Allemagne : 9 semaines de grève dans la fonction publique dans le Land de Bade-Wurtemberg

Une interview avec Dieter Janßen, délégué du personnel dans un des quatre hôpitaux du CHU de Stuttgart (Bade-Wurtemberg), dirigeant du comité de grève dans cet hôpital, syndicaliste de Verdi (syndicat de la fonction publique) et membre du SAV (organisation sœur de la Gauche révolutionnaire).

Article paru dans l’Egalité n°119

L’Egalité : La grève en Bade-Wurtemberg a été la plus longue et dure dans l’histoire de la fonction publique à l’échelle nationale et s’est terminée le 10 avril. Quelle était l’origine de ce conflit ? Quelles étaient vos revendications ?

Dieter : Les employés communaux, les infirmiers, les éboueurs, les éducateurs et d’autres travailleurs municipaux ont été 9 semaines en grève, quelques secteurs tous les jours, contre la prolongation du temps de travail de 38,5 à 40 heures par semaine. Notre revendication principale était le maintien des 38,5 heures et notre grève était une véritable bataille de défense vue l’attitude aggressive et déterminée des employeurs municipaux qui ont refusé de signer le maintien des conventions collectives.

L’Egalité : Est-ce que votre grève a été victorieuse ?

Dieter : L’accord signé contient une prolongation du temps de travail d’une demi-heure par semaine ce qui est malgré tout un petit succès pour nous car les employeurs voulaient à tout prix instaurer les 40 heures. Mais avec un élargissement de la grève nationalement, nous aurions pu gagner le maintien des 38,5 heures, et aussi revenir sur toutes les dégradations de nos conditions de travail de ces dernières années. La direction nationale de Verdi a refusé d’appeler à une véritable journée de grève nationale dans toute la fonction publique et n’a jamais vraiment cherché à coordonner les grévistes dans les régions différentes. Ceci explique que la plus grande mobilisation n’a pas dépassé 41.000 grévistes dont 17.000 en Bade-Wurtemberg.

L’Egalité : Comment expliques-tu la combativité énorme de tes collègues malgré un certain isolement ?

Dieter : Les salariés de la fonction publique ont subi plein d’attaques ces derniéres années et cette nouvelle tentative des employeurs de nous faire travailler plus longtemps sans augmentation du salaire a créé une sacrée colère chez les collègues. Tout le monde s’est dit  » Ça suffit, il faut qu’on se batte contre cette attaque ! « . Juste avant et surtout pendant notre grève, il y avait des adhésions massives à notre syndicat Verdi car les collègues ont compris qu’ils sont plus fort organisés, syndiqués. Dans l’hôpital où je travaille (Bürgerhospital à Stuttgart), des services entiers ont rejoint le syndicat et la grève a été votée et suivie massivement.

L’Egalité : Tu étais dirigeant de la grève dans ton hôpital. Comment avez-vous organisé la grève ?

Dieter : A l’hôpital, nous avons tenu des assemblées générales des grévistes tous les jours pour discuter de notre stratégie, de la poursuite de notre grève et des piquets de grève ont été organisés tous les matins. De même, des AG communes avec nos collègues des trois autres hôpitaux du CHU ont eu lieu régulièrement, des délégations des autres secteurs (éboueurs,etc.) ont participé à nos AG et nous aux leurs. Au moins une fois par semaine une grande manifestation des grévistes des secteurs différents en centre ville de Stuttgart a été organisée ce qui a augmenté la pression politique sur les employeurs, mais aussi la solidarité avec notre lutte.

L’Egalité : Est-ce qu’il y avait beaucoup de discussions politiques lors de votre grève ?

Dieter : Lors de nos AG de grévistes, nous avons discuté de la nécessité d’élargir notre grève, de faire le lien avec d’autres secteurs, mais aussi des évènements internationaux. Nous avons invités des grévistes de UPS à notre AG, nous avons organisés de la solidarité internationale avec le syndicat UNISON en Grande-Bretagne en lutte contre la réforme des retraites et nous avons discuté du mouvement de masse en France contre le CPE. La politisation s’est traduite aussi dans la mobilisation pour la manifestation contre la directive Bolkestein le 14 février à Strasbourg avec une participation de 2000 grévistes de Stuttgart.

L’Egalité : Comment résumerais-tu votre lutte ?

Dieter : La structuration démocratique et la bonne coordination de la grève à Stuttgart, ainsi que la combativité des collègues étaient des points forts et sont une bonne base pour des futures luttes. Dans l’avenir, la bataille pour un syndicat Verdi combatif et démocratique à l’échelle nationale est primordiale pour que nous puissions opposer un vrai syndicat de combat et un vraie grève de masse à l’offensive des employeurs et du gouvernement.