Il y a 60 ans… La 2nde guerre mondiale

Bien loin des commémorations officielles de ce 6 juin 1944 et de la réussite de cette opération  » overlord  » qui marquait le début de la défaite de l’Allemagne nazie, il est important de revenir sur cette seconde guerre mondiale, non pas pour diminuer le rôle du « brave soldat ricain qui est venu se faire tuer loin de chez lui », comme chantait Renaud mais pour redire que derrière chaque conflit il y a l’action d’une bourgeoisie et sa volonté hégémonique pour son seul profit immédiat : qu’importent pour elle les conséquences pour les peuples !

Article paru dans l’Egalité n°108

Déjà le 1er novembre 1914, au début de la première guerre impérialiste Lénine écrivait : « l’impérialisme met en jeu le sort de la culture européenne. Après cette guerre, s’il ne se produit pas une série de révolutions, d’autres guerres suivront – le conte de fées de la « der des ders » est un conte creux et pernicieux… ». La première guerre avait été la résultante de la rivalité entre les anciens empires coloniaux, France et Grande-Bretagne, et la volonté allemande de rattraper son retard. Les Etats-Unis participent à cette première guerre afin d’empêcher une victoire de l’Allemagne qui nuirait à son propre développement. Cette première guerre se solde par une défaite de l’Allemagne, démembrée, entourée d’ennemis et réduit à la famine par les réparations financières du traité de Versailles. L’un des éléments de cette fin de conflit est aussi la victoire en Russie de la révolution d’Octobre 1917 et la mise en place durant au moins quelques années avant sa dégénérescence avec Staline, d’un état socialiste. Cette victoire a pour conséquence d’effrayer la plupart des bourgeoisies qui ont peur de l’extension de la Révolution.

C’est à peine quelques années après la fin de cette guerre que l’Italie voit arriver Mussolini au pouvoir. Hitler et le national socialisme, ne sont pas non plus arrivés par hasard et cela n’a pu s’accomplir sans le soutien tacite des vainqueurs de la première guerre. Leur doctrine et leur théorie auraient du être un signal d’alerte fort de ce qui allait se passer et dont les premières victimes furent les travailleurs allemands eux-mêmes. Mais pour la plupart des bourgeoisies européennes, la montée du fascisme était le seul moyen de lutter contre le communisme et de casser les classes ouvrières d’Europe. C’est avec l’accord de ces « grandes puissances » que l’Allemagne reconstruit sa puissance militaro industrielle. La guerre d’Espagne en 36 ne sera qu’une sorte de sinistre répétition générale de cette nouvelle guerre moderne. Le conflit qui se prépare montre aussi l’échec de la société des nations, l’ancêtre de l’ONU, qui ne sera pas un rempart contre la guerre. En octobre 38 Chamberlain et Daladier signaient à Munich une « amitié durable » entre l’Allemagne, l’Angleterre et la France espérant retarder à n’importe quel prix l’émergence d’un nouveau conflit.

L’alliance de Staline avec Hitler et la signature du pacte germano soviétique démontrent dans les faits l’éloignement le plus complet qui pouvait exister entre les bases de la révolution d’octobre et la mise en place d’un état stalinien. La politique de la IIIéme internationale s’est de plus en plus orientée vers une lutte contre l’impérialisme franco anglais et pour la « défense du peuple allemand » du moins lorsque les intérêts du Kremlin coïncidaient avec la vision de Staline. L’entre deux guerres est peuplé d’occasions ratées en Chine, en Espagne ou la seule constante de la IIIéme Internationale est la chasse et l’élimination des « trotskystes ». Les « consignes » de Staline mettent les différents partis communistes dans une position difficile et vendent le « communisme » aux fascistes. Ce positionnement ne donne que peu d’alternative aux travailleurs européens qui ne peuvent que s’alarmer de ce dangereux rapprochement. Cette mainmise totale continuera même lorsque l’URSS rejoindra le camp allié où c’est alors la politique de  » l’union nationale  » avec les gouvernements socio démocrates bourgeois qui prévaudra. Le parti communiste français, par exemple, participe en 45 au gouvernement et désarme ses maquis alors qu’il est le premier parti de France !

La position des Etats-Unis est encore plus ambiguë : neutre au début de la guerre et investissant ensuite toute sa puissance industrielle pour la gagner. Comme l’avait écrit Trotsky en 1934 : « le capitalisme des Etats-Unis se heurte aux mêmes problèmes qui ont poussé l’Allemagne en 1914 sur le chemin de la guerre. Le monde est partagé ? Il faut refaire le partage. Pour l’Allemagne, il s’agit d’organiser l’Europe. Les Etats-Unis doivent organiser le monde. L’histoire est en train de conduire l’humanité à l’éruption volcanique de l’impérialisme américain » . Les Américains sont donc intervenus afin de défendre leurs propres intérêts, contre le Japon pour leur « espace vital » et contre l’Allemagne afin de récupérer l’héritage de l’impérialisme britannique.

Redéfinir les alliés comme le camp des « démocrates », c’est oublier que la France, l’Angleterre, la Belgique, la Hollande étaient à la tête de puissants empires coloniaux et que la plupart des conflits qui auront lieu après cette seconde guerre seront des luttes de libération nationale et que la décolonisation se passera souvent par la force. La victoire des alliés n’a pu avoir lieu qu’avec l’aide de l’URSS et elle se termine avec une Europe entièrement à reconstruire, 50 millions de morts civils et militaires, un monde découpé à Yalta entre les superpuissances.

Par Arnaud Benoist