Le gouvernement est obligé de modérer ses déclarations sur la privatisation d’EDF-GDF. Il craint la lutte des électriciens et gaziers du service public de l’énergie. Et surtout il craint que ceux-ci n’entraînent dans leur sillage d’autres secteurs, notamment ceux qui risquent également la privatisation (SNCF, La Poste) ou les salariés de tous les secteurs sur la question de l’assurance maladie, des salaires etc. Il a donc proposé de réduire à moins de 40% (au lieu de 49,9) la part de capital d’EDF-GDF qui pourrait être privatisée. En fait, ce recul en dit long sur la volonté de Chirac-Raffarin-Sarkozy d’aller coûte que coûte à la privatisation.
Article paru dans l’Egalité n°107
Alors que le prix de l’électricité baissait depuis 20 ans, il a réaugmenté à partir de 2001 (avec +3% en 2003). Cela suit la signature par Jospin de l’accord européen prévoyant la libéralisation du marché de l’Energie. Les experts en privatisation avaient calculé qu’il fallait une augmentation de 9,5% du prix de l’électricité pour que EDF soit attractif pour les capitaux privés, pour arriver à un taux de profit acceptable. Mais les nombreuses luttes de ces dernières années ne rendent pas la tâche aisée pour les gouvernements au service du capitalisme. En Octobre 2002, une journée de grève contre la privatisation avait rassemblé 80% du personnel, et en janvier 2003, un référendum interne qui prévoyait la sortie des comptes de l’entreprise des cotisations retraites, préalable indispensable à la privatisation, avait été rejeté par les salariés.
Pourquoi la privatisation ?
Les capitalistes français et européens ne peuvent accepter plus longtemps que des secteurs aussi lucratifs que l’énergie ne soient pas encore sous leur emprise. EDF-GDF est un service public où les travailleurs ont de nombreux acquis, et qui agit en monopole de la production à la distribution. Garantie de l’emploi, retraites intégrées aux comptes de l’entreprise, tarifs parmi les plus bas d’Europe … ce sont ces éléments qui doivent être cassés pour faire de la privatisation une opération la plus rentable possible. C’est bien la fin du service public qui est en perspective contrairement à ce que prétend Sarkozy.
70 milliards d’euros doivent être trouvés pour faire sortir le régime des retraites d’EDF-GDF des comptes de l’entreprise. Aucun investisseur privé ne voudra en effet financer le régime de retraite.
Idem pour le réseau de distribution qui demande toujours beaucoup de maintenance et d’investissements tout en n’étant pas rentable pour les compagnies. Le statut de service public national oblige EDF-GDF à assurer une qualité nationale dans la distribution de l’énergie. Dans les pays où l’électricité a été privatisée, les coupures dues à l’usure des réseaux ou à la faillite des compagnies chargées d’acheminer l’électricité se sont multipliées. Un grand nombre de pays, où le secteur électrique a été libéralisé, ont connu peu de temps après des coupures d’électricité, le Canada, l’Italie où 6 millions de clients ont subi des coupures en juin dernier. En Californie, les producteurs ont arrêté d’investir dans de nouveaux moyens de production pour faire monter les prix. De juin 1999 à juin 2000, les prix ont été multipliés par quatre, puis les coupures d’électricité sont devenues fréquentes. Aujourd’hui, la consommation d’électricité en Californie fait encore l’objet de rationnements.
Des capitaux privés pour sauver le service public ?
L’électricité n’étant pas stockable il faut la vendre tout de suite et ce ne sont pas les lois de l’offre et de la demande qui régulent cela. Au contraire, les opérateurs peuvent facilement s’accorder car on consomme de l’électricité instantanément. On est donc obligé de la payer au prix décidé par l’opérateur auquel on est abonné. Tandis que sur un service public en situation de monopole s’exerce au moins en partie, un certain contrôle des syndicats.
Le prix de l’électricité a augmenté en 2002 de 33% en Finlande, et de 16,5% l’an passé en Allemagne. Et ce n’est que le début. Tout comme le réseau ferré britannique n’a jamais été entretenu par les compagnies privées auxquelles il avait été cédé, aboutissant à une multiplication des catastrophes ferroviaires.
L’exemple d’Air France ou de France Telecom qui avaient commencé par une ouverture partielle du capital montre aux salariés d’EDF-GDF mais également à toute la population que la privatisation d’une part minoritaire du capital est suffisante pour impulser la casse du service public. En effet, les actionnaires privés bloqueront les actions non rentables, prélèveront une part importante de la richesse produite par EDF sous la forme de profits et de dividende, voudront surfacturer l’acheminement de l’électricité ou du gaz dans les zones plus difficiles d’accès, négligeront les infrastructures (y compris le nucléaire avec tous les dangers que cela implique), etc.
La division d’EDF GDF en deux sociétés distinctes, qui finiront par être concurrentes, leur transformation en Société anonyme (donc cotables en bourse), la séparation des activités (production, maintenance, transport et vente de l’énergie) sont autant d’élément permettant le dépeçage du service public et sa vente au privé. On voit le même scénario à La Poste, à la SNCF etc.
François Roussely (Président d’EDF), le 3 octobre 2003 dans le journal Les Echos :
“Les prix de l’électricité devront sans doute augmenter en France […] On ne peut pas avoir les tarifs du monopole avec la concurrence du marché ouvert”.
Comment stopper cela ?
La privatisation d’EDF-GDF n’a été repoussée que par la crainte qu’a le gouvernement d’une riposte des travailleurs. Mais la récession économique a encore plus limité leur marge de manœuvre. Ils n’ont pas le choix sinon aller de l’avant dans les politiques néolibérales car leur retard dans la compétition que se livrent les pays capitalistes deviendrait trop important. Stopper la privatisation d’EDF-GDF, c’est donc donner un encouragement à l’ensemble des travailleurs en France et ailleurs pour stopper les politiques néolibérales.
C’est une lourde responsabilité pour les salariés d’EDF-GDF : la crainte d’une défaite existe car elle peut également accélérer ces politiques. Mais les mobilisations, notamment du 8 avril, ont montré qu’une grève solide, avec des actions déterminées (coupures etc.) est largement possible et indispensable.
Si le gouvernement était sûr de lui, il aurait lancé un plan de privatisation plus violent car il serait prêt à assumer une lutte dure avec les travailleurs d’EDF-GDF. Or c’est loin d’être le cas. Et les travailleurs l’ont montré : où on veut quand on veut on coupe le courant.
L’appel lancé par la fédération Mines-énergie CGT à l’ensemble des syndicats pour se joindre à leur prochaine journée de grève du 27 mai a déjà reçu une réponse positive des syndicats de pompiers et de la CGT de La Poste-Paris. Des syndicalistes d’EDF-GDF ont lancé un appel déclarant que stopper la privatisation ne se fera qu’au moyen d’une grève unitaire, totale et prolongée.
La plupart des dirigeants syndicaux refusent de le faire, dans l’éducation tous les syndicats ont appelé à une grève le 25 mai. Lutte ouvrière ne parle absolument pas de cette date. La LCR parle de la nécessité d’un vrai plan de lutte en mai et se garde de bien de proposer à ses militants de reprendre et défendre l’appel de la fédération Mines-énergie CGT. Dans la réalité, enfouis dans les pseudo comités de défense de la Sécu, ils refusent de s’affronter aux bureaucrates syndicaux et ne reprennent pas les propositions d’appeler au 27 mai. Parler d’une mobilisation nationale sans saisir la principale occasion de la construire, car les directions nationales des syndicats refuseront de le faire, l’extrême gauche officielle continue dans son impasse…
De nombreux travailleurs sont prêts à se battre, le gouvernement est véritablement minoritaire dans le pays. S’il n’est pas stoppé, ce seront La Poste, la SNCF qui suivront. Dans le privé, les grèves sur les salaires, l’emploi et les conditions de travail se sont multipliées. Une défaite du gouvernement serait une défaite pour toute la classe capitaliste, et une victoire pour tous les travailleurs du public comme du privé.
Les militants de la Gauche révolutionnaire participent à toutes les actions des salariés d’EDF-GDF, mobilisant sur les quartiers et dans les entreprises où ils sont, défendant des motions allant dans ce sens dans les instances syndicales. Contactez nous pour recevoir du matériel ou des informations !
Préparons le 27 mai comme une véritable journée interprofessionnelle de grève, comme le point de départ possible d’une lutte d’ensemble pour battre Sellières et Chirac-Raffarin-Sarkozy !
Par Alex Rouillard