Irak : “ Le Vietnam de Bush ” ?

Un an après la fin officielle de la guerre en Irak, l’impérialisme américain fait face à une résistance contre l’occupation qui devient de plus en plus féroce et massive. L’entrée des chiites dans le combat armé contre les troupes américaines, début avril, marque une nouvelle étape dans la résistance. C’est évident que la “démocratisation” et la “reconstruction” du pays ne sont pas réalisables sous l’occupation violente de l’armée américaine et ses alliés.

Article paru dans l’Egalité n°107

Depuis “ la fin ” de la guerre la population irakienne est confrontée à des contrôles humiliants, des arrestations arbitraires, des mauvais traitements et des assassinats faits par les occupants. Selon amnesty international, 10.000 irakiens ont trouvé la mort depuis le début de l’invasion. Les conditions de vie empirent : seulement 50 % de la population dispose de l’eau potable, 50 % sont au chômage, des coupures d’électricité sont très courantes et les secteurs de l’Éducation et de la Santé se sont écroulés.

La résistance s’étend

La combinaison entre cette situation sociale misérable et la politique d’oppression de la part des occupants pousse de plus en plus d’irakiens à prendre les armes et à rejoindre des milices différentes. Les attaques et les bombardements, début avril, contre la ville Falloudja, base des résistants sunnites et baasistes, ont provoqué des centaines de morts civils. En même temps l’armée américaine a attaqué Nadjaf, ville sous contrôle des milices chiites du dirigeant radical al-Sader. Les représailles contre al-Sader et ses partisans avaient pour but de renforcer le dirigeant chiite modéré al- Sistani, qui a pour l’instant essayé de freiner le mouvement contre l’occupation.

Mais le contraire s’est produit : le soutien pour al-Sader et son armée Mahdi grandit. Les chiites (2/3 de la population irakienne) rejoignent massivement la résistance armée et les attaques contre les troupes et les bases américaines se multiplient. Le plus inquiétant pour l’impérialisme américain c’est la fraternisation entre sunnites et chiites. Des combattants chiites ont rejoint les combattants sunnites à Falloudja, des chiites ont donné leur sang pour les blessés dans cette ville et les dirigeants des deux cotés ont appelé au combat armé de tous les Irakiens. La résistance, auparavant portée et organisée par les anciennes forces du régime Hussein devient nationale.

L’impérialisme américain sous pression forte

Depuis le début de la guerre l’armée américaine a perdu plus de 700 soldats, 134 rien qu’en avril. Aux États-Unis, la politique de l’occupation du gouvernement Bush est de plus en plus contestée, le mot d’ordre de “ retrait des troupes ” gagne en soutien et les gens sont plus conscients que l’occupation va durer longtemps et va encore coûter la vie de centaines d’Irakiens et des soldats américains.

La révélation des pratiques cruelles dans les prisons en Irak et en Afghanistan début mai, les photos des prisonniers humiliés et torturés, ont provoqué une crise énorme de légitimation de Bush et sa clique. En plus il est fort probable que le nouveau gouvernement en Irak ne pourra pas être mis en place le 30 juin ce qui était la promesse principale de Bush. Cela signifierait une défaite politique pour la Maison Blanche et la réélection de Bush devient plus difficile. À cause de la situation explosive en Irak. Bush et Blair étaient obligés de faire appel au soutien à l’ONU et à l’OTAN et ils craignent que d’autres états après l’Espagne puissent retirer leurs troupes.

L’impérialisme américain est donc en grandes difficultés à l’intérieur de son pays, mais surtout à l’extérieur car l’occupation de l’Irak épuise presque toutes ses capacités militaires. Au lieu de réduire les effectifs, l’armée doit envoyer plus de troupes en Irak. La stratégie de “ pacifier ” l’Irak et de contrôler à long terme tout le Moyen Orient pour pouvoir tranquillement exploiter des ressources pétrolières semble complètement échouer. L’impérialisme américain se retrouve dans l’impasse : l’occupation, le maintien du contrôle sur l’Irak devient de plus en plus ingérable mais le retrait des troupes n’est pas possible non plus. La défaite politique et stratégique serait trop importante.

Quelle issue pour l’Irak ?

Constatant que l’occupation américaine va aggraver la situation et n’offre aucune perspective pour la population il faut regarder les deux forces principales d’opposition de près. Représentent-elles une véritable alternative ? Car les chiites radicaux et les sunnites baasistes appellent au combat armé, ils paraissent comme alternative à l’oppression et à la misère créées par l’occupation. Sur cette base et faute d’organisations ouvrières combatives ils peuvent obtenir le soutien d’une partie des Irakiens, surtout des jeunes. Mais et les intégristes chiites et les baasistes sont profondément réactionnaires. De manière différente ils veulent établir un régime des élites riches et continuer l’exploitation de la classe ouvrière.

Dans la résistance contre les attaques des troupes américaines en avril il y avait des éléments importants de solidarité et de l’unité entre les forces chiites et sunnites. La plupart des combattants sont issus de la classe ouvrière et des couches très pauvres. Pour renforcer cette solidarité de classe la création des milices démocratiques impliquant chiites, sunnites, kurdes, etc. est nécessaire.

Des comités démocratiques devraient être installés dans tout le pays pour organiser un mouvement de masse des travailleurs, paysans et pauvres contre les occupants et l’exploitation du pays par les grandes multinationales. La création des syndicats et d’un parti des travailleurs est indispensable pour unifier la classe ouvrière atomisée. Un parti des travailleurs avec un programme socialiste pourrait mobiliser des millions d’Irakiens dans les luttes quotidiennes et contre l’occupation, pourrait briser l’influence des intégristes et d’autres forces réactionnaires, mais pourrait surtout rétablir les idées socialistes. Même s’il ne s’agit pas d’une solution à court terme : seulement le combat pour une société socialiste peut donner une vraie perspective aux masses opprimées en Irak.

Par Olaf Van Aken