Sénégal : début d’une révolte de masse ?

Les récentes manifestations au Sénégal ne viennent pas de nulle part et la colère qui s’exprime est en fermentation depuis bien longtemps. Le président Macky Sall, soutenu par l’impérialisme français, dirige le pays avec sa clique dans ses intérêts (et ceux des multinationales) pendant que la population sénégalaise crève de faim.

La goutte d’eau

Il veut absolument mettre le chef de l’opposition Ousmane Sonko en prison pour briguer un troisième mandat à l’élection présidentielle de 2024. Pourtant la constitution fixe un maximum de deux mandats consécutifs. Sonko a été accusé de viol dans le salon de massage où il faisait son traitement d’immunothérapie, mais l’enquête de la gendarmerie a démontré que c’était un complot. Maintenant il est poursuivi pour trouble à l’ordre public.

L’arrestation de Sonko a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. La majorité du peuple qui est descendu dans la rue contre cette injustice manifeste également contre le chômage et la pauvreté. 57% de la population a moins de 20 ans au Sénégal. Selon l’Organisation Internationale du Travail, le pays est classé 3ème dans les 10 pays au monde avec le chômage le plus élevé, derrière la Syrie et le Burkina Faso avec 48%. Macky Sall avait promis 1,5 millions d’emplois d’ici 2024, mais on est loin de s’en approcher.

Avec la Covid, la crise économique s’est accentuée et le couvre-feu nocturne depuis début janvier n’aide pas. Une timide campagne de vaccination a également commencé sur les personnes à risque, mais on est loin de ce qu’il faudrait. Les magasins qui ont été pillés lors de manifestations ne sont que des émeutes dues à la faim. Les magasins Auchan ont surtout été visés car c’est le reflet de l’impérialisme français.

Qu’attendre de Sonko ?

Une bonne partie de la population et des jeunes soutient Sonko, vu comme le leader de l’opposition. Il est député depuis 2017 pour son parti le Pastef (patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité) et a déjà été candidat à la présidentielle de 2019 où il a fait plus de 15%.

Il est vu comme « anti-système » – bien qu’il soit enfant de fonctionnaire ou qu’il ait fait l’ENA. Il veut sûrement sincèrement améliorer la situation de la population sénégalaise, mais son programme n’est pas suffisant pour cela. Comme la plupart des leaders africains, il veut réindustrialiser son pays et développer l’agriculture pour retrouver de la souveraineté. Ainsi il souhaite sortir du Franc CFA « prudemment »… seulement si la monnaie unique prévue dans la CEDEAO (Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest) ne voit pas le jour. Cela le place tout de même en danger pour l’impérialisme français, qui a (pour le moment) son représentant en Macky Sall. Même cela pourrait changer si ce dernier provoque trop d’instabilité.

Mais en gardant les illusions sur l’entrepreneuriat sénégalais, la majorité de la population restera dans la misère. Ce ne sont pas les entrepreneurs ou les capitalistes locaux qui pourront débarrasser le Sénégal de la mainmise des multinationales sur l’économie. Or, c’est bien elle qui empêche tout développement durable du pays. La seule manière d’en finir avec cet impérialisme est avec une lutte unifiée des travailleurs et de la jeunesse de tout le pays, pour exproprier ces multinationales et les principaux secteurs de l’économie du pays de leurs grands propriétaires, et les placer sous le contrôle et la gestion démocratiques des travailleurs et de la population ; avec un gouvernement de travailleurs qui représente réellement les intérêts de la majorité de la population. Sans quoi la corruption continuera. Sans remettre en cause le capitalisme, les intérêts privés des capitalistes sénégalais primeront sur ceux des travailleurs et des jeunes du pays. Pour un Sénégal socialiste et démocratique !

Par Matthias, article paru dans l’Egalité n°204

Le 8 mars, place de l’obélisque à Dakar