Tsunami : victimes des inégalités avant tout

Personne ne peut rester indifférent face à la catastrophe que le tsunami a produite en Asie du Sud : plus de 150.000 morts, des milliers de disparus ou de blessés, des dégâts matériels tels que des centaines de milliers de personnes ont tout perdu. Face à ce désastre, des millions de personnes se sont mobilisées à travers le monde pour venir en aide aux populations du Sud asiatique. Et déjà des questions sont posées : pourquoi cette catastrophe naturelle a provoqué tant de pertes humaines et matérielles ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’alerte ? Comment leur vie pourra non seulement être reconstruite mais aussi extrêmement améliorée ? En définitive, derrière toutes ces questions se pose celle des responsabilités face à de tels événements.

Article paru dans l’Egalité n°111

Un séisme est imprévisible, mais pas le tsunami qui l’a suivi. Le nombre de victimes aurait été quasi nul si les populations avaient été prévenues et évacuées. Le nombre d’anecdotes se rapportant à la fuite d’animaux qui auraient ressenti l’arrivée de la vague se multiplient ; comme les éléphants qui par leur fuite dans l’intérieur des terres ont sauvé leurs cornacs et les touristes qui les accompagnaient. Mais le cas le plus significatif est certainement celui de l’île de Diego Garcia, qui malgré sa position au plein milieu de l’Océan indien au sud des Maldives, n’a connu aucune victime. Effectivement, sur cette île se trouve une base militaire anglo-américaine qui a été prévenue de l’arrivée du raz-de-marée. Les autorités des pays tels que la Thaïlande étaient prévenues, mais elles ont préféré taire l’alerte plutôt que de mettre à mal l’industrie du tourisme en particulier : l’imprévoyance des effets du raz-de-marée associée à l’appât du gain sont deux causes qui ont aggravé la situation. Le limogeage du responsable du service météorologique n’est que de la poudre aux yeux.

On pouvait éviter les morts du tsunami disent des scientifiques. En plaçant, comme ils l’avaient demandé, deux ‘tsuna-mètres’ (bouées dotées de sismographes) pour mesurer l’impact des tremblements de terre. Les risques de l’Océan indien étaient connus. Compliqué ? Non. Depuis cinquante ans, les Etats-Unis ont installé six tsuna-mètres pour protéger leurs côtes. Cher ? 250.000 $ pièce. C’est ce que coûte la machine de guerre du Pentagone à chaque seconde (1,5 milliards $ par jour).

Plus révélateur, Tilly, une petite anglaise de 10 ans, a sauvé la vie d’une centaine de personnes à Phuket en Thaïlande grâce à son professeur de géographie, qui avait expliqué à sa classe comment repérer un tsunami. « J’étais sur la plage et l’eau est devenue bizarre, il y avait des bulles et soudain la marée à commencer à se retirer. J’ai compris ce qui se passait, j’ai eu le sentiment qu’un tsunami allait arriver et je l’ai dit à maman », a raconté la fillette, permettant l’évacuation de la plage et de l’hôtel voisin avant l’arrivée du raz-de-marée. Il y avait 10 minutes pour réagir avant l’arrivée du tsunami. Grâce au réflexe de la fillette, personne n’a été tué ou sérieusement blessé sur la plage de Maikhao. Autrement dit, des dépliants pour les touristes et des écoles en nombre suffisant pour les populations locales auraient permis d’éviter la catastrophe. Il faudrait évidemment pour cela que le tourisme ne soit pas un commerce, et que des écoles soient effectivement construites pour les populations.

La Terre n’a jamais été autant scrutée. Les systèmes d’alerte et de protection existent. Le Japon, souvent touché par les séismes et les tsunamis, en possède un performant. Mais contrairement à la plupart des pays de l’Océan indien, le Japon est un pays riche (même s’il est en crise depuis la fin des années 90) qui a pu investir dans des dispositifs de sécurité. Il est clair que face à ce genre de phénomène naturel, il n’y a pas d’égalité entre les pays capitalistes et les pays dominés. Et là où ils existent, ces dispositifs anti-sismiques ou anti-tsunamis sont toutefois réservés en priorité aux quartiers les plus huppés et aux centres villes ou centres d’affaires. Les quartiers pauvres peuvent, quant à eux, sombrer sous les gravats ou les flots !

D’ailleurs, c’est ce qui s’est produit dans l’Océan indien. Ce sont les plus pauvres qui ont été les plus touchés : les pêcheurs, les travailleurs et les paysans du littoral, tant du point de vue du nombre de victimes que de celui des pertes matérielles. Lorsque l’on regarde les images nous parvenant des villes et villages touchés, on s’aperçoit vite que les cabanes et les petites maisons ont été anéanties alors que les maisons construites en dur, celles de la bourgeoisie locale, les édifices religieux ou d’Etat sont restés debout. Il est facilement compréhensible qu’il y’a plus de chance de survivre quand la vague arrive lorsque l’on vit dans ce genre de bâtiment que lorsque l’on survit dans les cabanes en bois et tôles. Là encore que l’on soit riche ou pauvre, on ne subit pas la même vague !

Il en sera de même pour la reconstruction. Le taux moyen d’assurance au Sri Lanka est de 7 dollars, en Inde il est de 4 dollars. Ceci est à comparer avec les 2000 dollars aux USA. Autrement dit, la plupart des Sri Lankais ou des Indiens ne sont pas assurés. En revanche, les bourgeois de ces pays, eux, doivent l’être pour l’ensemble de leurs biens. Cet argent est à ajouter bien évidemment à leur compte en banque et servira à repartir du bon pied. En revanche les plus pauvres avaient peu de choses à eux… et ils ont tout perdu aujourd’hui.

Dans un système inégalitaire de classe, tel que le capitalisme, les phénomènes naturels sont avant tout des phénomènes sociaux et politiques : ce sont toujours les plus pauvres qui subissent les plus grands dommages !

Par Yann Venier