Italie : une victoire de gauche ?

Alors que plus de 80 % des électeurs sont allés voter et que l’on annonçait partout la défaite du « Cavaliere », la victoire de l’alliance centre gauche menée par Prodi a été extrêmement serrée. Pourquoi ?

Article paru dans l’Egalité n°119

L’Italie a été le lieu de fortes luttes de masses, avec au moins cinq grèves générales, contre les privatisations, les coupes budgétaires, les casses des retraites…et également contre la politique corrompue et clientéliste de Berlusconi créant des lois uniquement pour développer ses propres entreprises et échapper encore à la justice.

Les directions syndicales ont toujours préféré négocier quand il n’y avait rien à négocier plutôt que d’arriver à une grève clairement politique. Ceci parce que les forces politiques de « gauche », la Marguerite et l’Olivier attendaient leur retour aux affaires et ne voulaient surtout pas que la classe ouvrière aille trop loin dans ses revendications et se souvienne du bilan du gouvernement de l’Olivier dans les années 1990. La base des jeunes et des travailleurs a connu une radicalisation croissante, mais elle n’a jamais pu trouver d’expression politique indépendante des partis qui défendent les intérêts des capitalistes. Cette situation s’est retrouvée dans les dernières élections.

L’alliance de Prodi au service des capitalistes

Malgré cette forte radicalisation des jeunes et des travailleurs contre les attaques du gouvernement Berlusconi, le programme de l’alliance de centre gauche menée par l’ancien président de la commission européenne Prodi ne se démarquait pas vraiment de celui de son adversaire. L’alliance de l’Olivier est une alliance de centre gauche regroupant aussi bien des démocrates chrétiens de droite autrefois alliés à Berlusconi que Rifondazione comunista (RC). L’ensemble de leur campagne a été centré contre Berlusconi évitant de répondre sur le terrain des revendications de ceux qui ont lutté depuis près de dix ans contre les attaques libérales. Le résultat serré des votes montre que les jeunes et des travailleurs italiens ne s’y sont d’ailleurs que peu retrouvés.

Le programme met en effet en avant un libéralisme classique fidèle à l’esprit du Traité constitutionnel européen et est félicité par le Wall Street Journal et par la Cofindustria, l’organisation patronale italienne. Prodi se propose ainsi par exemple de baisser le coût du travail par une baisse de la fiscalité pour relancer la compétitivité économique, demande du patronat italien, ou encore de faire des quotas pour sélectionner les immigrés car « les entreprises italiennes ont besoin des immigrés » ; ça ne vous rappelle rien ?

Rifondazione comunista : deux fois la même erreur !

RC, dans l’alliance, ne s’est pas réellement démarquée des autres forces de l’alliance dans cette campagne, préférant les suivre sur le terrain unique de l’antiberlusconisme. Créée en 1993 sur une opposition à la dérive de l’ex parti communiste vers la droite et l’abandon de toute référence socialiste, RC portait alors les attentes de dizaines de milliers de jeunes et de travailleurs. Mais Fausto Bertinotti, le dirigeant de RC, a estimé que le programme de l’alliance de gauche était « réussi au-delà des prévisions les plus optimistes » et qu’il « correspond au virage politique, économique et social que nous avions réclamé ». A quoi rime l’attitude de RC ? Que visent ces dirigeants ? Des sièges au parlement ? La présidence de la chambre des députés ? Il est pourtant bon de rappeler que RC ne participe pas pour la première fois à un gouvernement centre gauche. En 1997, la base de RC refusa la politique capitaliste du gouvernement de gauche de l’Olivier. La direction d’alors fit tout pour rester au gouvernement en attendant un an pour le quitter en 98 sous la pression de ces militants de base. Mais d’ores et déjà, Bertinotti a assuré ses alliés que le scénario de 98 ne se reproduira pas…

Le manque de l’alternative anticapitaliste et socialiste

Mais les travailleurs et les jeunes ont de la mémoire même pendant les élections. Ainsi on peut constater que les 5,8 % de RC aux dernières élections ne sont pas à la hauteur des 8,6 % qu’elle avait obtenus en 1996 quand son programme semblait dynamique et porteur d’espoir pour une couche importante de jeunes et de salariés. Avec la tactique opportuniste qu’elle a depuis développée, RC risque de devenir une aile gauche du gouvernement, mais certainement pas porteuse d’une vraie alternative pour changer de société.

La classe ouvrière italienne n’a pas besoin d’une énième formation de gauche, une coquille vide. Elle a besoin d’un parti des travailleurs et des jeunes combatif, nécessaire pour lutter contre les futures attaques du gouvernement capitaliste de Prodi. Seule la mise en avant d’un programme socialiste et les moyens concrets pour y parvenir peut permettre à la classe ouvrière de comprendre sa force et son rôle dans le renversement du système capitaliste et dans la réalisation d’une société gérée par les travailleurs et non par la minorité d’exploiteurs.

Par Geneviève Favre