérogé à la règle.

Pour revenir aux mesures que Jospin aime à qualifier de révolutionnaires – telle une prime dérisoire pour l’emploi au lieu d’augmenter les salaires – la CMU résume assez bien la manipulation médiatique et la perversité du gouvernement. En créant une mutuelle gratuite pour les personnes dont les revenus n’excédaient pas 3600 F. par mois, le gouvernement cherchait soit disant à permettre l’accès aux soins pour tous. Cette mesure visait notamment les jeunes de moins de 25 ans. Et si en effet, la CMU a simplifié les démarches pour obtenir une couverture sociale gratuite, elle a également permis de faire de belles économies. En fixant à 3600 F le plafond de ressource pour bénéficier de la CMU, le gouvernement a fait le choix de supprimer cette couverture pour les allocataires du Minimum Vieillesse ou de l’Allocation Adulte Handicapé (environ 3650 F. par mois), deux catégories de personnes qui ont un besoin régulier de soins.

En ce qui concerne la politique d’immigration, le bilan Jospin/Chevènement n’est pas meilleur. Alors qu’ils devaient faciliter la régularisation des sans-papiers, ou encore améliorer les conditions de vie des demandeurs d’asile durant l’étude de leurs dossiers, on peut s’étonner de voir les centres d’hébergement d’urgence accueillir chaque soir de nombreux demandeurs d’asile, déboutés ou en attente d’une réponse. Sans autre alternative ils se réfugient dans ces centres souvent prévus pour l’accueil des personnes en errance et qui n’offrent pas beaucoup plus qu’un toit pour la nuit. Pourtant chaque soir ces centres affichent complet et les travailleurs sociaux sont forcés de refouler de nombreuses personnes vers la rue, faute de moyens pour répondre aux besoins grandissants en matière d’hébergement.

Jospin et sa politique de lutte contre les exclusions ont fait la preuve qu’il n’est pas possible d’aménager le capitalisme pour le rendre plus humain et atténuer ses conséquences dramatiques pour les populations.

Jospin déclare qu’il doit être réélu pour terminer ses réformes en matière de progrès social. Pourtant son mandat de premier ministre ne lui a servi qu’à attaquer et mettre à mal les dispositifs d’aide sociale.

Par Mélanie Gras