Amère reprise du travail chez H&M

La grève commencée dans l’unité le 13 décembre prend fin dans la division ce 10 janvier. La reprise a été votée à une courte majorité et les minoritaires pensent que, sans être nuls, les résultats de ces 4 semaines de blocage de l’entrepôt du Bourget (93) ne sont pas à la hauteur de la lutte menée et de ce que la multinationale suédoise du prêt-à-porter pouvait encore lâcher.

Article paru dans l’Egalité n°111

Dans le secteur privé, les grèves ne sont pas rares, même si l’on en parle moins que de celles qui touchent les administrations ou services publics. Mais, hélas, elles sont généralement défensives : plan de licenciement lié ou non à une délocalisation, aggravation des conditions de travail, répression ouverte ou insidieuse contre les délégués du personnel, retour aux 39, voire au 40 heures, sans majoration de salaires, etc.

En un an, grâce notamment à une collaboration avec le grand couturier Carl Lagerfeld, le chiffre d’affaire de novembre a augmenté de 24%. Sur la même période, à la Bourse de Stockholm, l’action H & M a grimpé de 30%. Mais les salaires piétinent au niveau du SMIC. Manifestement, les patrons peuvent payer mais ils pensent pouvoir s’en dispenser en profitant du fait que la plupart des salariés (3000 pour toute la France) sont en situation précaire : étudiants à temps partiel, mères célibataires, etc. Une exception, l’entrepôt du Bourget qui approvisionne les 65 magasins de France et ceux d’Italie. Là, les salariés ont un peu d’ancienneté, certains sont syndiqués (CGT, CFDT et FO) et quelques uns ont déjà fait grève, avec succès, il y a 4 ans.

Le 24 décembre, le tribunal a naturellement ordonné l’évacuation du piquet de grève mais en faisant remarquer au patron que sa politique salariale n’était pas très sympathique. Le préfet, qui avait fait savoir aux grévistes qu’il n’enverrait pas les forces de l’ordre entre les fêtes, a pourtant lâché ses chiens le 28 décembre. La France, sous le choc du raz-de-marée asiatique et de l’explosion de Mulhouse, n’a pas réagi à ce coup de force. Malgré la présence, comme « médiateur », de l’Inspection du Travail, la négociation du 3 janvier, acceptée par le patron dès lors qu’il pouvait de nouveau approvisionner ses magasins, a été à peine plus positive que la précédente puisqu’elle n’accordait d’augmentations qu’à la petite minorité qui disposait de quelques années d’ancienneté. Ces propositions de la Direction ont été largement repoussées par l’assemblée générale des grévistes. Mais après quelques concessions supplémentaires, 1,8% pour tout le monde, de 4 à 7% pour les « anciens », le patron a profité de la grande fatigue de la majorité pour reprendre en mains la situation. 2 syndiqués licenciés devront éventuellement compter sur les prud’hommes pour obtenir réparation et les jours de grève ne seront pas payés.

Malgré nos faibles moyens, nous avons apporté notre soutien aux grévistes d’H&M. Des conseillers municipaux de notre organisation en Suède ont envoyé un message de soutien, et nous étions prêts à relayer une action sur les magasins H&M en province.

La lutte des grévistes d’H&M a été courageuse. Elle montre également qu’on ne peut gagner en restant isolés. Alors que de nombreuses raisons de lutter apparaissent chaque jour dans le privé, c’est cette idée qu’il faut garder en tête : essayer à chaque fois d’étendre la grève à tout le groupe, récolter du soutien matériel, et faire se rejoindre les luttes.

Par Jacques Capet